Les débuts d’année sont comme le patinage artistique : il y a les figures libres et les figures imposées dont font partie les sempiternelles « bonnes résolutions ». Tous les ans nous listons les changements qui vont nous conduire -cochon qui s’en dédit ! (1)- à construire avec opiniâtreté les mêmes désillusions que l’année précédente (2).
Un peu las en ce début d’année, j’ai demandé à ChatGPT de m’aider. Le premier conseil que m’a donné l’intelligence artificielle fut « de prendre soin de ma santé mentale ». C’est perdu d’avance !
J’ai fait une autre demande : « Comment renoncer aux bonnes résolutions pour 2025 de manière rapide et efficace ? ». Je vous transmets la réponse car elle peut vous être utile.
ChatGPT conseille de se fixer des objectifs irréalistes et impossibles à tenir. Et comme cette IA a compris qu’elle correspondait avec un niolu de première (3), elle donne des exemples : « si vous n’avez jamais fait une seule pompe promettez-vous d’en faire cent par jour (4). Si vous êtes un viandard promettez-vous de ne manger que des légumes pendant tout le mois de janvier ».
Ne planifiez rien, ajoute ChatGPT. L’élément clé est de ne mettre en place aucun plan concret. Par exemple ne vous inscrivez à aucune salle de sport et restez plutôt sous la couette.
Entourez-vous de tentations : si vous avez décidé d’un régime faites des réserves de confiseries et de chocolat pour être sûr de succomber au plus vite à la première envie. Et qu’on n’en parle plus.
Évitez de faire le suivi de vos promesses. L’ignorance est une alliée de l’échec.
Trouvez des alibis pour procrastiner de votre mieux. Remettre à plus tard est le meilleur moyen d’oublier ses bonnes résolutions.
Accordez-vous d’emblée de « petites exceptions ». Elles seront les habitudes de demain.
Au fond, l’Intelligence Artificielle n’est pas si bête qu’on dit (5).
Notes :
(1)- L’expression « cochon qui s’en dédit ! » remonte au XIIIème siècle. C’était le tout
début de ce qui est devenu « la Langue Française ». Nous étions avant la grande
peste et la guerre de Cent Ans. Avant le procès de Jeanne d’Arc instruit par l’abbé
Cauchon. C’est dire la force de cette expression qui survit depuis tant d’années.
Elle est néanmoins en grand déclin. Cochon était au Moyen-Âge une insulte fort
déshonorante car cet animal était réputé sale, glouton et adepte d’une sexualité
désordonnée et parfaitement déloyale. Ces traits de caractères sont en voie de
disparition dans notre société aujourd’hui -grâce au ciel !- beaucoup plus policée.
Gageons que l’expression n’y survivra pas.
(2)- Si chaque année des tombereaux de bonnes résolutions dégoulinent dans les
discours de chacun, c’est bien parce que ces mêmes résolutions que nous prenions
l’an passé n’ont pas été suivies d’effet. C’est fâcheux, mais c’est mathématique.
(3)- Un niolu est un demeuré, un niais. Un grand dadais, une andouille. Un nigaud,
un jocrisse, un jobard, un couillon. Une sorte de simple d’esprit, de niquedouille, de gobe-mouche. Attention, ce balourd est parfois une godiche, une gourde ou une oie
blanche.
Si nous disposons de tant de mots pour qualifier ces niaiseux et ces crétins c’est
parce que notre langue est riche. Il n’y a pas d’autre raison.
(4)- Faire des pompes (pour ceux qui n’auraient pas lu la notice) c’est -depuis 1936-
s’adonner à un mouvement de gymnastique où les tractions des bras simulent le fait
d’actionner une pompe. Dans ce contexte « pompes » est toujours au pluriel car
mobiliser l’admiration de spectateurs qui ont tant d’autres choses à faire pour une
seule pompe serait naturellement se moquer du monde.
Dans un autre usage, les pompes sont les chaussures comme dans l’expression
récente (1978) « marcher à côté de ses pompes ». L’expression est né dans le Berry selon Gaston Esnault, auteur du dictionnaire historique des argots français. L’idée d’origine provient de ce qu’un trou dans une chaussure provoque à chaque pas (en zone trempée) un zloup et un splash qui introduit et refoule l’eau du parcours. Par extension et en passant du trou à ce qui entoure le trou, est née l’idée d’appeler les chaussures des pompes. Mais
naturellement vous pouvez continuer de dire, en 2025, des chaussures.
(5)- Dans les semestres à venir on peut s’attendre à ce que l’intelligence artificielle
modifie profondément notre intelligence naturelle alors que l’on n’a pas encore eu le
temps d’en faire le tour et d’en appréhender les multiples facettes.
Il semble que nous allions vers un monde où chaque texte, chaque photo, chaque
vidéo, chaque discours seront probablement artificiellement fabriqué par ChatGPT et
ses nombreux cousins. On se dit un peu vite « mais alors, comment reconnaitre le
bon grain de l’ivraie ? ». ChatGPT est formel : c’est une question sans intérêt
puisqu’il n’y aura plus guère que de l’ivraie.
Bonne année !
