Relocalisations, marché de dupes ?

Alors que les candidats à la présidentielle mettent en exergue le rapatriement du travail dans l'Hexagone, cette stratégie offre t-elle vraiment un avenir au pays ? Décryptage.

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Il faut sauver le soldat France. Où plutôt son économie, son emploi. Fort de cette conviction unanime, chacun essaie de savoir comment agir au mieux…et les candidats à l’élection présidentielle ne sont pas en reste de propositions, sans oublier le plan ‘France Relance’ mis en place depuis la survenue de la pandémie. Face au choc provoqué par certaines pénuries, et au sentiment d’hyper dépendance au continent asiatique, l’État s’est mobilisé pour rapatrier certaines activités dans l’Hexagone, à commencer par cinq secteurs stratégiques : agroalimentaire, électronique, santé, intrants de première nécessité pour l’industrie, et les télécommunications/5G. Selon la société Trendeo, qui a recoupé les articles de presse parus depuis septembre 2020, un mieux est survenu dans cette optique : depuis cette date, 115 sociétés employant plus de 10 salariés ont ‘délocalisé’ leurs activités étrangères pour revenir en France. Et pour l’année 2021 déjà écoulée, plus de 85 relocalisations sont intervenues tandis que les délocalisations ont chuté au plus bas (16 en 2021, pour moins de 1.000 emplois). Le meilleur résultat obtenu depuis l’année 2009, puisque sur la décennie écoulée, la France a perdu environ 2.000 emplois chaque année au profit de pays tiers (exception faite de l’année 2009, où près de 12.500 emplois avaient quitté la France).

Seulement des PME de retour

Mais là où le bât blesse, c’est que le départ d’importantes entreprises (en particulier industrielles) n’est ‘compensé’ que par le retour de PME, n’en déplaise aux politiques. Trendeo a fait ses comptes : depuis 2009, seulement 9.000 emplois sont revenus à la mère Patrie….soit 0,5% seulement des créations d’emplois ! Un chiffre dérisoire qui montre qu’une délocalisation détruit 80 emplois au bas mot, alors qu’une relocalisation n’en crée qu’une trentaine. Et un chiffre qui montre qu’il ne faut pas se tromper de combat : selon plusieurs économistes, jamais la France ne verra à nouveau fleurir des industries basées sur la main d’oeuvre, en raison de son cout prohibitif eu égard à celui des pays émergents. Patrick Artus, chef économiste de Natixis, prédit ainsi que la France « peut faire revenir des bouts d’activité en les robotisant ». Ce sera l’objet d’un autre plan ‘France 2030’ doté de 34 milliards €, pour essayer de booster des secteurs d’avenir (nucléaire, spatial, santé, etc).et produire des biens ou services à forte valeur ajoutée. Malgré cela, la Chine reste le Messie pour de nombreux industriels français : selon EY, alors que le premier choc Covid avait convaincu 37% de patrons de rapatrier de certaines productions en Europe, il n’était plus que 24 % à en souhaiter de même six mois plus tard, en octobre 2020…

La rédaction

Des exemples qui font mal

Après les grandes industries du Nord et de l’Est de la France (débutées dans les années 70, avec le textile, les jouets, les biens d’équipement, etc.), ce sont désormais les services qui trinquent : il n’est pas rare que les services supports (paye, comptabilité et bien sûr télémarketing) quittent la France pour des pays moins onéreux, comme par exemple la Pologne ou des pays francophones plus ou moins exotiques (Sénégal, Cameroun et autres pays africains, sans parler de l’île Maurice, etc.).