Patrice Raydelet a grandi au cœur du massif jurassien, à l’ombre des forêts qui ont vu le retour du lynx dans les années 1970. Réintroduit en Suisse, ce félin fascinant a progressivement recolonisé le Jura, devenant une véritable vocation pour ce défenseur de la nature. « C’est mon espèce totem », confie-t-il. « Le lynx, c’est l’incarnation de la tranquillité, il est cool. Il ne cherche pas le conflit, il vit et laisse vivre. »
Comprendre le lynx boréal
Le lynx boréal, ou lynx d’Europe, est le plus grand des quatre espèces de lynx dans le monde. Animal solitaire et territorial, « il chasse notamment les ongulés de taille moyenne dont font partie les chevreuils et chamois, des proies qui lui permettent de se nourrir pendant plusieurs jours. » En tant que prédateur, il joue un rôle clé dans l’équilibre des écosystèmes forestiers. Cependant, sa survie reste fragile. Avec une population estimée entre 150 et 200 individus dans le massif jurassien, l’espèce fait face à de nombreuses menaces…
Les défis de la conservation
Depuis 2022, le Plan National d’Actions 2022-2026 (PNA) en faveur du lynx boréal pilote les efforts de préservation de cette espèce. En décembre 2024, deux études réalisées par le Muséum National d’Histoire Naturelle et l’Office Français de la Biodiversité ont mis en lumière trois menaces majeures : la fragmentation des habitats, les destructions illégales et le faible brassage génétique des populations.
Face à ces défis, le Préfet de Région Bourgogne-Franche-Comté, coordinateur du PNA, conduit trois priorités :
- Améliorer la connectivité des habitats : en renforçant les corridors écologiques et aménageant des passages à faune sur des axes critiques, comme les RN57 et RN5, pour réduire les collisions routières. Chaque année, environ 10 % des lynx jurassiens périssent sur les routes. Patrice Raydelet souligne l’importance de ces infrastructures car « le lynx est un animal forestier, il a besoin de corridors boisés pour relier ses territoires. »
- Intensifier la lutte contre le braconnage : en augmentant les contrôles et les sanctions. « Une peine de trois ans de prison et une amende de 150 000 euros pour avoir tué un lynx ne devraient pas rester symboliques. Si elles étaient appliquées, elles auraient un effet dissuasif », plaide Raydelet.
- Explorer la faisabilité de translocations : introduire de nouveaux individus pour enrichir la diversité génétique, mais avec une acceptation sociologique préalable. « Relâcher des lynx là où ils ne seront pas acceptés serait contre-productif. Ces mesures doivent être accompagnées d’une sensibilisation et d’une compréhension collective »
Sensibiliser pour mieux protéger
Pour Patrice Raydelet, l’éducation et la sensibilisation sont des leviers essentiels. En 2024, pour marquer les 50 ans du retour officiel du lynx en France, le Pôle Grands Prédateurs a organisé un événement rassemblant 1 500 participants autour d’expositions, conférences, témoignages et animations. « On a vu à quel point le lynx est aimé et à quel point il peut émouvoir la personne qui l’observe. Pour beaucoup, c’est un symbole, une fierté locale », explique-t-il.
Ces actions s’accompagnent d’initiatives pédagogiques à long terme : animations dans les écoles, campagnes de communication, et projets cinématographiques, afin d’inspirer une prise de conscience collective.
Un combat permanent
Pour Patrice Raydelet, sauver le lynx est une course contre la montre. Les projections actuelles indiquent qu’il existe 20 % de risques que cette espèce disparaisse d’ici 2130 si les efforts de conservation ne sont pas renforcés. Pourtant, il reste optimiste : « Avec de la sensibilisation, des mesures fermes et un engagement collectif, on peut inverser la tendance car le lynx a sa place dans nos forêts. » Pour le fondateur du Pôle Grands Prédateurs, la préservation de cet animal dépasse la simple sauvegarde d’une espèce. Elle reflète un engagement profond pour une coexistence respectueuse entre l’homme et la biodiversité.
B.B