Les hasards de la vie
Michel Grandvoinnet n’était pas destiné à devenir facteur. En ce 15 mai 1970, il franchit les portes du bureau de poste de Levier pour son premier jour de remplacement. Le chômage l’a conduit là, après un concours raté pour entrer dans la gendarmerie. Sans diplôme autre que le certificat d’études, il tente sa chance à celui de facteur et réussit. Ce devait être un intérim de quinze jours, mais il découvre un métier qui lui plaît.
Très vite, son supérieur lui souffle une opportunité : un poste est à pourvoir à Audincourt. Il y reste neuf mois et y apprend véritablement le métier. Encouragé par le receveur, il passe le concours d’agent titulaire. La Poste recrute massivement à cette époque, et Michel décroche son affectation. Il sillonne alors le département du Doubs, de Besançon aux Hôpitaux-Neufs, en passant par Frasne où il doit parfois distribuer le courrier en luge ! Les tournées se font aussi bien à vélo qu’à pied, et il faut une bonne condition physique pour affronter l’hiver dans le Haut-Doubs.
Une carrière au service des autres
Au fil des ans, il se stabilise et prend une tournée à lui. Mais sa vie personnelle le pousse à demander sa mutation à Salins-les-Bains, où vit sa future épouse. En attendant, il accepte un poste de nuit à l’entrepôt de la gare de Mouchard. Loin de son quotidien de facteur, il finit par regretter cette expérience. Il retrouve alors une tournée, cette fois à mobylette, qu’il tiendra pendant neuf ans. Le 4 avril 1988, à Salins-les-Bains, il obtient enfin le permis administratif, indispensable pour conduire les véhicules de La Poste. Il enchaîne ensuite des remplacements à Salins avant d’obtenir un secteur fixe. Il y restera quinze ans. C’est une époque où les facteurs rendent bien plus que le courrier : un service, une présence, un lien social. « À mon époque, on aidait gratuitement ! », se souvient-il. Mais le métier change. « Aujourd’hui, la Poste n’a plus rien à voir avec ce que j’ai connu. »
Son attachement à sa profession transparaît dans chaque anecdote. Le 10 février 2004, Michel accroche définitivement sa sacoche. Ce jour-là, certaines clientes versent des larmes, tristes de perdre leur facteur.

Une collection née d’un hasard
Mais Michel ne tourne pas complètement la page et en 2013, avec son épouse Annick, il se lance dans une nouvelle aventure un peu folle… un musée consacré à son ancien métier.
Tout est parti d’une simple sacoche financière abandonnée dans un bureau de poste de Salins. Il demande à la récupérer, et l’engrenage se met en marche. De fil en aiguille, il collecte des objets promis à la déchetterie : tampons, boîtes aux lettres, vélos, skis datant de 1909, documents d’archives… Il élargit son périmètre de recherche au Jura, au Doubs, puis à la France entière. Une cadre postière des Vosges met même de côté du matériel pour lui. À force d’accumuler, il faut se résoudre à agrandir la maison. Une extension de 80 m² voit le jour pour accueillir près de 10 000 objets, dont une cabine téléphonique, vestige d’une époque révolue.

Un musée vivant pour raconter une époque
Dans son musée, il reconstitue une salle de tri et expose son ancien casier, nettoyé et repeint. Il veut montrer l’envers du décor, ce que les clients ne voyaient jamais. « La Poste était une institution au même titre que l’Éducation nationale, chaque objet était estampillé. » L’histoire de la distribution du courrier en France l’a toujours passionné. Il rappelle qu’en 1830, 5 000 facteurs arpentaient déjà le pays, parcourant jusqu’à 32 km par jour et partageant parfois les nouvelles d’un village à l’autre.
Aujourd’hui, le musée ouvert sur rendez-vous et gratuitement peut accueillir jusqu’à 10 personnes. Contact à Salins-les-Bains