Jura. L’invitée de la rédaction : Jordane Liénard

Le festival Les Rendez-vous de l’aventure, du 13 au 17 mars, à Lons-le-Saunier, permettra une fois encore de rencontrer des aventuriers extraordinaires. Parmi eux, une alpiniste amateure qui s’est lancée un projet un peu fou…

0
351
Jordane Liénard.

Jordane Liénard, comment vous présenteriez-vous à nos lecteurs ?

Je suis française et je vis à Bruxelles depuis quelques années. J’ai vécu au Canada, au Mexique et à Singapour, où j’ai eu une carrière corporate dans la communication et le management interculturel. J’ai un parcours atypique dans le milieu de l’alpinisme, que j’ai commencé à l’âge de 30 ans. Après avoir pratiqué l’alpinisme de façon sporadique pendant quinze ans, j’ai profité de mon retour en Europe pour mener un projet exigeant : gravir les 82 sommets des Alpes de plus de 4 000 mètres.

Cette collection est un rêve d’alpiniste, mais qui est rarement possible à réaliser en une vie car il faut rester entraîné et parce que les vingt derniers sont difficiles. J’ai donc choisi d’arrêter de travailler et de les réaliser dans un temps suffisamment court pour capitaliser sur l’expérience acquise d’un sommet à l’autre.

J’ai mis deux ans et demi pour le faire avec les difficultés que présentait le Covid.

L’aventure a continué avec l’écriture d’un livre, puis la réalisation du film « A la hauteur » par Yohan Guignard.

Pourquoi vous être lancée dans l’alpinisme ?

J’ai commencé l’alpinisme à 30 ans. C’est tardif comme début. Avec Frédéric Bréhé, guide de haute montagne, j’ai commencé de façon ordinaire par une semaine de « stage Mont Blanc ». Moi qui ne connaissais pas la montagne, j’ai eu l’impression qu’on m’avait caché un paradis perdu. Ce fut un choc culturel, émotionnel et esthétique. Après cette expérience, j’ai eu besoin de revenir dans les Alpes et en montagne le plus souvent possible.

Ce guide m’a dit que, si je voulais faire des sommets plus intéressants, je devais travailler en escalade et les techniques de montagne. Un jour, il m’a emmenée en haut d’un 4 000 mètres en Suisse : le sommet de la dent d’Hérens. On voit beaucoup de sommets de la même hauteur là-haut. Il m’a parlé des 82 sommets des Alpes. Habitée par la joie de notre ascension, je lui ai demandé si c’était possible que je les fasse tous. Il m’a dit : « Oui, avec un peu d’entraînement ». J’ai vu là une occasion fantastique de revivre ce face-à-face décapant que nous offrent les montagnes.

Vous aviez malgré tout déjà une bonne condition sportive ?

Je pratiquais la course à pied, je faisais du trail, des courses longues, ça m’a vraiment aidée. C’est difficile de partir de zéro en tout. Il faut un bon cardio, une bonne endurance, savoir grimper, skier… Avec le trail, je savais que mon corps pouvait travailler dur pendant plusieurs journées de suite.

Une bonne condition physique et l’entraînement font partie désormais de mon quotidien… Pour réaliser ce projet, j’ai fait 800 heures d’entraînement par an pendant trois années. J’ai connu les problématiques de récupération, de planification, le changement d’alimentation, d’organisation, la nécessité de bien dormir, d’arrêter l’alcool… Cela a impliqué des renoncements importants.

Et pourquoi l’avoir raconté dans un livre ?

J’ai toujours aimé écrire. Je sentais que ce projet offrirait de belles histoires et réflexions à consigner dans un livre. Je crois que plus que des photos qu’on accumule et qui ne parlent qu’à soi, j’avais envie de garder en souvenir ma galerie d’aventures et d’émotions. J’ai pensé aussi à mes trois enfants qui vont grandir, auprès de qui j’avais envie de témoigner à ma façon que la vie peut être très remplie et de beaux projets, qu’elle est un beau cadeau. C’est peut-être d’abord un témoignage pour eux.

Ecrire est un moyen de convoquer ses souvenirs et de les consigner ; mais aussi de se poser les questions du pourquoi, de s’apaiser, de savourer, et ne pas sombrer dans une déprime post-projet. Et puis, le livre permet le partage avec des personnes qui ont les mêmes passions. J’avais vraiment sous-estimé cet aspect-là qui me touche à chaque rencontre.

Le film est aussi un bon moyen de susciter le partage.

Avez-vous inspiré d’autres aventuriers ?

Pendant le projet, j’avais des messages très encourageants, de jolis témoignages de personnes qui se sont dit pourquoi pas moi puisqu’une personne qui n’est pas de la montagne s’est lancée ce défi. J’ai eu notamment de nombreux témoignages de femmes qui s’autorisent peut-être moins ces projets de grande envergure et qui m’ont dit vouloir se lancer à leur tour.

Et ce film ?

Le film n’est pas une adaptation du livre. Les producteurs sont arrivés assez tard dans le projet. Il me restait les douze sommets les plus engagés à gravir. Le film met en scène le réalisateur qui découvre la haute montagne et ses vertiges, et qui va essayer de comprendre pourquoi je fais ça. Il a néanmoins utilisé des images que j’avais faites avec ma GoPro et mon téléphone tout au long du projet. Ce n’est pas un film classique de montagne qui est souvent basé sur une prouesse. C’est un portrait par touches impressionnistes, sensible et touchant.

Avez-vous un nouveau rêve ?

J’en ai plein notamment en Patagonie et au Pôle Sud mais, après avoir vu des glaciers disparaître et été témoin des impacts du réchauffement climatique sur nos montagnes, je me dois d’être raisonnable. Pour l’été prochain, je vais essayer de mener un projet dans le massif du Mont Blanc, superbe terrain de jeu ! Ce sera plus typé escalade. Ce qui est sûr, c’est que l’aventure va continuer.

Le film sera projeté le vendredi 15 mars à 20 h 30 au cinéma des 4C.

Le livre, « L’appel des 4 000 », Liénard J., Editions Paulsen-Guérin, 2023.

 

Un festival incontournable

 

Les rendez-vous de l’aventure sont devenus un événement incontournable. Ciné-rencontres, rendez-vous littéraires, expositions, spectacles, concerts, ateliers, conférences, sorties nature… Le programme est riche. « Autant d’occasions inspirantes de s’étonner et de découvrir, de transmettre et de partager, de nous rassembler en faisant force de nos différences », invite le président de la Fabrique de l’aventure, Virgile Charlot.

Retrouvez toutes les informations sur l’événement du 13 au 17 mars à Lons-le-Saunier sur www.rdv-aventure.fr