Les engagements de Bernard Saint Hillier

Né à Dole en 1911, le général Bernard Saint Hillier a été un des acteurs de l’épopée de la France Libre. Dès la fin du mois de juin 1940, il rallie le général de Gaulle.

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Chasseur alpin, légionnaire, parachutiste, Bernard Saint Hillier a vécu une vie qu'un romancier n'aurait pas su imaginer. (Archives Pierre Saint Hillier)
Une célèbre photo qui présente un moment de répit pendant la bataille de Bir Hakeim. De gauche à droite : le bisontin Jean-Pierre Sartin, Bernard Saint Hillier, Jean Simon, l’anglaise Susan Travers, René Millet qui est tué quelques jours plus tard, Gabriel Brunet de Sairigné. (Photo : musée de l’Ordre de la Libération, fonds Raoul Duval).
Le 9 avril 1945, le général de Gaulle remet la croix de Compagnon de la Libération à la 13e DBLE, dont Bernard Saint Hillier est le patron. (Photo Ordre de la Libération)
Défilé de la 13e DBLE à Antibes en mai 1945, Bernard Saint Hillier est sur la droite. Défilé de l’amertume ? La 13e DBLE, comme l’ensemble de la 1ère DFL, espérait bien entrer en Allemagne pour la victoire finale. Ils sont envoyés dans les Alpes pour déboucher en Italie sur les arrières des troupes allemandes toujours combatives. Une campagne meurtrière et, selon des spécialistes, sans intérêt. (Photo : Ordre de la Libération).
Le 30 juin 1944 à Marcianise, en Italie, le général de Gaulle au cours d’une cérémonie de remise de décoration avec des officiers de la 1ère DFL dont son chef, le général Brosset, Bernard Saint Hillier, alors chef d’état-major. Également présent, Roger Gardet, aux origines jurassiennes, il est inhumé à Chevigny près de Dole.

A Dole, Bernard Saint Hillier mériterait assurément de figurer sur le mur des célébrités. Lui qui ne fit jamais de figuration dans sa vie. En cette période de commémoration de la Libération, pour 2024, et de la fin de la guerre en 2025, le destin de ce Dolois marque les esprits. Quand il revient à Dole en septembre 1944, pour la première fois depuis 1939, il a participé à toutes les campagnes de la France Libre. Ceci depuis ce jour de la fin juin 1940 où il rejoignait le général de Gaulle. « Ce choix était dans la nature de mon père, explique Blandine Bongrand, fille du futur général. Son père avait été un héros de la Première Guerre mondiale. Son comportement l’a beaucoup marqué. En rejoignant de Gaulle, il se mettait dans les pas de son père ». Bernard Saint Hillier est né à Dole en 1911. Il est le fils de Louis et Germaine Saint Hillier. L’appartement familial est au 28 de la rue de Besançon. Une plaque inaugurée le 8 mai 2017 le rappelle.

Le choix des armes est donc comme une évidence. Il entre à Saint-Cyr, puis commence sa carrière chez les chasseurs alpins. Il opte ensuite pour la Légion étrangère. « Il sentait que la guerre venait, il était sûr que les légionnaires seraient les premiers à monter au front. Toujours l’héritage de son père ».

Direction Narvik

A la fin de l’automne 1939, le gouvernement décide l’envoi d’un corps expéditionnaire en Finlande pour soutenir cette nation agressée par les communistes soviétiques. Pour l’occasion naît la 13e DBLE (1). Il n’y aura pas de combats en Finlande, toutefois le corps expéditionnaire est engagé en Norvège, dans l’opération de Narvik (2). Le destin s’emballe. Avec l’offensive allemande de mai 1940, les troupes sont rappelées de Norvège. Après diverses pérégrinations, elles se retrouvent à Londres. Fin juin, après une rencontre avec le général de Gaulle, Bernard Saint Hillier est du millier de légionnaires qui rallient la jeune France Libre. Il prend Jean de Vienne pour pseudonyme, du nom d’un Comtois né à Quingey, amiral de la flotte royale.

Pendant de longs mois, ils ne seront pas nombreux. Ils restent déterminés comme les soldats de l’an II, dont les jeunes officiers rappellent les illustres aînés des armées de la Révolution et de l’empire. Ils sont tous volontaires, ensemble ils pétrissent plus qu’un état d’esprit avec du levain patriotique. Pour le nouveau régime pétainiste, ce sont des renégats sur lesquels tombent les condamnations, y compris à mort. Les Français libres font la guerre. Bernard Saint Hillier, maintenant capitaine, participe à toutes les opérations, souvent ignorées.

Chef d’état-major de la 1ère DFL

Voici l’inventaire : après l’échec de Dakar et une campagne de ralliement des territoires de l’Empire, c’est l’Erythrée contre les Italiens, puis la Syrie contre les troupes fidèles au maréchal Pétain, Bir Hakeim, El Alamein, la Lybie, la Tunisie, l’Italie avec la bataille du Garigliano et l’entrée dans Rome, le débarquement en Provence, la remontée de la vallée du Rhône, l’arrivée en Haute-Saône pour la dure bataille des Vosges, l’Alsace, pour finir dans les Alpes pour prendre à revers les troupes allemandes qui combattent toujours en Italie. Après avoir été chef d’état-major de la 1ère division française libre, il est au printemps patron de la 13e DBLE. Le 14 juillet 1945, il défile à Paris à la tête de son unité en passant sous l’Arc de triomphe.

Quatre années sans répit. Après le débarquement de Provence, il revoit enfin son épouse Simone et découvre le sourire de son fils Pierre. Quatre années sans répit, avec des faits d’armes glorieux et des événements tragiques. «  A la Légion, raconte Blandine Bongrand, il était proche du colonel Amilakvari, un prince géorgien qui était une figure de la Légion. Lors de la bataille d’El Alamein, ils ont été blessés. Mon père a transporté le colonel vers les secours mais, hélas, il était mort. Cette disparition l’a beaucoup marqué. Comme celle du général Brosset, le chef de la 1ère DFL, le 20 novembre 1944 à Champagney, en Haute-Saône. Au début, il ne s’était pas très bien entendu, ils avaient des caractères forts, puis ils sont su faire cause commune pour diriger la division ».

Après la guerre

La guerre est finie. Il n’a finalement que 32 ans. Une nouvelle carrière commence. Il traverse toutes les guerres et les crises, en Indochine, à Suez, en Algérie avec des périodes plus « calmes » quand on le retrouve par exemple chef de cabinet de Pierre Guillaumat, ministre de la Défense. Son caractère n’a pas été abrasé dans la caillasse surchauffée de l’Érythrée, dans les vents de sable de Bir Hakeim ou dans la pluie et la neige du Garigliano ou des Vosges. Ça l’a plutôt aiguisé. On ne lui fait pas faire n’importe quoi même quand Pierre Messmer, compagnon de combat, l’ordonne. Quitte à se retrouver un peu au placard. Il boucle sa carrière avec le grade de général de corps d’armée, alors qu’elle pesait bien ses cinq étoiles.

Le meneur d’hommes est aussi un meneur de mémoire. Durant toute cette époque, il reste fidèle à l’épopée de la France Libre, préside l’association des anciens de la 1ère DFL. Il écrit aussi, des livres (3), des textes souvent publiées dans la revue de la France Libre. Blandine Bongrand tape les manuscrits sur une antique machine à écrire trimballée partout depuis Bir Hakeim. Il garde des souvenirs de sa province natale dont quelques jurons délectables comme « c’est un con fini ».

Le général s’éteint en juillet 2004, il est inhumé à Vanves. Blandine Bongrand résume joliment le caractère qui a mené la vie de son père : « Il défendait tous ceux qui avaient besoin d’être défendu ».

Jean-Claude Barbeaux

(1) 13e demi brigade de la Légion étrangère, alors commandée par le colonel Raoul Magrin-Vernerey, futur général Monclar, aux fortes attaches francs-comtoises.

(2) Sous le commandement d’Antoine Béthouart, un autre Dolois.

(3) Les Premiers soldats du général de Gaulle, les origines de la 1ere DFL, publié aux éditions La Bruyère. Les soutiers de la gloire aux Éditions Le Publieur.

 

 

Jour d’émotion à Aubagne

 

 

(Photo : Collection particulière)

Chaque 30 avril, à Aubagne, la Légion étrangère célèbre le combat mythique de Camerone, au Mexique en 1863, quand 62 légionnaires ont résisté face à 2 000 Mexicains. Leur chef, le capitaine Danjou, suite à une ancienne blessure à la main, portait une prothèse, une main en bois. Cette main a été récupérée, elle est désormais une relique présentée chaque 30 avril. A chaque anniversaire, une figure de la Légion est désignée pour porter cette main. C’est un évènement qui marque dans une vie. En 1990, à 79 ans, le choix s’est porté sur Bernard Saint Hillier. Présente lors de cette cérémonie pour accompagner son père, Blandine Bongrand s’en souvient comme d’un moment « de grande émotion ». Biographe du général, Jean-Christophe Notin débute son livre avec cette cérémonie. L’intensité y est présente.

 

Bernard Saint Hillier a été fait Compagnon de la Libération le 27 mai 1943. La 13e DBLE, unité qu’il commandait, l’a été au printemps 1945. (Photo : Ordre de la Libération).

 

Une vie

29 décembre 1911. Naissance, fils de Louis et Germaine Saint Hillier. Sa mère est née Amoudru, grande famille doloise.

  1. Entrée à Saint-Cyr puis première affectation, en 1933, au 11e bataillon de chasseurs alpins à Gap. En 1938, il intègre le 1er régiment étranger d’infanterie de la Légion étrangère.
  2. Mariage avec Simone. Trois enfants naîtront : Pierre, Sybille et Blandine.
  3. Expédition de Narvik au printemps. Juin-Juillet : ralliement au général de Gaulle.

1940-1945. Toutes les camarades de la France Libre. Chef d’état-major de la 1ere DFL en 1943 puis chef de la 13e DBLE. Termine la guerre avec le grade de lieutenant-colonel. Il est fait Compagnon de la Libération le 27 mai 1943. Il termine la guerre avec neuf citations, blessé quatre fois.

  1. Nommé colonel. Dans les années suivantes, il commande le 18e régiment de parachutistes à Bayonne.

Les années cinquante. Indochine, opération de Suez, Algérie, nommé général de Brigade.

  1. Chef de cabinet de Pierre Guillaumat, ministre de la Défense.
  2. Retour à Alger à la tête de la 10e division parachutiste.
  3. Putsch des généraux. Il est arrêté par les putschistes.
  4. Représentant de la France auprès du commandement allié en Europe.
  5. Nommé général de division.
  6. Nommé général de corps d’armée et chef de la troisième région militaire à Rennes.

30 avril 1990. Il porte la main de bois du capitaine Danjou lors de la cérémonie de Camerone.

28 juillet 2004. Décès, il est inhumé à Vanves.

  1. Parution de sa biographie par Jean-Christophe Notin.
  2. Il donne son nom à une promotion de Saint-Cyr.

8 mai 2017. A Dole, au 28 de la rue de Besançon, inauguration d’une plaque sur la façade.

(Détails de carrière non exhaustifs).