Grands mots, grands remèdes. Le sexe des anges

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Gérard Bouvier

Tu es un ange ! Me dit-on en toute occasion. Mais ils n’ont donc que ça à la bouche.
Ma femme, mes amis, tous les gens que je fréquente de près ou de loin finiraient -si je n’avais la tête bien calée sur les épaules- par m’en persuader.
Mais alors si je suis un ange, il est temps de vous pencher sur mon sexe car aujourd’hui encore l’affaire reste un cold case (1).
Bref rappel historique. Le 29 mai 1453 le ciel est dégagé sur Constantinople (2) où chacun vaque à ses occupations ordinaires entrecoupées de bavardages inutiles et de surcroit en byzantin ce qui les rend incompréhensibles.
Ma la routine du moment est brutalement chamboulée par un ramdam effroyable.
C’est que les Turcs du sultan Mehmet II le conquérant assiègent la ville. Manquait plus que ça… C’est un terrible boucan. Un barouf pas possible (3). Nous dirions chez nous, où de tels évènements restent -grâce au ciel- rarissimes : c’est le bousin, la chienlit, le bordel.
L’histoire raconte que pendant que les Turcs préparaient l’attaque, les sages du pays se rependaient en colloques théologiques et que le jour de la prise de Constantinople ils discouraient tranquillou du sexe des anges… Et ainsi cette ville importante considérée comme une deuxième Rome, rempart de la chrétienté contre l’Islam, va tomber.
L’histoire aurait dû servir de leçon. Et l’on aurait pu cesser à jamais de pinailler sur leur sexe. D’autant qu’il existe bien d’autres énigmes et querelles byzantines.
Pensez-vous ! Les pères de l’Église pendant des siècles encore se sont penchés sur le sujet, très occupés à ergoter (4) et à décortiquer les Saintes Écritures.
Et pour arriver à quoi ? Je vous le demande un peu…

Notes de l’auteur pour une meilleure compréhension du texte.

(1)- Le sexe des anges est un sujet aussi important que non résolu. De conciles en conciles les Pères de l’Église se sont penchés sur la question. Mais ils ont finalement préféré noyer le poisson et se demander d’abord si les anges avaient un corps. Si la réponse devait se révéler positive d’autres Conciles pourraient fouiller plus avant.
Aujourd’hui la question n’est pas tranchée mais comme les Archanges Saint Michel, Raphaël ou Gabriel sont masculins, les savants pensent plutôt que l’ange est de sexe mâle. Ça n’interdit pas la possibilité pour certaines femmes d’en être aussi mais au prix d’un effort de tous les instants qu’on rencontre assez rarement de nos jours.

(2)- Il y a d’abord eu Byzance. Fondé vers 667 avant J.C. et réputé pour son luxe et ses richesses à profusion. Il faut dire que ces byzantins avaient eu le nez creux en trouvant un emplacement pour leur ville qui était la porte ouverte à toutes les fermetures pour ceux qui refusaient de payer les taxes de passage dans le détroit du Bosphore. L’idée de devoir faire le tour par la Baltique sans aucune garantie de succès en irrita plus d’un.
L’expression traditionnelle C’est Byzance ! est devenue, depuis l’augmentation du coût de la vie insuffisamment compensée par les aides de l’État, plus souvent aujourd’hui C’est pas Byzance !
En français C’est pas Byzance se traduit par C’est pas le Pérou. Et réciproquement.
Byzance est devenu Constantinople en 330 quand l’empereur romain Constantin a voulu faire son malin avant de devenir Istanbul en 1930. On se demande comment les habitants s’y retrouvent…

(3)- Bien que tous riches en décibel, le ramdam, le boucan, et le barouf ont des origines bien différentes. Le ramdam c’est le bruit des nuits du ramadan quand la fête succède au jeun observé du lever au coucher du soleil. Le boucan est le vacarme qu’on impute au bouc souvent pris comme un symbole de la débauche. À tort ou à raison car nous connaissons tous des boucs plutôt réservés, voire même timides. Le barouf nous vient de l’italien baruffa, une querelle confuse, comme il peut parfois en naître chez eux. Le barouf est arrivé chez nous en passant par la Corse où il a désigné en 1475 une contestation judiciaire.

(4)- En latin ergo signifie donc. Nous connaissons tous -sans citer des noms- des contemporains qui vont de donc en donc pour au bout du compte avoir raison de toutes nos objections. Ainsi est né « ergoter » en 1534. Se dresser sur ses ergots n’a rien à voir quoique certains soient capables de mener les deux postures de front…