Parole d’expert. La nature pour se régaler, se soigner

Au printemps, la campagne regorge de délices et de trésors de bienfaits. François Nicod qui fut pharmacien en Franche-Comté nous guide dans les usages de plantes sauvages.

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Cueillette de plantes sauvages. (Crédit Photo : David Greset)

Les bourgeons d’épicéa en sirop et infusion

On en mangerait même sans être malade ! Les bourgeons d’épicéa renferment une essence aromatique riche en pinène et limonène (comme l’huile essentielle de citron), de la vitamine C et un peu de résine.

Les jeunes pousses sont antiseptiques et expectorantes. On peut les préparer en sirop contre la toux et les diverses affections respiratoires. Pour réaliser un sirop maison, prendre un bocal, y déposer une couche de bourgeons, puis une couche de sucre, en alternant jusqu’en haut. Fermer le bocal et le placer au soleil durant au moins trois semaines. Filtrer et conserver au réfrigérateur. En cas d’affection respiratoire, boire deux cuillères à soupe de sirop trois fois par jour.

Pour les mêmes indications, on peut aussi préparer une infusion : deux cuillères à soupe de bourgeons séchés dans un bol d’eau bouillante, laisser infuser dix minutes, filtrer, et boire 3 à 4 tasses par jour.

 

Bourgeons d’épicéa.

L’ail-des-ours à toutes les sauces

Cette plante sauvage est un délice, et l’avantage, c’est qu’on la repère de loin avec son parfum. Ses feuilles peuvent s’utiliser crues dans les salades, mais attention à l’échinococcose. Pilées en pesto dans l’huile d’olive ou de noix, c’est un régal. Cuite, la plante perd un peu de sa saveur mais reste sympa dans les soupes, tartes, etc. Surtout avec un peu de comté pour réveiller les saveurs !

 

Ail des ours.

 

Les conseils du médecin

L’ail-des-ours à mille vertus. Il combat l’hypertension, fait baisser le taux de cholestérol, et fluidifie le sang. C’est un remède préventif sans autre effet secondaire qu’une haleine qui sent l’ail, mais est-ce un drame ? Non, d’autant plus que son odeur prononcée permet de ne pas le confondre avec d’autres plantes toxiques comme le muguet avant sa floraison.

Établi dans la région, le Dr Jean-Michel Morel propose sa recette maison : hacher finement une vingtaine de pousses entières d’ail-des-ours avec le bulbe. Laisser macérer dans un demi-litre d’huile d’olive. Filtrer éventuellement après quelques jours et usez-en largement en cuisine (deux cuillères à soupe par jour). Pour limiter la mauvaise haleine, le Dr Morel suggère d’ajouter un petit bouquet de persil. Ce n’est pas plus compliqué que cela !

Tarte à l’ail des ours et comté

1 pâte brisée, 50 g de feuilles d’ail-des-ours, 100 g de lardons, 4 œufs, 100 g de comté, 20 cl de crème fraîche, sel et poivre

1 Précuire la pâte (la blanchir) 2 Ciseler finement les feuilles d’ail-des-ours et râper le comté. 3 Battre les œufs avec la crème, saler, poivrer, incorporer l’ail des ours, les lardons et le comté. 4 Garnir la pâte et cuire environ 30 min à 200°.

 

Tarte ail des ours comté

 

Câpres d’ail-des-ours

Le saviez-vous, les boutons floraux d’ail-des-ours sont croquants et excellents conservés dans l’huile. Avec leur petit côté piquant, ils révèlent les terrines, jambons, et même les œufs durs.

Pour faire des câpres, laver les boutons à l’eau froide et égoutter. Verser dessus du vinaigre de cidre chaud, et laisser à nouveau égoutter. Placer les boutons en les tassant bien dans un bocal. Remplir le bocal d’huile d’olive douce bio. Ensuite, patience. Placer le bocal au réfrigérateur pendant un mois ou deux avant de consommer. Le plaisir ne sera que plus grand ! Stocker dans un endroit frais.

 

câpres ail des ours.

 

L’aspérule odorante pour son doux parfum

C’est une petite plante vivace de 10 à 30 cm qui forme des tapis assez denses dans les bois frais, les clairières, les lisières de hêtraies et de sapinières. Sa tige dressée unique est dotée d’un anneau de poils à chaque étage. Ses feuilles ovales et pointues au bout, d’un vert foncé, sont disposées par six ou huit comme les rayons d’une roue. Dès le printemps, au sommet de chaque tige s’épanouissent des petites fleurs blanches à quatre pétales. Très peu odorante à l’état frais, la plante entière développe un parfum très agréable de foin vanillé au séchage.

Aspérule odorante.

Dans le linge, le tabac, le « vin de mai »

Des bouquets d’aspérule mis à sécher la tête en bas ont longtemps servi à parfumer le linge dans les armoires et à assainir les chambres à coucher.

L’aspérule est aussi parfois mélangée au tabac pour son odeur agréable de « pré fraîchement fauché ».

Cette plante, très populaire en Suisse, en Allemagne et en Autriche, est utilisée pour la préparation du « vin de mai ». La recette la plus simple consiste à faire macérer deux poignées de feuilles séchées dans un litre de vin blanc doux bio pendant deux à trois semaines. Puis filtrer et ajouter éventuellement quelques cuillères à soupe de sucre blond de canne. Ce vin ne se conserve pas très longtemps, mais comme il se prépare avec la plante sèche, on peut renouveler sa préparation. En le consommant bien sûr toujours avec modération. Certaines recettes préconisent du vin blanc mousseux pour obtenir une boisson pétillante servie fraîche, soit en apéritif soit en dessert.

Tonique, digestive et calmante

Au XVIIIe siècle, le roi de Pologne prenait chaque matin une tasse de « thé d’aspérule » et affirmait devoir sa santé à ce simple breuvage. Un thé particulier : l’aspérule macérée dans du vin blanc était en effet réputée alors pour ses vertus toniques et digestives. En fait, la plante fraîche peu odorante renferme des flavonoïdes mais surtout des iridoïdes qui libèrent au cours du séchage des coumarines à l’odeur de foin vanillé. Les coumarines confèrent à l’aspérule odorante des propriétés antispasmodiques et calmantes. La plante facilite la digestion des personnes angoissées et donne de bons résultats dans les troubles mineurs du sommeil, les états anxieux, les angoisses et les palpitations émotionnelles.

En infusion ou en dessert

Pour faciliter l’endormissement et la digestion, 1 cuillère à café d’aspérule odorante dans 100 ml l’eau bouillante. Laisser infuser 10 min et boire une tasse une demi-heure avant le coucher.

On peut également utiliser cette plante pour parfumer les desserts, et en particulier des crèmes, en la faisant infuser dans du lait.

Conseil et mise en garde

L’aspérule odorante doit être cueillie avant la floraison, et pour éviter de l’arracher mieux vaut utiliser un couteau bien affûté. Trier et étaler les brins pour les faire rapidement sécher, à l’abri de la lumière dans un endroit bien ventilé. Attention, si les feuilles viennent à noircir pendant le séchage ou le stockage, il ne faut pas les consommer.