C’est la seule, l’unique, la vraie : la grenouille rousse pourrait être l’emblème de la Franche-Comté au même titre que le Comté ou le lynx, car selon Jean-Pierre Vieille, président du Syndicat des Étangs et de la grenouille de Franche Comté et Bourgogne, nous sommes « la seule région de France à en produire ».
Saviez-vous que cet amphibien ne vit dans l’eau que pour s’y reproduire, avant de repartir dans ses bois ?
Ce qui garantit son caractère sauvage (à condition toutefois de protéger l’écosystème entourant les mares), ainsi que son goût de noisette qui fleure bon notre terroir. Même si la production a environ doublé ces dernières années, elle peine à suivre une demande en constante augmentation (d’autant plus que les sécheresses ont causé une forte mortalité). Résultat : vous trouvez aux drives « grenouilles » ou dans votre assiette, des batraciens venant parfois de loin. Alors, comment ne pas se « faire avoir », sachant qu’une douzaine de grenouille cuisinées peut revenir à 30 euros ? Le consommateur tombe facilement dans le panneau de la « grenouille fraîche » mise en avant par certains restaurateurs ou distributeurs, des grenouilles qui arrivent tout droit de Turquie ou de pays plus ou moins « exotiques » : Albanie, Croatie, Kazakhstan et compagnie selon Philippe Feuvrier, président de l’UMIH 25 (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie), présent lors d’une visite préfectorale d’étangs en Bresse jurassienne.
Selon lui, « un avion cargo arrive chaque semaine à Genève » rempli de grenouilles vivantes. Au total, 4.000 tonnes de cuisses de grenouilles seraient importées chaque année selon le ministère de l’Agriculture.
La différence entre « un cheval et un âne »
Tout le contraire de la filière courte que David Philot, préfet du Jura, a appelé de ses vœux, même si cela demande « beaucoup de travail et de l’ingénierie ». « On se bat pour une AOP » lance Philippe Feuvrier, seul levier pour protéger la « Rana temporaria » bien de chez nous… avec l’information et la sensibilisation des consommateurs.
Comparer la grenouille rousse « de pays » et la grenouille verte « fraîche », c’est comme « comparer un cheval à un âne » renchérit Jean-Pierre Vieille. Le consommateur pourrait donc ne pas en avoir pour son argent sur ce marché juteux : pour certains restaurateurs ou distributeurs spécialisés dans la grenouille, le chiffre d’affaire de la saison (deux mois environ) représenterait un tiers du chiffre d’affaire annuel. Selon Antoine Ney, technicien au Syndicat régional des Étangs et de la grenouille, ce dernier compte une vingtaine de producteurs de grenouille rousse dans le Jura, et 800 en Bourgogne Franche-Comté (en particulier dans le Doubs et le Territoire de Belfort). Des producteurs qui « élèvent les têtards et les grenouillettes, avant de les relâcher dans le milieu naturel pour les pêcher 3 ans plus tard ». Rien à voir donc, avec des grenouilles « volantes » ramassées en Europe de l’Est parfois par des mineurs…
La rédaction
Pisciculteurs cherchent étangs
Comment produire davantage ? C’est là que le bât blesse pour les pisciculteurs (parfois aussi ranaculteurs). Car selon Jean-Pierre Vieille, ceux-ci ne sont pas totalement reconnus comme des agriculteurs. Lors de la vente d’étangs destinés à l’élevage de poissons, la SAFER ne préempte pas –comme elle le fait régulièrement pour les terres agricoles-, avec une conséquence directe : beaucoup d’étangs de production deviennent des étangs de loisirs, acquis par des particuliers pour leur agrément. Un phénomène qui impacte les derniers pisciculteurs jurassiens, comme en a témoigné Loïs Collin, co-gérant de la pisciculture de la Dorme, à Chêne Bernard (près de Tassenières).
Lors du départ en retraite de Gisèle Faivre, piscicultrice exploitant des dizaines d’étangs dont certains dans son secteur, pas un n’avait pu lui revenir…