Il va bien tout nous foutre cul par-dessus tête ce couennot. I s’croit mais -si on veut bien- c’est jamais qu’un bécasu toujours à mandriner et à mener du potin avec ses mentes ! Si c’était que d’moi j’laurais bien laissé manger au loup c’t’ébrédaulé d’première ! (1)
On se calme Marie-Madeleine ! C’est vrai que l’ordre établi est aujourd’hui menacé par un président américain élu par son peuple. Mais avant d’entrer dans la polémique, écoutons plutôt ce que les mots qui racontent le désordre ont à nous révéler.
Votre « cul par-dessus tête » Marie-Madeleine n’est guère photogénique mais il est bien approprié (2). On le retrouve dans bousculer, culbuter, basculer… C’est logique puisqu’en 1482 le verbe culer signifiait marcher à reculons (3). Une déambulation incompatible avec le respect de la bonne marche du monde.
Chambouler entre parmi nos mots en 1807. Une boule a bien du mal à rester immobile et plantée sur son chant qui est la bande étroite qui entoure une roue.
C’était un équilibre instable et chambouler s’est vite fait doubler par chanceler, plus courant pour décrire la démarche incertaine de l’ivrogne (4). C’était avant que la baisse de la consommation rapproche (plus sobrement) le sens de ce mot de : bouleverser.
Tournebouler vient du très vieux français tourneboele où boele désigne… le boyau.
Cet inconfort digestif de nos ancêtres s’est perdu quand la boele et devenu avec les malfaçons du temps qui passe : la boule. La boule est aujourd’hui la tête pour tous ceux qui n’ont pas encore perdu la boule. Et le verbe s’est dévoyer au profit des bouleversés et des agités du bocal !
Débarouler comme valdinguer, saccager comme ravager et c’est la promesse de tout retrouver sens dessus dessous (5). Un projet prioritaire pour les détraqués et les dérangés. En attendant de les voir à leur tour dégringoler (6).
Notes pour y voir plus clair :
(1)- Les rattraits c’est-à-dire les gens qui ne sont pas d’ici auront quand même compris qu’un couennot a de la couenne dans la boite crânienne en lieu et place de la cervelle ; qu’un bécasu est un beau causeur ; que mandriner c’est être toujours à la recherche d’un mauvais coup, comme l’illustre brigand Mandrin ; que mener du potin c’est déclencher un grand vacarme ; que les mentes sont des mensonges ; que laisser quelqu’un mangé au loup c’est lui montrer une indifférence absolue et qu’un ébrédaulé est bien assez dérangé de la tête.
(2)- Être cul par-dessus tête est une situation inconfortable pour un bipède -surtout s’il est habitué de longue date à sa bipédie- car elle traduit -à tout coup- une perte des repères habituels. En tout cas pour ceux qui en ont. C’est comme de se retrouver les quatre fers en l’air. D’ailleurs tout ce qui met en défaut les lois de la gravitation est très imprudent depuis que Newton, un jour qu’il était pommé dans sa tête, en a fait une loi.
(3)- Marcher dans le sens de la marche semble -depuis bien des générations- plus raisonnable que de marcher « à reculons ». Pourtant un chercheur en physiologie de l’Université d’East London, Jack McNamara, vient de publier dans The Conversation un article qui vante les mérites de la marche à reculons. Il s’agit bien sûr d’un exercice limité dans le temps et en aucun cas d’un choix définitif. Lors de ces déambulations contre nature le cerveau est contraint à un effort d’adaptation inhabituel qui le rendrait plus performant pour coordonner la vision, l’équilibre, et notre conscience de notre position dans l’espace. On aurait tout à y gagner. Se munir d’une dose d’Arnica 9 CH.
(4)- Il existe plusieurs façons d’aboutir à la démarche incertaine de l’ivrogne… On peut le faire en se saoulant (XIVème), en se soûlant (1553) ou plus sobrement (?), depuis la réforme de l’orthographe de 1990, en se soulant. D’une façon comme d’une autre celui qui a la dalle en pente finira mâchuré…
(5)- Sens dessus dessous ne doit pas être confondu avec sans dessous dessus qui signifie cul nu.
(6)- Dégringoler est de ces mots trop croquignolets. Loin derrière reblochon, vilebrequin ou espadrille. Mais bien classé quand même. Dégringoler fut desgringueler en 1595 avant de devenir enfin raisonnable comme nous le connaissons aujourd’hui en 1662. L’année même où Molière épouse Armande Béjart mais il n’y a bien sûr aucun rapport.
Le verbe devient plus mignon encore quand on sait qu’il nous vient du moyen néerlandais crinkelen qui signifie frisé, bouclé. Les poux le savent bien : des cheveux bouclés procurent bien d’enivrantes dégringolades.
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