Expressions à la con

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Gérard Bouvier.

Nous avons souvent épluché ici des expressions de derrière les fagots 1 bien de chez
nous. Elles n’étaient pas piquées des vers. Et souvent aux petits oignons 2 . Mais ne
soyons pas cocardiers : d’autres pays ont aussi des expressions imagées et
plaisantes. J’en ai choisi un florilège. Mais il fallait trouver un thème tant ce
bavardage peut être sans limite.
Nous savons qu’il est compliqué de traiter son prochain de con 3 sans le froisser
comme papier brouillon. Grâce à Dieu, nous avons des métaphores pour
l’entourlouper sans se louper 4 .
Les hongrois disent du con qu’« il n’a pas fait la queue là où l’on distribuait la
sagesse ». Plus raffiné que d’être bête comme ses pieds.

Celui qui n’a pas inventé l’eau chaude est le demi-frère de celui qui n’a pas inventé le
fil à couper le beurre. Et le neveu de celui qui n’a pas inventé la poudre 5 .
En Angleterre, c’est le même qui ne mettra pas le feu à la Tamise. Tout se passe
comme si les américains subissaient ce problème de plein fouet car ils disent de
leurs cons 6  : il n’est pas le couteau le mieux aiguisé du tiroir, et encore : il n’est pas
l’ampoule la plus brillante du lustre 7 .
Les portugais disent de ceux qui n’ont pas deux sous de jugeotte 8 qu’ils sont bêtes
comme une porte. Les basques espagnols trouvent certains de leurs cons plus
courts que la queue d’un béret. Chapeau !
En néerlandais on dit con comme la partie arrière du cochon. Il est vrai que si dans le
cochon tout est bon, enlevez-lui son och et il devient con. C’est automatique.
Les roumains disent : con comme la nuit. C’est très irrespectueux pour nos ciels
étoilés et ça donne une furieuse envie de répondre « c’est çui qui dit qui y est ! ». Ne
polémiquons pas.
C’est rassurant : il y a des beuzenets 9 et des iodots partout. Vous ne pouvez pas les
rater : ils sont cons comme des balais 10 .

1-C’est derrière les fagots qu’au XVIIIème siècle on rangeait son meilleur vin pour le laisser vieillir à
l’écart des regards envieux. Probablement du latin fagus : le hêtre. L’expression de 1594 sentir le
fagot a aujourd’hui disparue et c’est tant mieux car elle évoquait des soupçons d’hérésie qui se
terminait sur le bûcher. Dire d’une femme qu’elle sentait le fagot c’était la suspecter de sorcellerie.
2-Les oignons perlés sont les petits oignons à marinade. Pour les peler facilement, plongez-les une minute dans l’eau bouillante. Rincez-les sous une eau si froide que l’oignon va se peler. Vous verrez,
c’est d’une simplicité bête à pleurer.
3-Con : de cunnus, chez les latins le sexe féminin. Un concierge n’a rien à voir. C’est un gardien
d’immeuble ou de maison importante. Ceux qui verraient je-ne-sais- quel rapport entre le cierge et le
sexe féminin ferait mieux de prendre leurs gouttes. Ou pourquoi pas de faire du sport. Au lieu de
laisser libre cours à leur fantaisie.
4-Cette répétition comme en écho de la fin d’un mot ou d’une phrase s’appelle l’écholalie. Ça peut
être une figure de style comme ici -j’espère-, mais c’est parfois le signe d’une pathologie : suite
d’accident vasculaire cérébral, maladie neurodégénérative, autisme… Le bégaiement est un autre
trouble qui peut ressembler mais n’a rien à voir.
5-Les gens qui n’ont rien inventé sont une grande famille. Ils sont dans l’impasse et aucune rue ne
porte leur nom.
6-Certains avancent l’hypothèse qu’il y a beaucoup de cons aux USA. C’est probable mais il faudrait
les compter un par un et non pas par paquets de dix car ça introduit un risque d’approximation
fâcheuse. Par ailleurs, il nous faut admettre qu’ils sont cinq fois plus nombreux que nous ce qu’ils
avanceront probablement comme excuse.
7-J’en connais un qui n’est pas l’ampoule le plus brillante et ça dure depuis des lustres.
8-Jugeotte (ou jugeote) : ce mot date de 1871. Il a été inventé par Gustave Flaubert pour dénoncer le
manque de jugement et de perspicacité dans les décisions de certains. Et même de beaucoup
d’autres. Le mot s’est trouvé un espace de survie dans l’expression : ne pas avoir deux sous de
jugeotte. Aujourd’hui avec l’inflation galopante pour deux sous de jugeotte vous auriez facilement trois
francs six sous, voire même -si vous avez le sens des affaires- carrément un chouia.
9-Le beuzenet (on dit aussi parfois un beuzenot) est rare en Comté mais ceux qui en ont rencontré
prétendent que c’est un individu un peu simplet. C’est un diminutif de buse, oiseau simple ou triple,
qui passe à tort pour un beuzenet. Il existe quelques synonymes pour ceux qui -souffrant de ce dont
l’on parle- ne comprennent pas du premier coup. On peut dire un babeu ; un boqueneuillot ; un iodot ;
un daubot. Ou naturellement une daubotte si l’on est sûr qu’il s’agit bien d’une femme Sinon il est plus
prudent de s’abstenir.
10-Si l’on voulait recenser les « cons comme… » on n’en finirait plus tant il y a de façons et
d’occasions d’être con.

Les plus utilisées sont : con comme un balai, con comme la Lune et con comme une valise sans
poignée. C’est au choix selon l’humeur du moment. À noter qu’on a tort de parler de valise sans
poignée. Il y a bel et bien une poignée mais -en fait- elle est à l’intérieur de la valise.
Les balais ont longtemps été fabriqués en Bretagne et le mot balai vient de balazn, le genêt en breton.
L’invention de la pelle à ch’nis puis de l’aspirateur à réduit en poussière le balai breton. Les
autochtones se sont alors reconvertis dans la crêpe avec le succès que l’on connait. Il y a depuis les
années 50 plus de crêperies ambulantes en Bretagne que de voitures balais.