Editorial

Ces soirées-là

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Celle du préfet ayant ouvert le bal lundi soir dernier, les traditionnelles cérémonies de vœux vont désormais se succéder durant plusieurs semaines.
Même si ces moments, voulus agréables, permettent généralement de « réseauter » en côtoyant « du beau monde » (on y remarque notamment les charmantes tenues ajourées de quelques pimbêches, de même que les sourires pincés ou calculateurs des habituels métrosexuels en duffle-coat fréquentant ce genre d’endroits), on ne peut que regretter le manque de fond de l’exercice, devenu insipide et déliquescent par la force des choses.
Entre la crainte d’une intrusion furtive de quelques gilets jaunes, perturbateurs de « l’ordre républicain » qu’ils seraient alors, et l’appréhension d’un mot malencontreux qui pourrait être opportunément relayé par un journaliste un peu trop dérangeant, on sent bien que ce difficile numéro d’équilibriste sémantique peine de plus en plus à convaincre un public parfois dubitatif.
Sans compter qu’il arrive aussi qu’à ces soirées-là, la presse ne soit conviée qu’au dernier moment. C’est-à-dire informée en milieu d’après-midi pour le soir même, alors que la plupart des élus ont déjà inscrit ce rendez-vous à leur agenda depuis plusieurs jours. Cherchez l’erreur du côté de l’organisation… Mais bref, passons.
Non vraiment, ce qui est le plus regrettable reste l’utilisation de ces formules trop policées. De ces fameux « éléments de langage » dont usent sinon abusent certains représentants du pouvoir technocratique (pas tous heureusement), pour valoriser ou relativiser une conjoncture, qui, quoi qu’on en dise et en dépit du tableau que l’on y dépeint, s’avère bien peu reluisante.
Car le CAC 40 a beau avoir franchi la barre symbolique des 6000 points qu’il atteignait juste avant son effondrement en 2008 (lorsque les deniers du peuple ont ensuite servi à sauver les banques de la faillite, ne l’oublions pas), on ne peut pas dire que l’économie soit réellement florissante.
Surtout, il faut être aveugle pour ne pas le constater tous les jours, le clivage se creuse toujours plus entre différentes populations d’un même pays qui ne se comprennent plus, ne se parlent plus. Quand elles ne se haïssent ou ne s’invectivent pas franchement !
La lutte des classes est bien réelle.
Qu’il s’agisse d’égalité homme / femme (ne me lancez pas sur ce sujet, sans quoi la page ne va pas suffire…), d’emploi, de communautarismes, de sécurité, de santé… Les problématiques restent récurrentes. Échec (et mat) sur près de quarante ans de réformes.
Ce qui n’empêche pas l’habituel aréopage d’élus, et autres têtes pensantes de la grande famille de l’administration (dont quelques décisionnaires de criantes injustices sociales demeurent intouchables, à la tête de divers organismes faisant office d’État dans l’État, puisque sans aucun contre-pouvoir face à eux), d’applaudir à tout rompre à la fin des discours, avant de s’empresser d’aller se sustenter le long des différents buffets dînatoires dressés pour l’occasion.
Là, encore plus qu’ailleurs, l’hypocrisie, l’arrogance voire le mépris y règnent en maîtres.
Tout cela en serait presque comique, si tant de destinées n’en étaient pas victimes, d’observer attentivement ces postures hermétiques, adoptées par une caste qui s’auto-persuade depuis des lustres de détenir “la vérité” sur l’ensemble des problèmes de l’époque… sans pour autant parvenir à les résoudre !
Ainsi, on aurait presque de quoi douter quant à la réelle utilité de nos « élites ». Et finalement presque envie de ne plus contribuer à servir ce petit jeu malsain, car semblant étrangement comme truqué d’avance…