Au Gui l’An Neuf !

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Gérard Bouvier.

Chaque nouvelle année renait l’expression surannée : « Au Gui l’an neuf ! » (1). Le gui suce l’arbre qui l’héberge et ses fruits toxiques se déguisent en fleurs quand hiver nous rattrape. La tradition veut que s’embrasser sous le gui promette des émotions positives pour l’année qui vient.
Bien sûr, les traditions n’offrent aucune garantie ni ticket de caisse et il a pu arriver divers désenchantements dont il ne serait pas festif de dresser la liste ici. Et quand bien même, cette rubrique n’y suffirait pas.
La tradition nous vient des druides gaulois (2), aujourd’hui pour la plupart disparus mais dont on retrouve de rares exemplaires dans les sectes de l’Ardèche profonde en moyenne altitude et loin des sentiers battus (3). Les druides étaient vieux et barbus dès leur plus jeune âge et ils adoraient mettre l’ambiance.
Ces langoureuses prises de bec sous le gui, bien antérieures au SIDA et au Covid, servaient à cette époque de mise en bouche pour préparer la suite qui parfois était carrément nuptiale.
Ces roucoulades, souvent baveuses comme une omelette (4), étaient soutenues -faute de pick-up- par le chant des bardes, sorte de caste mais beaucoup plus bruyante qu’une castagne ordinaire. Ils s’accompagnaient de percussions, de cuivres. De nickel pour les plus pauvres. Mais aussi de flûtes, de harpes et bien sûr de la lyre. Ne me demandez pas s’ils utilisaient le tambour … je n’en ai pas la moindre idée.
Au quatrième siècle, les Chrétiens voulurent faire taire cette tradition païenne. Ils remplacèrent le gui par le houx qui avait le mérite d’évoquer par ses feuilles piquantes la couronne du Christ. Cela fit polémique. On décida que le houx ferait Noël et que le gui ferait l’an neuf. S’en suivi de longues années de bonheur consensuel.
Je vous souhaite d’en vivre la suite en 2024.

Notes explicatives

(1)- Les Gaulois nous ont laissé une belle collection de livres pour la jeunesse. Mais
comme ils n’avaient pas de tradition écrite il a fallu utiliser un stratagème des éditions
Dargaud pour connaitre les secrets de leur intimité. Les latins avaient été plus
explicites dans « La Guerre des Gaules » mais, emportés par leur fanatisme guerrier,
ils répandirent de nombreux détails approximatifs. Sans parler de la géolocalisation
des évènements au doigt mouillé qui aujourd’hui encore fait débat.
Les Gaulois nous ont laissé de nombreux mots que nous utilisons tous les jours
comme la braguette, l’alouette, La Chassagne, le chat-huant, par Toutatis !, la ruche
et la galoche et bien d’autres encore. Certains hélas n’ont pas survécu comme la
cervoise mise en bière en 1429 quand le houblon germanique est venu déferler par-
delà la ligne Maginot écrasant sur son passage la boisson fermentée de nos
ancêtres.
Au Gui l’an neuf ! résulte d’un malentendu. C’est une formule celtique qui a dérapé et
qui signifiait à l’origine « Que le blé se lève ! » parce qu’au solstice d’hiver les
druides célébraient la renaissance de la nature. Et tentaient de monnayer en retour
de leurs prières la bienveillance des dieux.

(2)- Les druides et les druidesses sont diversement représentées dans notre
imaginaire. Les lecteurs d’Astérix habitué à des Gaulois ripailleurs et querelleurs
voient dans le druide un sage, une figure paternelle qui protège la communauté de
l’anarchie qu’on sent toujours prête à surgir des forêts profondes au premier passage
d’une horde de sangliers. Méfions-nous de nos lectures. Si l’on préfère Flaubert on
trouve une tout autre tonalité dans Bouvard et Pécuchet : « Il était facile d’imaginer
sous les feuillages les prêtres en tiare d’or et en robe blanche, avec leurs victimes
humaines, les bras attachés dans le dos et, sur le bord de la cuve, la druidesse
observant le ruisseau rouge, pendant qu’autour d’elle la foule hurlait, au tapage des
cymbales et des buccins faits d’une corne d’auroch. » Chacun choisira selon ses
lectures et ses croyances.

(3)- On peut s’étonner parfois de cheminer sur des sentiers battus. Pourtant à force
de battre la campagne qu’y avait-il d’autre à espérer ?

(4)- Pour une omelette baveuse, suivons les conseils du chef Cyril Lignac.
Souvenez-vous en premier qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Il faut
ensuite les battre avec une fourchette homologuée puis verser une petite tombée de
lait. Pour fixer les idées, sachez qu’une petite tombée de lait c’est environ beaucoup
moins qu’une grosse tombée qui dans le cas présent serait très excessive. C’est ce
qui va rendre l’omelette moelleuse. On peut même ajouter un peu de crème pour
ceux dont le cholestérol total est inférieur à 2,20g./l. On verse la mixture salée et
poivrée dans une poêle où le beurre chauffé et fondu aura été enrichi d’un chouia
d’huile d’olive vierge et bio. Ensuite c’est l’œil et le nez qui dirigent.

Si vous trouvez que cette rubrique ne gagne rien à dispenser des recettes de
cuisine, n’hésitez pas à me le faire savoir.