André Besson : disparition d’un régionaliste engagé

Le célèbre écrivain dolois, André Besson, a mis fin à ses jours dans le canal du Rhône au Rhin samedi dernier. Auteur régionaliste engagé, il laisse derrière lui une œuvre composée de plus d'une centaine d'ouvrages, dont la majorité se consacre à notre département.

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"S’il y a une vie après la vie, je viendrai parfois ici, dans ma médiathèque".

Il a rédigé sa dernière lettre, puis il a décidé d’achever l’ultime chapitre de son extraordinaire existence.
Samedi dernier, le corps d’André Besson a été repêché dans le canal du Rhône au Rhin, à proximité du pavillon des Arquebusiers, non loin de son domicile situé tout au bout de la rue Marcel Aymé à Dole. Une rue choisie en forme de clin d’œil du destin pour celui qui a guidé ses premiers pas littéraires en 1945 ?
Ainsi, l’auteur, historien, scénariste, de 95 ans, affaibli depuis plusieurs mois par la maladie, veuf, sans enfant, et très affecté par la disparition de son épouse Denise en décembre 2021, s’en est allé.
Son œuvre est une ode à la Franche-Comté et plus particulièrement au Jura dont il aimait tant louer la beauté et les richesses.
De La Louve du Val d’Amour (Prix Louis Pergaud), en passant par le best-seller Le Village englouti adapté en 1976 pour TF1 (qui fit venir des milliers de lecteurs au barrage de Vouglans), ou le plus récent « Louis Pasteur : un aventurier de la science », ses livres allient le patrimoine et le romanesque, l’Histoire et le terroir, les souvenirs et les sentiments.

« Quand je vois la marche du monde d’aujourd’hui, pour moi qui ai connu la guerre, il y a des choses que je ne peux pas accepter… »

André Besson est né le 27 octobre 1927 à Dole, dans le quartier du Poiset.
Dès l’enfance, sa rencontre avec l’écriture fut une évidence. Encouragé par son instituteur, il commencera à noircir ses fameux « carnets » et à tenir son journal quotidien.
Ayant vécu le début de son adolescence sous l’occupation, il gardera en lui l’empreinte de profonds traumatismes qu’il savait évoquer avec pudeur mais conviction.
« Les années 40, c’était un tunnel noir permanent. La honte, la désespérance, la terreur… » confiait-il, il y a plusieurs années, lors de notre dernière visite à son appartement de la résidence du « Vauban ».
Et d’ajouter :
« Alors vous savez, quand je vois la marche du monde d’aujourd’hui, pour moi qui ai connu la guerre, il y a des choses que je ne peux pas accepter… »
Son premier poème intitulé «Oradour sur Glane» a été publié clandestinement sous forme de tract en juin 1944. Très vite, en 1946, sort ensuite son premier ouvrage «Mon journal sous l’occupation», rapidement accompagné par «Les maquis de Franche-Comté».
Un hommage à celles et ceux qui ont combattu pour la liberté en y laissant parfois leur vie…
Après avoir effectué son service militaire en Allemagne, André Besson devient correspondant de presse. Un poste, peu rémunérateur mais formateur, qu’il occupera pendant 10 ans. C’est à Chaussin justement, où il vécut 16 ans, que sa carrière d’écrivain va véritablement prendre son essor. Alors chef de service des contributions indirectes dans 5 cantons du sud de Dole, André Besson aiguise sa plume (parfois sous pseudonyme) : roman psychologique, roman policier, roman du terroir…
C’est à cette période qu’il écrira «La grotte aux loups», «Les passeurs du clair de lune», et bien sûr «Le village englouti», véritable best-seller (Prix Emile Zola en 1970), adapté à la télévision en une série de 30 épisodes. Avec plus de 100 titres parus chez une quinzaine d’éditeurs français ou étrangers, André Besson a reçu de nombreux prix ou distinctions littéraires comme le Prix international du roman du Terroir, ou le Grand Prix du roman policier.
Il a fait tourner deux films à Chaussin : «Rumeurs bressanes» pour France 2, et «Le vieux
Paul» pour France 3.

En janvier 2014, André Besson baptisait la Médiathèque de Chaussin de son nom.

 

Inspiré par Vouglans et la catastrophe du Mont-Rivel

En janvier 2014, il baptisait la Médiathèque de Chaussin de son nom.
Sur place, entourés des élus, invité à s’exprimer sur son œuvre, il déclarait alors :
« Pour le village englouti, je me suis inspiré de la vallée de l’Ain, inondée par la retenue du
barrage de Vouglans (près de 500 millions de mètres cube d’eau) où subsistent encore
quelques hameaux ainsi qu’un monastère. J’ai eu l’idée d’associer à ce drame, un autre
drame, celui de la catastrophe de Champagnole en juillet 1964. Le hasard a voulu que je
sois sur place, lorsque vers midi, nous avons entendu une énorme détonation. Une colonne
de poussière s’est élevée dans le ciel, c’était des fragments de pierre à chaux… On a alors
compris qu’une tragédie était en train de se dérouler, puisque dans la mine, 16 personnes
manquaient à l’appel. Le Maire, André Socié, le député, Jacques Duhamel et le Préfet, Pierre Aubert (qui n’a plus quitté le site pendant une semaine), m’ont permis d’assister à quelques réunions privées. Je reste marqué à vie par cet épisode. Imaginez, quand les machines s’arrêtaient, on entendait des coups sourds provenant de sous la terre… Rapidement, des mineurs lorrains ou allemands sont venus sur place. Grâce à cette mobilisation, nous avons pu extraire 9 hommes, barbus, amaigris, hagards… Les autres ? Nous n’avons jamais su, ils étaient trop profond… Il a fallu abandonner les opérations de secours devenues trop dangereuses. Le Préfet Pierre Aubert que j’ai rencontré bien des années plus tard à Paris, dans un autre cadre, m’a avoué (en aparté) faire encore parfois quelques cauchemars en repensant à cet événement… ».
André Besson enchaînait alors, avec la philosophie qui était la sienne :
« Puis le succès est arrivé, TF1 m’a contacté, et la série a été réalisée. J’ai donné toutes mes archives aux médiathèques de Chaussin et Dole, à n’ouvrir que 25 ans après ma mort, car on y trouve les noms de plusieurs dénonciateurs des maquis ».
Avant de conclure : « Je suis très honoré d’être ici et de donner mon nom à ce lieu. Merci à
tous. S’il y a une vie après la vie, je viendrai parfois ici, dans ma médiathèque ».
Probablement, la prophétie s’accomplira…

Une première absence remarquée

Chaque année, André Besson décernait le prix des collégiens au salon du livre « Le verre et la prose » de Dannemarie-sur-Crête (25), dont la neuvième édition de l’événement s’est tenue dimanche dernier.
Sur place, 50 auteurs et l’ensemble des participants ont observé une minute de silence en son hommage. Faisant de ce moment poignant, une première absence remarquée.