L’évitement scolaire, une stigmatisation territoriale qui passe sous les radars

Le pôle éducation de l’Institut des politiques publiques, dirigé par Julien Grenet, vient de publier une nouvelle étude sur les mécanismes d’évitement scolaire. Une étude riche d'enseignements...

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Dans cette étude, les autrices, Manon Garrouste (professeur à l’Université Paris-Saclay et chercheuse affiliée à l’IPP) et Miren Lafourcade (professeur à l’Université Paris-Saclay et chercheuse affiliée à PSE et à l’IPP), se sont intéressées aux effets de la politique de la ville sur les choix d’établissement scolaires.
En France, la politique de la ville cible les quartiers urbains confrontés à de très grandes difficultés sociales et économiques, d’abord qualifiés de « zones urbaines sensibles » puis, depuis 2014, de « quartiers prioritaires ».
Ces quartiers bénéficient de subventions publiques visant à réduire la ségrégation urbaine et à améliorer les conditions de vie des habitants (logement, services publics, sécurité) et leurs opportunités socio-économiques (éducation, emploi).
De nombreux travaux de recherche ont mis en balance les bénéfices et les effets potentiellement contre-productifs des politiques publiques menées dans ces quartiers. Cette note étudie un revers de la politique de la ville encore peu documenté : la stigmatisation territoriale, qui est analysée ici sous le prisme de l’évitement scolaire des collèges publics situés dans les quartiers périmétrés par la politique.

Les résultats clés

Les collèges publics des quartiers entrés dans le périmètre la politique de la ville ont connu une hausse de l’évitement scolaire par rapport aux collèges des quartiers contrefactuels situés au-dessus du seuil de pauvreté.
À l’entrée en 6e, la proportion d’élèves scolarisés dans ces collèges a ainsi diminué de 3,5 points de pourcentage en moyenne, soit environ 6 élèves en moins relativement aux collèges contrefactuels !
Cet évitement scolaire a concerné toutes les familles, mais les catégories socio professionnelles plus modestes se sont davantage tournées vers les collèges publics et les catégories plus favorisées davantage vers les collèges privés.
À l’inverse, la sortie d’un quartier du périmètre de la politique de la ville n’implique pas de hausse de la scolarisation dans le collège de secteur. La stigmatisation territoriale créée par ces effets de labellisation apparaît donc peu réversible.
Cette étude vient poser la question de la pertinence des politiques « zonées », compte tenu de l’effet de renforcement de la ségrégation sociale scolaire mis en lumière ici. Étant donné les conséquences potentiellement négatives de cette ségrégation sur la réussite scolaire des élèves, ces résultats incitent à privilégier un ciblage direct des élèves en difficulté, plutôt que des quartiers et de leurs établissements scolaires.

Méthodologie

La politique publique évaluée ici est celle de la géographie prioritaire et non de l’éducation prioritaire. Ces deux types de dispositifs se superposent sur le territoire.
L’éducation prioritaire, qui dépend du ministère de l’Éducation nationale, fournit des moyens supplémentaires à des établissements scolaires identifiés comme socialement et scolairement défavorisés, dans l’objectif de réduire les écarts de performance scolaire.
La politique de la ville, qui est inter-ministérielle, fournit des moyens supplémentaires à des quartiers identifiés comme économiquement défavorisés. La géographie prioritaire cible des quartiers, tandis que l’éducation prioritaire cible des établissements scolaires, dont certains sont aussi potentiellement situés dans le périmètre de la politique de la ville.
Pour autant, dans les deux cas, il s’agit de dispositifs qui visent, in fine, à aider les résidents et les élèves scolarisés défavorisés…

Plus de détails sur le site de l’Institut des politiques publiques :
https://www.ipp.eu