Si, comme moi, il vous arrive d’être stupide vous vous sentez comme chez vous dans cette rubrique. Nos expressions dont souvent je fais feu de tout bois ne sont pas toujours -passez-moi l’expression- d’une robustesse à toute épreuve et définitive… Et certaines -même lues entre les lignes- ne résistent pas à l’analyse fût-elle débonnaire et bienveillante.
Ainsi je ne connais aucun comtois qui volerait de ses propres ailes (1) quand bien même il aurait fumé la moquette (2). Si vous avez un petit vélo dans la tête et que vous le tentiez pour me donner tort en cherchant la petite bête vous risqueriez de vous foutre en l’air et de vous retrouver le bec dans l’eau. C’est ce qui arrive quand on se met le doigt dans l’œil (3).
Souvent ces expressions nous mènent en bateau. Je mettrais ma main au feu que personne ici saurait enc..er les mouches. Pas folle la guêpe ! À moins d’en connaître un rayon et d’accepter d’essuyer les plâtres. Au risque de tomber dans les pommes et de voir trente-six chandelles avant d’avoir pris la poudre d’escampette dans l’espoir de reprendre du poil de la bête…
Je n’ai pas les deux pieds dans le même sabot et je n’ai pas froid aux yeux. Je suis plus souvent gonflé à bloc que je n’ai un coup de pompe. Et j’essaye de ne pas mettre la charrue avant les bœufs pour ne pas rester sur la carreau à pleurer comme une madeleine (4) en me laissant manger la laine sur le dos.
Aujourd’hui c’est la bouteille à l’encre : mon petit doigt m’a dit que beaucoup ont les boules et cherchent une planche de salut en se plaignant de ne pouvoir joindre les deux bouts. Et tous sont sur le pied de guerre à vouloir lever un lièvre sans mâcher ses mots. Ces va-t’en guerre souvent vont rester en carafe et iront se faire cuire un œuf car il y a loin de la coupe aux lèvres. Même pour ceux qui ont le bras long !
Notes pour une meilleure compréhension du texte. S’il en est besoin.
(1)- L’oisillon vole de ses propres ailes quand il peut quitter le nid pour aller chercher sa subsistance. Un niais (en comtois un niolu) du latin nidus, le nid, est -par métaphore- un individu fraichement tombé du nid, immature et bien incapable de voler de ses propres ailes. L’idée prend racine en 1210 quand on se saisit des faucons dès le nid pour leur apprendre l’art de la chasse. Que de zèle et de patience pour enseigner à un faucon le vrai du faux et lui apprendre à ne pas ouvrir un large bec d’où pourrait tomber sa proie ! Il y eut bien des désillusions parmi les fauconniers.
À noter qu’en Angleterre on préfère dire « tenir debout sur ses propres pieds » plutôt que de voler de ses propres ailes.
(2)- L’origine de la moquette est sujette a bien des controverses. Pour certains le mot nous vient de l‘anglais mockado qui désigne une étoffe ancienne très prisée au XVIème siècle. Prisée au sens d’appréciée vous l’aviez compris. Pour d’autres la moquette serait un tapis d’orient comme on en trouve dans les mosquées.
Passer du tapis à l’herbe est un peu fumeux mais pour peu qu’on ait un peu forcé sur la dose… Et que ce soit de la bonne.
(3)- « Se mettre le doigt dans l’œil » met en rivalité deux explications. Pour certains le doigt dans l’œil est la maladresse d’un signe de croix qui a mal tourné. C’est fâcheux mais c’est toujours possible. On voit tant de choses de nos jours.
D’autres rappellent qu’en argot l’œil c’est l’anus et que là où certains introduisent une matraque d’autres -benoitement et par naïveté- ont pu y introduire un doigt. Peut-être l’index. Sûrement pas le pouce.
Je penche pour la première explication car comment comprendre l’appendice souvent associé « jusqu’à l’omoplate » ? Si l’œil est bien l’œil la vraisemblance est sauvegardée. Si c’est l’anus il faut vraiment avoir le bras long. Et le colon dans l’axe.
Pourquoi je vous raconte tout ça, moi ?
En tous cas l’expression est une nécessité qui s’impose à tous. Nos voisins beaucoup moins audacieux ont recours à des expressions synonymes sans aucune élégance. En Belgique on dit « tirer un bouc ». Je te demande un peu ! Au Portugal on dit « manger des mouches ». Pas mieux ! Les russes disent « s’assoir dans une flaque ». Ça se fera sans moi.
Il y a des jours où l’on est content de vivre chez soi.
(4)- Cette madeleine n’est pas la madeleine de Proust ce goûteux biscuit créé en 1755 au château de Commercy en Lorraine devenu résidence de l’ex-roi de Pologne.
Recevant Voltaire et Madame de Chatelet le roi avait demandé à Madeleine sa cuisinière une gourmandise à la hauteur de ces nobles palais. Et ce fut la madeleine mis en valeur par Proust du côté de chez Swan.
Cette Madeleine c’est Marie de Magdalena prostituée pardonnée par Jésus et qui arrose ses pieds de ses larmes avant de devenir une bien fidèle disciple.