Une campagne nationale de vaccination contre les papillomavirus humains

Récemment, Emmanuel Macron a annoncé la mise en place prochaine d’une campagne de vaccination d'ampleur contre les papillomavirus pour les adolescents volontaires en classe de cinquième.

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Accumulation de papillomavirus qui se sont multipliés dans une cellule épithéliale infectée ; visualisation par microscopie électronique.(Iconographie : Sylviane Coumes-Marquet).

« Toutes les personnes sexuellement actives sont concernées »

Situé à Besançon, le Centre national de référence (CNR) des papillomavirus humains, dirigé par le professeur Jean-Luc Prétet, a plusieurs missions clés dans la lutte contre la maladie. Le CNR assure des missions d’expertise, de conseils et de surveillance épidémiologique. Consultation accélérée en compagnie de Quentin Lepiller, médecin-virologue au CHU de Besançon.

 

Quentin Lepiller, médecin-virologue au CHU de Besançon. © Jack Varlet – hôpital Minjoz.

Docteur Lepiller, pourriez-vous nous expliquer ce qu’est un papillomavirus ?

« C’est un tout petit virus, de l’ordre de 55 nanomètres. Il y en a plus de 400 différents. On appelle ça 400 types ou 400 génotypes. Et on leur donne à chaque fois un numéro ; on va parler d’HPV1, HPV6, HPV11, etc.

Et parmi ces plus de 400 virus, il y a un petit sous-groupe de 12 à 13 virus seulement qui vont nous intéresser particulièrement parce qu’ils sont à risque de donner des cancers. Des cancers anogénitaux (col de l’utérus, anus, etc.) ou des cancers de l’oropharynx (juste derrière la cavité buccale).

 

Bien. Et toutes les personnes sont-elles concernées ? Les hommes comme les femmes ?

Pour ces papillomavirus à haut risque qui vont être transmis par voie sexuelle, ce sont toutes les personnes sexuellement actives qui sont concernées.

C’est vraiment la première infection sexuellement transmissible par ordre de fréquence. Elle passe le plus souvent inaperçue, parce que la plupart de ces infections sont éliminées spontanément par le système immunitaire mais effectivement, elle est très répandue. Tout le monde est à risque, que ce soit les hommes ou les femmes.

 

« c’est vraiment la première infection sexuellement transmissible par ordre de fréquence. », dOCTEUR Quentin Lepiller.

 

Parlons un peu de proportions. Vous avancez que c’est « la première infection sexuellement transmissible par ordre de fréquence », mais ce n’est pas la première en termes de mortalité. Le risque d’avoir un cancer est faible, n’est-ce pas ?

Alors, par rapport au nombre de personnes infectées, le risque, effectivement, est relativement faible. Heureusement ! Il faut pour avoir un cancer que le virus persiste ou qu’il ne soit pas éliminé par le système immunitaire.

Typiquement, on va avoir le pic de détection de ce virus au niveau du col de l’utérus vers l’âge de 20 ans chez la femme, donc peu après le début de l’activité sexuelle. On va avoir les lésions précancéreuses 10 ans plus tard chez une partie de ces femmes. Et puis ensuite, dans 10 à 40% des cas, on peut avoir des cancers vers l’âge de 50 ans. Globalement, on va traiter dès le stade de lésions précancéreuses pour justement ne pas avoir ce risque de cancer.

Si vous voulez un ordre de grandeur de l’ensemble de ces cancers liés aux HPV. En France, c’est un peu plus de 7000 cas de cancers par an (tout compris). Un tiers chez les garçons et deux tiers chez les femmes.

Ce nombre de cas serait beaucoup plus important si on n’avait pas les dispositifs de dépistage que l’on a actuellement. Quand vous allez dans certains pays du sud, et notamment dans certains pays d’Afrique subsaharienne, il y a beaucoup plus de cancers du col de l’utérus. Dans certains cas, c’est vraiment la première cause de mortalité par cancer chez les femmes.

 

Et alors, la vaccination est-elle la solution pour éviter ces problèmes de santé ?

L’idée, c’est d’aller vacciner avant le premier contact avec le papillomavirus, donc avant le début de l’activité sexuelle. C’est pour ça que l’on va vacciner les préados, voire les ados, parce qu’une fois que le virus est persistant dans la muqueuse, la vaccination ne sert plus à grand-chose. Elle peut servir à protéger contre une nouvelle infection qui arriverait un petit peu après, mais si on veut couvrir ce pic épidémique qui est vers l’âge de 20 ans, il faut vacciner avant le premier contact avec le virus.

Alors, dans certaines populations, notamment des populations homosexuelles masculines, on peut vacciner jusqu’à l’âge de 26 ans en rappel. Pour le moment, il n’y a pas cette recommandation dans les autres populations. Ça pourrait quand même avoir un intérêt pour se protéger contre les nouvelles réinfections de papillomavirus.

Il y a aussi des pathologies bénignes, et surtout les condylomes génitaux, donc ces fameuses verrues génitales. En France, c’est de l’ordre de 100 000 cas par an, 50 000 chez les hommes et 50 000 chez les femmes.

Les verrues génitales sont très contagieuses, ça peut nécessiter des traitements qui sont longs, parfois douloureux, avec des récidives fréquentes. Le vaccin protège contre ces condylomes génitaux.