Voilà qu’une énième nouveauté vient de sortir du chapeau gouvernemental en cette rentrée qui s’annonce d’ores et déjà particulièrement tumultueuse sur le plan social.
Son nom ? France Travail ! Il fallait l’inventer.
Sa mission ? Un vaste guichet unique rassemblant les différentes tentacules de la nébuleuse « employabilité » de l’Hexagone : Pole Emploi, mission locale, AFPA, Cap emploi, etc…
En théorie, la réforme semble cohérente et plutôt innovante. Sauf que cela a déjà été essayé à moult reprises par différents gouvernements, sans succès. Tout simplement car décider d’une nouvelle dénomination et d’une réorganisation technocratique depuis son élitiste tour d’ivoire parisienne est une chose, mais pouvoir l’appliquer quotidiennement et concrètement sur le terrain, notamment dans nos territoires isolés (pour ne pas dire délaissés voire oubliés), en est une autre.
A l’image de la tentative de décentralisation de la gestion du marché du travail opérée il y a déjà longtemps via le SPEL (Service public à l’emploi local). Un véritable coup d’épée dans l’eau.
Et que dire de la fusion de l’ANPE et des Assédic, sous la nouvelle entité de Pôle Emploi opérée à la fin des années 2000 ? Avec à la clé, une succession de couacs, d’imbroglios, d’égarements et surtout… d’inefficacité.
On se souvient aussi des Maisons de l’emploi lancées en 2005 par le pragmatique Jean-Louis Borloo, presque toutes disparues aujourd’hui.
Bref, qu’il soit de gauche ou droite, qu’il utilise la carotte ou le bâton, aucun gouvernement n’est parvenu à résoudre l’équation des millions de demandeurs d’emploi et des centaines de milliers d’emplois vacants. Voilà la réalité des faits.
Et cela n’est pas parti pour s’améliorer si j’en crois les confidences d’un ami chargé de recrutement en intérim qui me résumait le week-end dernier :
« Aujourd’hui, une majorité de gens ne veut plus travailler… ».
Et de me détailler pour l’exemple :
« Pas plus tard que vendredi matin, j’appelle un homme d’une trentaine d’années pour lui proposer dès lundi une mission d’une semaine, renouvelable à long terme, en industrie agro-alimentaire, rémunérée à près de 400 euros par semaine. Le poste est relativement confortable, chauffé, abrité, il n’exige aucune qualification, il ne s’agit que de contrôle de conditionnement de la production. Il m’a répondu que pour 1500 euros net par mois cela ne valait pas la peine, et qu’il préférait rester pour l’instant avec 1200 euros d’indemnités chômage… en attendant que je lui propose mieux. Du coup, le poste reste vacant ».
Même son de cloche auprès d’un entrepreneur du bâtiment qui me confiait « l’effondrement généralisé de la motivation » qu’il constate sur ses chantiers.
« La moindre contrainte n’est plus acceptée. Je n’exige aucun diplôme, juste un minimum de savoir-être. C’est-à-dire une personne fiable, qui vient travailler tous les jours, qui écoute ce qu’on lui dit. Mais aujourd’hui près de la moitié des nouveaux embauchés ne finissent pas la semaine, et ne préviennent même pas de leur absence ! ».
Si l’on regarde le tableau sociologique de l’autre côté de la lorgnette, on peut aussi comprendre que lorsque l’on travaille à temps plein (surtout en exerçant un métier difficile) et que l’on ne peut pas vivre dignement de son salaire, assommé par l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat, il est légitime d’aller vendre ses services au plus offrant…
L’article 5 du préambule de la Constitution de 1946 le stipule clairement : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ».
Mais comme Coluche l’expliquait savoureusement :
« A la télé ils disent tous les jours : Y a trois millions de personnes qui veulent du travail.
Ce n’est pas vrai : de l’argent leur suffirait… »