Un long dimanche de sécession

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A l’issue d’un repas de famille notoirement réjouissant, ce fut peu après 17 heures que tout commença à basculer.
Soudainement, des pluies diluviennes vinrent s’abattre un peu partout sur l’Hexagone, plongeant le pays dans une étrange et obscure léthargie crépusculaire. On eût dit que le temps s’essoufflait et demandait à se suspendre. L’horizon se ternissait. Les éléments constitutifs s’imposaient d’eux-mêmes.
Progressivement, insidieusement, le soir devint lugubre. Les réseaux sociaux faisaient état de regroupements insurrectionnels aux abords de certaines villes de France. Tout cela n’annonçait rien de bon pour la suite…
Telle une mascarade démocratique soigneusement scénarisée, à 20 heures précises, le visage d’Emmanuel Macron s’afficha sur les écrans de télévision du monde entier. Le camp du bien sortait vainqueur du combat des idées et l’histoire était belle. “La haine” était vaincue. Le gentil héros progressiste l’avait emporté. Les apparences étaient sauvées. La vérité bienpensante allait ainsi pouvoir noircir les manuels scolaires et se graver dans le marbre. La France était décidément fabuleuse…
Sur les plateaux de télévision, quelques opportunistes sommités politiques à la mine faussement songeuse et préoccupée (Manuel Valls en tête) évoquaient déjà “la recomposition”, passant en revue le constat d’une contestation toujours plus conséquente, martelant qu’un “pacte social” était désormais “indispensable”, mais sans apporter le moindre début d’une solution concrète. On connaissait trop bien la chanson : « A nos actes manqués ».
Rien ou très peu sur l’essentiel : l’emploi, l’école, la santé, la sécurité, la défense, l’écologie, l’économie, la précarité, l’inflation…
Tout juste évoquait-on à mots couverts les poncifs de « brutalité sociale“ ou de ”vote de désespérance ». Mais la tonalité demeurait pour le moins empruntée.
Du côté des vaincus souverainistes (paradoxalement majoritaires), la tension ne retombait pas. Au contraire, l’amertume se généralisait. La défection nourrissait une farouche volonté de revanche en perspective d’un troisième tour qui s’annonçait d’ores et déjà prometteur d’ici six semaines. Matignon était désormais en ligne de mire.
Cependant, les fractures s’amplifiaient toujours. Les colères se ravivaient. Les conflits s’exacerbaient. Le ressentiment se cristallisait.
La réconciliation était-elle seulement possible ? Une prise de conscience de l’état d’extrême urgence sociale et civilisationnelle pouvait-elle s’opérer par le pouvoir en place ? La gravité de la situation était-elle réellement mesurée ? Les désaccords allaient-ils trouver une réponse satisfaisante ?
A en constater les premières (ré)actions, il était permis d’en douter…
Les sombres prédictions d’un célèbre médium local semblaient se réaliser.
Tout cela sentait dangereusement la poudre. On s’acheminait vers l’issue fatale.
Une seule interrogation subsistait : qui allait oser craquer l’allumette en premier ?