Jouxtant Arc-et-Senans, cette localité rurale de la communauté de communes du Val d’Amour offre un cadre de vie verdoyant aux Babouins y vivant. Situé dans la plaine du Val d’Amour, le territoire de Chissey-sur-Loue est effectivement à environ 80% recouvert par la forêt de Chaux et s’étend jusqu’à la 6ème et la 8ème colonne.

Bien que ce gentilé soit surprenant, les habitants de Chissey-sur-Loue sont appelés les Babouins, en référence aux figures anthropomorphes, si caractéristiques de l’église du village. « Ça n’a rien à voir avec les singes », plaisante Jean-Claude Pichon, maire du village depuis 2014. Les auteurs du livre L’église Saint-Christophe de Chissey-sur-Loue (Jura), dix siècles d’histoire explique que « La tradition rapporte que Chissey était autrefois un centre de pèlerinage pour les fous et insensés ». Il est ainsi possible d’émettre l’hypothèse que ces « corniches dites des Babouins représentent ces pèlerins particuliers », poursuivent les auteurs.

Les origines du toponyme sont tout aussi peu certaines. Pour Alphonse Rousset, « En 951, une dame, nommée Théodrate, donna son domaine in villa Chiolaco, in comitatu amanuense à l’église Saint-Étienne de Besançon ». Chiolacum aurait alors pu devenir Chissey. Armand Marquiset propose une autre explication : « CHISSEY, selon Bullet, tire son nom du mot celtique chych ou chys, fort, forteresse ». Sur le panneau des villages de la forêt de Chaux, il est indiqué que « Chissey dérive du latin « Villa de Cassius » ».

Quoiqu’il en soit, les habitants de Chissey-sur-Loue peuvent tantôt pêcher dans la Loue – rivière traversant le territoire communal – tantôt randonner dans la forêt de Chaux.

Ce n’est que dans (ou vers) les années 1970 que Chissey devint Chissey-sur-Loue pour différencier le village d’autres communes portant le même nom, comme Chissey-en-Morvan.

 

Au fil des siècles, la démographie évolua considérablement à Chissey-sur-Loue. En 1793, le village abritait 718 habitants. La population augmenta ensuite jusqu’en 1831 pour atteindre 842 habitants, avant de légèrement diminuer puis d’atteindre 847 habitants en 1846. Il s’agit là de l’apogée démographique de Chissey-sur-Loue. Mais après cette date, le nombre de villageois diminua globalement pour, en 1846, s’élever à 440 habitants, soit près de deux fois moins qu’un siècle plus tôt. Une perte d’habitants qu’explique Alphonse Rousset, alors contemporain des faits : « Les jeunes gens émigrent pour être domestiques à Paris. Un grand nombre de familles ont émigré pour l’Afrique en 1830 », après la conquête de territoires de l’actuelle Algérie. L’exode rural affecta donc grandement Chissey.

La perte d’habitants se poursuivit, puisqu’en 1975, 299 habitants étaient recensés à Chissey-sur-Loue, soit 65% de moins qu’en 1846. Depuis les années 1970, la population stagne aux alentours de 300/350 Babouins. En 2019, Chissey-sur-Loue comptait 310 âmes. La population de Chissey-sur-Loue est aujourd’hui relativement âgée, puisque 75 colis pour les plus de 70 ans furent distribués l’an dernier.

 

Orientée plein est, l’église Saint-Christophe de Chissey-sur-Loue « passe, à juste titre, pour l’un des monuments les plus curieux de la province », écrivit Armand Marquiset au XIXe siècle.

Histoire et origines de cette localité

L’actuel territoire de Chissey connut une occupation humaine dès l’Antiquité explique Alphonse Rousset : « Qu’une peuplade gauloise se soit établie de bonne heure à Chissey, si heureusement disposé pour la culture, la chasse, la pêche, la navigation, rien de plus probable ». La découverte en mars 1825 sur ce territoire d’un « canot formé d’un seul chêne », d’après les termes d’Alphonse Rousset, tend à confirmer cette hypothèse. Armand Marquiset estime que l’on « peut conjecturer que c’était une barque gauloise, creusée à l’aide du feu ».

Originellement, le village devait se trouver davantage vers la forêt de Chaux. Très tôt, les habitants de l’actuel territoire de Chissey durent subir des inondations, comme le notait à raison Alphonse Rousset au XIXe siècle : « Les débordements de la Loue et les eaux qui arrivent de la forêt de Chaux ravagent fréquemment le territoire et y causent des dégâts considérables ».

Au Moyen Âge, un château fut élevé sur une motte, mais il fut détruit au XIVe siècle. Autour du village existait autrefois aussi une enceinte ainsi que des fossés.

Chissey connut des heures sombres, notamment à cause des conflits armés. « De toutes les guerres qui désolèrent la province et dont souffrit Chissey en 1479, 1595 et 1636, la plus terrible fut cette dernière ; le village entier fut incendié. La peste se chargea d’enlever les habitants qui avaient survécu », précise Alphonse Rousset. La guerre de Dix Ans (1634-1644) eut donc des effets désastreux sur le village et sur ses habitants.

Signés en 1678, les traités de Nimègue eurent notamment pour effet le passage du comté de Bourgogne sous l’autorité du roi de France. Alors, Chissey devint officiellement français.

Au XIXe siècle, l’année 1820 fut particulièrement difficile pour Chissey puisqu’un incendie détruisit 22 maisons.

Soixante ans plus tard, dans les années 1880, une subdivision de sapeurs-pompiers sur la commune de Chissey fut mise en place. La caserne de pompiers, qui fut centre de première intervention (CPI), ferma le 1er janvier 2019, alors qu’il n’y avait plus que 6 pompiers.

 

Bannière de la Fanfare qui a existé jusque dans les années 1960.

 

Durant la Première Guerre mondiale, 10 personnes nées à Chissey furent physiquement victimes du conflit d’après la base de données Mémoire des hommes. Au total, ce sont 20 noms qui sont présents sur le monument aux morts du village pour ce conflit, dont celui de Jules Joseph Florent. Né le 5 septembre 1892 à Chissey, il faisait partie du 149e régiment d’infanterie lorsqu’il mourut pour la France le 21 août 1914, la veille du jour le plus sanglant pour l’armée du pays où près de 27 000 soldats français perdirent la vie.

Pour la Seconde Guerre mondiale, 6 noms sont inscrits sur le monument aux morts de Chissey, dont celui de Joseph Lucien Ernest Gonce, né à Chissey le 5 février 1926 et décédé le 7 mai 1945 à Mont-de-Marsan (Landes) – la veille de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe. Il perdit la vie à l’âge de 19 ans.

 

Il y a 2 ans, l’école du village ferma ses portes, au moment de l’ouverture du groupe scolaire La Loue de Chamblay. Jusqu’alors, il existait un regroupement pédagogique intercommunal (RPI) avec Santans, Germigney et Chatelay – les maternelles allaient à Chissey-sur-Loue, tandis que les primaires se rendaient à Santans. À Chissey-sur-Loue, il n’y eut toutefois qu’une douzaine d’enfants dans la dernière classe.

Plus récemment, en fin d’année dernière, Chissey fut mis sous les projecteurs puisque environ un tiers de la population communale aurait été testée positive à la Covid-19.

 

Chissey enfanta également quelques personnalités, comme l’écrivaine Marguerite Reynier (1881-1950). Bien que décédée à Paris, elle repose aujourd’hui dans le cimetière de Chissey-sur-Loue.

Henri Jouffroy (1900-1995) naquit également à Chissey. Il fut maire de Chissey de 1947 à 1974, député de 1969 à 1973 et de 1977 à 1978, ainsi que conseiller général du Jura de 1949 à 1973.

 

Intérieur de l’église Saint-Christophe de Chissey-sur-Loue.

Une église de folie

Orientée plein est, l’église Saint-Christophe de Chissey-sur-Loue « passe, à juste titre, pour l’un des monuments les plus curieux de la province », écrivit Armand Marquiset au XIXe siècle. Les parties les plus anciennes de l’église datent du XIIe siècle. Un édifice qui fait l’objet de fantasmes.

« La légende du Val d’Amour, on va dire, c’est un petit peu la création de l’église. Apparemment, c’est là où elle aurait retrouvé le corps de son bien-aimé que l’église de Chissey aurait été construite. Mais ce qui est dommage sur Chissey, sur l’église, c’est qu’on a très peu d’archives », précise Jean-Claude Pichon.

Sous le clocher, un lieu appelé « la chambre des fous » aurait été l’endroit où « on renfermait les malheureux atteints de démence, que l’on vouait à saint Christophe pour en obtenir la guérison », explique Armand Marquiset – saint Christophe protégeant des maladies. Pour Alphonse Rousset, cet espace se trouvait « dans la tour du clocher », avant de souligner qu’un « concours prodigieux de pèlerins venait chaque année à Chissey, le jour de la fête patronale », tout en poursuivant que des « cérémonies bizarres de la fête des fous se célébraient chaque année ». En réalité, il est complexe de dissocier le vrai du faux – la légende se mêlant à l’histoire.

 

Une chose est toutefois certaine, 64  figures anthropomorphes sculptées aux expressions différentes, appelés localement « babouins », sont présentes dans l’église.

 

Everardo Ramos qui fit un mémoire de maîtrise sur cette église (L’église de Chissey-sur-Loue et le sentiment populaire dans la sculpture architecturale du XIIIe siècle en Franche-Comté) à l’Université de Franche-Comté, soutenu en 1996, explique que certaines personnes voient même dans les 64 figures sculptées sur la corniche de l’église le « souvenir, sculpté dans la pierre, des fous qui se rendaient en pèlerinage à l’église de Chissey, en quête de guérison ». Ce n’est là qu’une hypothèse et comme le poursuit Everardo Ramos, « pour éviter toute surinterprétation, nous nous garderons d’attribuer une identité précise à ces êtres ».

Une chose est toutefois certaine, 64  figures anthropomorphes sculptées aux expressions différentes, appelés localement « babouins », sont présentes dans l’église. Des sculptures médiévales intrigantes et mystérieuses. Grotesques, elles donnèrent aux habitants de Chissey leur nom : les Babouins.

 

Le tympan de l’église Saint-Christophe de Chissey-sur-Loue est également remarquable. Le Christ est ainsi entouré de saint Pierre et de saint Paul ou saint Jean (cf. Article d’Everardo Ramos).

 

Classée en 1843 sur la liste des Monuments Historiques par Prosper Mérimée, cette église fut « le premier édifice du Jura à être honoré de la sorte », précisent les auteurs de l’ouvrage L’église Saint-Christophe de Chissey-sur-Loue (Jura), dix siècles d’histoire. L’église et le cimetière sont partagés par trois communes : Chissey, Chatelay et Germigney.

L’église abrite notamment douze œuvres classées au titre des Monuments Historiques et quasiment autant d’inscrites. De la chaire à prêcher en bois sculpté du XVIIIe siècle, classée au titre d’objet depuis 1906, à une statue de saint Christophe en pierre du XVe siècle, classée la même année, l’église de Chissey-sur-Loue saura vous surprendre ! Des visites guidées sont quelquefois organisées.

Consciente de la richesse de ce patrimoine, la municipalité souhaite rénover l’intérieur de l’église – des fissures apparaissant ici et là. « Nous, ce qu’on aimerait faire, c’est un éclairage moderne pour mettre en valeur l’intérieur », ajoute Jean-Claude Pichon.

 

Chissey et la ligne de démarcation

Après la défaite de la France en 1940, la Loue, passant à Chissey, matérialisait la ligne de démarcation, c’est-à-dire la frontière entre la zone libre et la zone occupée. Par conséquent, de nombreuses personnes cherchant à se rendre d’une zone à l’autre transitaient par Chissey. La ligne de démarcation exista jusqu’à sa suppression officielle en mars 1943.

Dans les années 1960, Claude Chabrol (1930-2010) tourna en partie La ligne de démarcation à Chissey, film qui sortit en 1966. Le corbillard de l’époque, l’ancien garde champêtre ainsi que l’ancien bistrot de Chissey apparaissent notamment dans le long-métrage. Un excellent moyen de se plonger dans le Chissey des années 1960.

Jean-Claude Pichon, âgé d’une quinzaine d’années lors du tournage, remarque que « c’était un événement pour le village à l’époque ». Chissey ne fut pas le seul village où fut tourné ce film puisque Dole, Belmont et Port-Lesney apparaissent, par exemple, aussi à l’écran.

Le montage fit ensuite sourire quelques Jurassiens. « Quand vous regardez le film, vous verrez à un moment donné qu’ils prennent un virage là-derrière [à Chissey], pis d’un seul coup, ils se retrouvent sur le pont de Port-Lesney. […] Quand on connaît, ça fait bizarre », sourit Jean-Claude Pichon.

 

Un comité des fêtes dynamique

Créé en décembre 2018, le comité des fêtes de Chissey-sur-Loue est générateur de liens entre les habitants du village. Autrefois, les pompiers organisaient des manifestations pour la fête du village, le 15 août. Mais ils finirent par renoncer d’en organiser. Alors, la fête du village perdit son caractère festif… une histoire malheureusement commune à nombre de localités rurales.

Mais Dominique Dupont notamment ne l’entendait pas de cette oreille : « Avec une autre personne du conseil municipal, on s’est dit qu’il fallait qu’on continue de faire quelque chose. Lui et moi, on a organisé les premières babouinades avec deux ou trois personnes intéressées par l’idée. Et de là, on est parti sur d’autres activités ».

Les babouinades est le nom de la fête des Babouins, le gentilé de Chissey-sur-Loue. Amusant et original, ce nom fut inventé pour caractériser la fête de ce village. Un moyen également de l’identifier rapidement.

Le comité des fêtes, composé d’une centaine de membres, anime véritablement Chissey-sur-Loue. Dominique Dupont, président de l’association, révèle ainsi qu’il aimerait reproduire le marché de printemps et le marché d’automne, deux animations mettant à l’honneur nos savoir-faire. Bien que pour ce printemps, la situation sanitaire et les échéances électorales empêchent sa tenue, il devrait être réorganisé l’année prochaine. Celui d’automne passera peut-être entre les gouttelettes covidées…

Malgré tout, l’année s’annonce assez chargée. Le 19 mars, un concours de tarot devrait être organisé (sous réserve de l’évolution de la situation sanitaire). Plus conséquent, les rencontres théâtrales du Val d’Amour se dérouleront à Chissey-sur-Loue les 24, 25 et 26 juin. Une grosse opération à laquelle devrait prendre part le comité des fêtes. Le centre du village sera alors fermé aux voitures, comme c’est le cas lors de la brocante se déroulant autour du 15 août.

Dominique Dupont dévoile aussi un projet qui devrait prochainement aboutir : « À côté de ça, on espère pouvoir ouvrir un café associatif. Il y a un projet de rénovation du local des associations [ancien local des pompiers] qui pourrait se transformer en café associatif. C’est un projet déjà bien médité. Il faut ensuite du monde pour pouvoir le tenir, pour faire quelque chose de régulier ». Un projet qui devrait être mené conjointement par le comité des fêtes et la municipalité.

 

Un village calme

À l’exception du comité des fêtes, 8 autres associations sont basées à Chissey-sur-Loue (Nature et Découverte ; Conservation du patrimoine de Chatelay, Chissey et Germigney ; Les arts verts du Val d’Amour ; Les Enfants d’abord ; Chissey loisirs pêche ; ACCA de Chissey-sur-Loue ; Les Tacots de la Loue ; Sales gosses et compagnie). Toutes concourent au dynamisme et à la renommée du village.

Tourné autrefois vers l’agriculture, et ce jusque dans les années 1960-1970, Chissey abrite aujourd’hui 4 agriculteurs. Dans le village, il y a également un élevage de veaux de qualité ainsi que 5 chambres d’hôtes/gîtes et une agence postale. Des entreprises sont aussi installées à Chissey-sur-Loue (une entreprise de terrassement, un artisan métallier qui fabrique des girouettes, un garagiste, un producteur de safran et une entreprise de ramonage).

 

« Le village est charmant, on est entre la Loue et la forêt de Chaux », Jean-Claude Pichon, maire de Chissey-sur-Loue depuis 2014.

 

Chissey-sur-Loue n’abrite aujourd’hui malheureusement plus aucune boutique, la dernière  – fréquentée notamment par des personnes âgées – ayant fermé ses portes il y a une dizaine d’années

« Le village est charmant, on est entre la Loue et la forêt de Chaux. Dans le temps, c’était un coin béni des pécheurs à la mouche. Mais maintenant, ce n’est plus le cas, la Loue n’est plus ce qu’elle était. Elle n’a plus du tout la même morphologie que quand j’étais gamin », note le premier magistrat de la commune. La forêt communale de Chissey-sur-Loue est tout de même conséquente, puisque de 453 hectares – soit l’une des plus importantes du secteur.

Concernant les projets, outre pour l’église, la municipalité aimerait aussi refaire des trottoirs ainsi que deux ponts sur la Leue. L’an dernier, l’aire de jeux pour les enfants fut refaite.

 

Pour Alphonse Rousset, « En 951, une dame, nommée Théodrate, donna son domaine in villa Chiolaco, in comitatu amanuense à l’église Saint-Étienne de Besançon ». Chiolacum aurait alors pu devenir Chissey.

 

Outre disposer d’une église splendide, Chissey-sur-Loue est donc une cité de repos abritant des habitants essayant de la dynamiser.

 

Pour aller plus loin : bibliographie non exhaustive :

[Travail collectif], L’église Saint-Christophe de Chissey-sur-Loue (Jura), dix siècles d’histoire, Chissey-sur-Loue, association pour la conservation du patrimoine historique de Chissey-sur-Loue, Chatelay et Germigney, 2021.

Everardo Ramos, « Traditions locales et art savant au XIIIe siècle : le décor monumental de l’église de Chissey-sur-Loue », Histoire de l’art, numéros 42/43, octobre 1998, pp. 49-58.

MARQUISET Armand, Statistique historique de l’arrondissement de Dole, tome II, Besançon, Charles Deis, imprimeur-libraire, 1842, pp. 165-174.

ROUSSET Alphonse, MOREAU Frédéric, Dictionnaire géographique, historique et statistique des communes de la Franche-Comté (…), Besançon, Bintot, imprimeur-libraire, tome II, 1854, pp. 141-148.

 

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