« Ça fait un compte de temps que tu nous soules avec tes rubriques à la gomme, tu vas encore longtemps faire le mariole », me demande avec une feinte angoisse la Marie-Madeleine Bailly-Salins. C’est une cancouane du Haut, une vieille complice dont je partage les gâteaux de ménage et -aux heures apéritives- le Guignolet.
Et voilà d’un coup deux expressions populaires qui rejoignent mon escarcelle ! (1)
« À la gomme », nous fait remonter au temps des gommeux, jeunes gens que leur prétention rend ridicule. Nous sommes en 1842. Mais il fallut patienter jusqu’en 1921 avant que l’expression « à la gomme » prenne tout son sens de : sans valeur aucune.
Les gommeux sont les successeurs des mignons et favoris (2), des gandins (3), des merveilleuses et incroyables (4) et de tous ceux qui ont marqué leur époque par leurs manières de lèche-c. auprès des grands de ce monde. Ce procédé qui étale une vacuité abyssale auprès des éminents, à toutes fins utiles, est aujourd’hui complètement abandonné et seuls de rares historiens peuvent en témoigner.
« Le mariole », curieusement, est en perte de vitesse alors que toute notre actualité est orientée dans le sens de la dégringolade. Il connut son heure de gloire au début du XIXème siècle.
On vous dira que Dominique Gay-Mariolle, géant et fier bûcheron, né au pied du col d’Aspin, devenu sapeur de Napoléon lui présenta les armes, à la veille de la bataille de Tilsit, en tendant à bout de bras un canon de cent kilos en lieu et place d’un fusil (4). Pensez-vous ! Certes, il fit ce jour-là le Mariolle, mais l’expression existait depuis cent ans déjà ! (5) Non ! Faire le mariole nous vient de l’italien mariolo qui désigne un filou, une crapule, une fripouille comme ils en ont chez eux…
Mon conseil pour 2025 : hâtez-vous de faire le mariole. Le mot va disparaître bientôt de nos dicos.
Notes explicatives ou presque :
(1)- Jusqu’au XVIème siècle on appela escarcelle une grande bourse attachée à la ceinture à peine au-dessus d’autres bourses plus anatomiques. Depuis deux siècles, l’escarcela désignait en provençal ce même trésor auquel l’on était très attaché. Le mot est dérivé de l’italien médiéval où scarso est… un avare !
(2)- Mignon a désigné d’abord l’homosexuel passif. Le mot apparait vers 1160 chez un poète normand Béroul auteur d’une version ancienne de Tristan et Iseut. De fil en aiguille, on est passé à l’idée d’amant et on appelait mignons les favoris de Charles VII, puis ceux efféminés de Henri III. Mais, à la même époque, le mot se débarrassa de sa connotation érotique et les mignons-mignonnes se répandirent tous sexes confondus pour le plus grand avantage de tous et toutes puisque le mot s’est enrichi du sens d’agréable, de gracieux, de gentil. Une autre preuve qu’on n’arrête pas le progrès quand on respecte le sens de la marche.
(3)- Au XIIème siècle, le verbe gandir signifiait se sauver, s’enfuir. Les raisons de s’échapper du regard de ses concitoyens ne manquent pas mais en Dauphiné du XVIIIème le verbe eut son heure de gloire pour désigner les nigauds, les niais, nous dirions chez nous les niolus, qui -statistiquement- s’enfuyaient beaucoup plus que les autres, sans destination précise. Le féminin dauphinois gandina, femme un peu godiche a, par dérision, désigné les élégants et snobs des années 1880 jusqu’au début du XXème où la race s’est éteinte pour faire place à une élégance naturelle jamais surjouée. Il était temps.
(4)- Brandir un canon de 100 kg devant Napoléon un jour de revue des troupes suffisait à l’époque pour entrer dans la légende napoléonienne où il y avait encore des places à prendre. Nous étions en juillet 1807. Naturellement, aujourd’hui il en faudrait beaucoup plus. Teddy Riner, Zizou, Léon Marchand, Nelson Monfort et quelques autres ont mis la barre très haut.
Promu « Premier sapeur de France », Mariolle, ce Goliath, fut immortalisé par plusieurs artistes dont David dans son tableau « la Distribution des aigles ».
(5)- Les savants étymologistes nous disent que le mariolo italien, d’abord escroc puis simplement coquin malicieux et rusé, viendrait de l’expression transalpine « far le Marie » qui exprimerait l’innocence prétendue d’un fripon qui se cache sous la jupe de Marie pour assoir sa respectabilité.
Chez nous – qui respectons Marie- nous disons plutôt faire sa Sainte Nitouche.