Le Tour est de retour…

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La Grande Boucle repassera cet été dans le Jura. Rendez-vous vendredi 12 juillet.

Saizenay, Salins-les-Bains, Marnoz, Les Arsures, Montigny-les-Arsures, Arbois, Abergement-le-Grand, Aumont, Neuvilley, Colonne, Le Chateley, Chemenot, Le Villey, Francheville, La Chaux en Bresse…

Voilà un résumé de l’itinéraire prévu en terre jurassienne, que le peloton empruntera vendredi 12 juillet lors de l’étape numéro 7, reliant Belfort à Chalon sur Saône.

Mais d’après ce que l’on en sait, faire passer la Grande Boucle par le Jura n’a pas été une mince affaire. Car il a fallu faire jouer les réseaux, et influencer les principaux décideurs…

« Dans le cadre de la préparation du parcours 2019, nous avons eu quelques réflexions, sachant que le Tour de France passait dans l’Est. Une proximité était à imaginer, destinée à valoriser le bicentenaire de la naissance de Gustave Courbet, avec un passage à Ornans, et a établir une relation entre le centenaire du maillot jaune, et le vin jaune, fleuron de notre département » explique Clément Pernot, référent Tour de France pour l’Association des Départements de France, très attaché à ce que « chacun profite plus ou moins directement ou indirectement de cette exposition médiatique de l’entité jurassienne ». Même si d’un point de vue purement arithmétique, les retombées économiques sont difficilement chiffrables.

Célébrer le vin jaune pour les cent ans du maillot jaune…

Quelques dîners privés plus tard, et une fois la présentation du parcours de la 106ème édition du Tour de France opérée, Clément Pernot redevenait plus loquace.

« Oui, c’est bien le Triangle d’Or qui sera à l’honneur avec notamment la traversée de Salins-les-Bains et d’Arbois. Nous invitons dès à présent chacun à envisager des animations locales fortes, sur chacune des communes jurassiennes traversées. J’invite les maires à mobiliser leurs administrés. Le Département sera à leurs côtés pour les aider dans cette mission. Il en sera de même pour les organisations interprofessionnelles viticoles. Cette traversée du Tour de France dans le vignoble jurassien doit être un moment fort, festif, populaire et coloré » insiste le président du Conseil départemental.

D’ailleurs ce passage devrait préfigurer un probable retour de l’édition 2020. 107ème édition dont nous savons déjà que le départ sera donné de Nice. Or en sortant des cols alpestres, il faudra bien remonter vers Paris…

La longue attente du Jura…

La première édition du Tour de France s’élance en 1903 sur 2 428 km parcourus en six étapes. Longtemps le Jura regarde passer le Tour de France. Le Tour passe dans le Jura, mais ne s’arrête point. Dans l’Est de la France, Belfort s’abonne vite aux arrivées et aux départs. Après la Première Guerre mondiale, le Jura reste un territoire de passage, de transition dit-on aujourd’hui, entre l’Est et les routes des montagnes. L’étape Belfort-Évian, ou une autre ville alpine, relève presque de la classique. Un coup dans le tic : Belfort-Évian. Un coup dans le tac : Évian-Belfort.

L’attente est longue et, enfin, le 4 juillet 1937, le Jura accueille le Tour dans une invraisemblable journée en trois actes.

Acte 1 : Belfort / Lons-le-Saunier, remporté par Henri Puppo. Acte II : casse-croûte et on enfourche fissa les vélos pour un contre-la-montre vers Champagnole, avec une victoire pour le belge Sylvère Maes. Acte III : nouveau départ vers Genève où gagne le suisse Léo Amberg.

Sur la lancée, l’épreuve revient en 1939. Arrivant d’Annecy, le luxembourgeois François Neuens s’impose à Dole.

La disette, toujours

La guerre stoppe le bel élan. À nouveau, le Jura se contente de regarder passer le Tour, jusqu’en 1963. Déboulant de Chamonix, le peloton arrive à Lons-le-Saunier où l’allemand Frans Brandt passe en tête. Le lendemain, départ d’Arbois pour Besançon où le triomphe de Jacques Anquetil reste dans les mémoires.

La Grande boucle revient dès l’année suivante dans une ville de Champagnole en plein essor. Le peloton s’élance de la Perle du Jura pour Thonon où file en tête le hollandais Jan Janssen. C’est l’époque où la télévision démultiplie la popularité de l’épreuve et où apparaissent les fameux maillots à damiers de l’équipe Peugeot. Suivent encore des années de disette, à l’exception de 1992 pour un Dole / Saint-Gervais.

Un XXIe siècle jurassien ?

Le XXIe siècle serait-il plus favorable au Jura ? C’est possible.

En 2004, l’espagnol Juan Miguel Mercado passe en premier la ligne d’arrivée sur le parcours Annemasse / Lons-le-Saunier. En 2007, arrivant de Tournus, Sylvain Chavanel décoiffe Les Rousses. En 2016, les coureurs partent de Moirans-en-Montagne pour Berne. Enfin, le 8 juillet 2017, le Jura touche au Graal : une étape 100 % jurassienne de Dole à la station des Rousses…

Lilian Calmejane fuse et l’emporte de belle manière. On en garde des images fortes, comme la montée de la rue de la Poyat à Saint-Claude.

Côté cyclistes, les Jurassiens sont plutôt rares sur les routes de la Grande boucle. Natif de Conliège en 1903, Charles Roux se classe 34e en 1925 et 126e en 1928.

Arrivé d’Italie, installé à Lons-le-Saunier, Adolphe Deledda brille par deux fois et remporte deux victoires en 1949 (Saint-Malo – Les Sables-d’Olonne) et en 1951 – Rien de moins que la dernière étape entre Dijon et Paris ! Retiré du vélo, il demeure une figure de la ville dans son bar de la rue Lecourbe. Plus près de nous, personne n’oublie, et n’oubliera, la formidable victoire d’Alexis Vuillermoz à Mûr-de-Bretagne en 2015.

Pour Alexis Vuillermoz, l’histoire continue, comme celle du Tour de France.

 

« Allez Cidermex ! »

Le Tour de France, c’est à peu près autant de petites histoires que de tours de roue pendant la course. En voici une narrée par le docteur Jean Perrodin, médecin dans la glorieuse cité de Bletterans.

Le médecin raconte : « C’est une dame de Bresse qui vient me voir le jour où le Tour de France passait à Bletterans (…) Elle me dit : « Au fait, docteur, j’aimerais bien que vous me marquiez cette pommade qui était si bien », mais elle ne se souvenait plus du nom. Je lui en cite deux ou trois comme cela, mais cela ne lui dit rien. Et tout d’un coup, elle s’écrie : « cela y est, j’y suis ! C’est de l’eddymerckx ! ».

À cette époque, il y avait une pommade miracle qui s’appelait Cidermex ! Là non plus, je ne l’ai pas détrompée, mais bon, j’ai quand même écrit Cidermex sur l’ordonnance !

La consultation était terminée et nous voilà partis voir le Tour de France, côte à côte, presque bras dessus, bras dessous ! Le peloton était bien groupé. Dans les étapes de sortie des Alpes, ils sont tous ensemble, et le maillot jaune au milieu.

Et tout le monde cherche à voir le maillot jaune, mais cela va tellement vite qu’on ne voit pas grand-chose !

À un moment, on voit un truc jaune qui passe et je lui fais : « regardez, c’est Cidermex ! », mais elle n’a pas réagi. »

 

L’histoire est citée dans l’ouvrage de Jean Perrodin et Françoise Desbiez « Histoires d’un médecin jurassien » paru aux Presses du Belvédère en 2009.