Y aura t-il de l’électricité pour Noël ? Rien n’est moins sûr selon Jean-Michel Charnu, président de la chambre de Métiers du Jura. Au sortir de la préfecture du Jura, l’élu se dit circonspect sur les capacités d’alimenter toutes les entreprises de France et de Navarre. Heureux seront donc ceux qui seront sereins cet hiver, encore plus heureux seront ceux qui ne seront pas ruinés par cette sérénité.
Ô énergies, ô désespoir…
Selon lui, la guerre en Ukraine a frappé « de plein fouet les artisans jurassiens » du fait de la flambée des carburants. Le secteur des transports a particulièrement souffert, et ce n’est pas lui, artisan taxi, qui dira le contraire. Mais d’autres secteurs, auxquels on ne pense pas ou moins, ont eux aussi payé les pots cassés, du fait de leurs consommations énergétiques : « les métiers de bouche (boulangers-pâtissiers, bouchers, brasseurs, etc.), les entreprises de fabrication (potiers, verriers, etc.), le BTP, ou encore les services (carrossiers, etc.) ». Avec un coup de massue supplémentaire, pour tous ceux qui ont dû souscrire depuis février un nouveau contrat à l’issue de sa validité (en général trois ans).
Les intrants ne rentrent plus
Autre cheval de bataille des artisans jurassiens : le coût des matières premières. Selon un bilan territorial réalisé dans la zone Jura sud, les chefs d’entreprises ont relevé des hausses assez faramineuses ces derniers mois : +30% pour le boeuf, + 40% pour la volaille, + 35% pour les emballages mais + 300% pour les sacs plastiques ou biodégradables, + 40% pour le blé et les céréales, + 30% pour les granulés bois, + 40% pour la ouate (sopalin, papier toilette), etc. Sans oublier +300% pour les carburants au sens large (englobant le gazole non routier, GNR). Selon le Président Charnu, impossible de répercuter du jour au lendemain ces hausses brutales : en attendant « les entreprises prennent dans leurs fonds propres ». Celles qui existent depuis au moins 20 ans s’en sortiront, mais pour celles qui viennent de se créer ou qui étaient déjà fragiles… ». L’autre préoccupation majeure des chefs d’entreprise tient dans la disponibilité de leurs matières premières. Et Jean-Michel Charnu de citer l’exemple « du parking d’une grande surface jurassienne qui n’a pas pu être terminé dans les délais, car il n’y avait plus de bitume disponible en France. Il a fallu en faire venir d’Italie ! Ou des panneaux photovoltaïques ne pouvant être mis en service car il faut 4 mois pour livrer les onduleurs ». Pour les fêtes de Noël, les charcutiers-traiteurs ont sorti leurs cartes de mets avec près d’un mois de retard, car « comment mettre par exemple du foie gras à la carte, si on n’est pas sûr de pouvoir en obtenir ? ».
Pris en otages par leur personnel
Pour couronner le tout, les chefs de petites ou moyennes entreprises se disent totalement démunis face à la pénurie de main d’œuvre. « Je connais des salons de coiffure qui tournent bien, mais qui vont être obligés de fermer une journée par semaine faute d’employés ». La pression sur les salaires s’est accrue : selon lui, un rattrapage était nécessaire dans certains secteurs, mais désormais la machine semble difficile à contrôler, et le turn over engendré par le chaos ambiant ne favorise guère la productivité…
Stéphane Hovaere
Que faire ?
Déjà ne pas baisser les bras : la Chambre de métiers s’attend à un premier semestre 2023 « très difficile, avec une hausse des procédures collectives », mais espère du mieux pour le second semestre et pour l’année 2024. Encore faut-il tenir jusque là… C’est pourquoi elle a mis en place une plateforme d’écoute. « N’hésitez pas à y recourir et à taper à notre porte en toute confidentialité. N’attendez pas qu’il soit trop tard ! » lance Jean-Michel Charnu. La chambre de métiers peut aussi faire le relais avec l’APESA (Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë), de plus en plus sollicitée. Objectif : éviter le pire, comme des fermetures d’entreprises du jour au lendemain, voire des suicides ou tentatives de…