Avec ses 36 tunnels et ses 18 viaducs, c’est l’une des plus belles lignes ferroviaires du pays. Permettant de relier le Jura du nord au sud en 2h30 environ, la ligne des Hirondelles peut être empruntée avec un billet SNCF (librement) ou en excursions organisées. L’opportunité rêvée de découvrir une diversité de paysages, allant des plaines jurassiennes aux montagnes du Haut-Jura.
56 ans pour relier Dole à Saint-Claude
Au milieu du XIXe siècle, des voix s’élevèrent dans le Haut-Jura pour désenclaver ce territoire, par la construction d’un chemin de fer. Il aura fallu attendre 56 ans, et près de 7000 ouvriers (surtout des Italiens et des Auvergnats), pour que Dole soit reliée en train à Saint-Claude. Cette ligne eut un rôle déterminant dans l’exportation de productions d’industries jurassiennes au cours du XXe siècle, à l’image de la lunetterie de Morez.
La ligne est aujourd’hui encore largement empruntée pour des déplacements du quotidien.
35000 à 50000 voyageurs en 20 ans
En 2003, des bénévoles de Dole créèrent des formules touristiques sur la ligne des Hirondelles. En 20 ans, entre 35000 et 50000 voyageurs touristiques ont été transportés sur cette ligne.
À ce succès, il faut ajouter les nombreuses couvertures médiatiques nationales et internationales. En bref, les offices de tourisme concernés estiment qu’en 20 ans, il y a eu « plus de 2 à 3 millions d’euros de retombées directes et induites […] pour les professionnels des territoires (transport, restaurants, visites des sites, commerces). » Un chiffre probablement sous-estimé !
Il existe 7 excursions tout compris, comprenant le déplacement en train, la restauration, des visites, etc. Des formules existent pour les quatre saisons, même en hiver (avec notamment une formule raquettes). Bref, il n’y a qu’à se laisser porter !
Dole, La Vieille-Loye, Arc-et-Senans…
Entre Dole et Saint-Claude : 11 arrêts. Montbarrey, Arc-et-Senans, Mouchard, Andelot, Champagnole, Paul-Emile-Victor, La-Chaux-des-Crotenay, La Chaumusse-Fort-du-Plasne, Saint-Laurent, Morbier, Morez.
Ancienne capitale de la Franche-Comté avant que Louis XIV ne la transfère à Besançon, Dole mérite vraiment le coup d’œil ! Avec sa collégiale, son Hôtel-Dieu et ses petites rues, nous ne répéterons jamais assez que Dole est un incontournable à visiter dans la région.
Rapidement après avoir quitté la ville la plus peuplée du Jura, le train entre dans la forêt de Chaux, deuxième plus vaste forêt de feuillus de France. Les guides évoquent alors l’histoire de La Vieille-Loye, seule clairière habitée de cette forêt. Un village qui se constitua à la suite de la découverte de sable siliceux, ce qui permettait la production de verre. D’ailleurs, la célèbre bouteille de clavelin pour le vin jaune fut précisément inventée à La Vieille-Loye. Aujourd’hui, les Baraques du 14 attirent de plus en plus de curieux.
À peine le temps de clore le chapitre sur la forêt qu’apparaît la Saline royale d’Arc-et-Senans, ancienne manufacture royale du XVIIIe siècle, œuvre de Claude Nicolas Ledoux. En réalité, depuis la ligne empruntée, il est difficile de bien voir le site – contrairement à la ligne Belfort-Lyon.
Frustration vers Arbois
Après avoir quitté la seule gare dans le département du Doubs de la ligne des Hirondelles, nous passons au-dessus de la Loue. L’occasion pour les guides d’évoquer une anecdote bien connue : celle de l’incendie de l’usine Pernot le 11 août 1901, qui permit de démontrer que la Loue est une résurgence du Doubs… avec de l’absinthe.
Nous gagnons ensuite le premier ouvrage d’art : le viaduc de Montigny, à 400 kilomètres de Paris. Bientôt, Arbois, la ville de Louis Pasteur, apparaît avec ses vignes. Et là… c’est la frustration ! Le guide nous indique qu’après le tunnel, nous aurons une superbe vue. On se prépare. Et en deux secondes, on a juste eu le temps de voir que la vue est incroyable… qu’elle était déjà passée. Nous n’avons même pas eu le temps de faire une petite photo…
La végétation empêche de vivre totalement l’expérience. Beaucoup d’élus ont effectivement signalé la nécessité d’en retirer. « Quelquefois, la végétation empêche de s’emparer de ces paysages. Il faut qu’on puisse redonner des points de vue », résume parfaitement Patrick Ayache, vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté (BFC) en charge du tourisme et président du comité régional du tourisme de BFC.
Alors, les guides tentent ensuite de nous faire saliver avec les fromages et vins régionaux – mais une petite amertume demeurait. S’ensuivent quelques informations pour parfaire notre culture comtoise : pourquoi le nom de fruitière ? « Tout simplement parce que le lait est le fruit du paysan », explique un guide.
Juste le temps d’un petit cours de géologie et nous voilà à Champagnole, la Perle du Jura. Un peu plus loin, la villa palladienne de Syam, construite au XIXe siècle, rappelle l’existence des forges.
De Morbier à Morez : voler avec les hirondelles
Le train est aussi synonyme de petits moments de vies volées, comme cet homme avec ses bottes pêchant vers Chaux-des-Crotenay, alors qu’un camion chargé de grumes passait à côté de lui. Des existences que l’on imagine l’instant d’une seconde. Des inconnus qui le resteront, mais dont notre imagination finira par leur donner une identité.
Environ 2 heures après notre départ, nous arrivons en gare de Morbier, ville célèbre pour son fromage. On se prépare alors à vivre la partie la plus intéressante de la ligne, puisque la section la plus belle se trouve assurément entre Morbier et Morez. Le train avance et nous survolons les arbres. Un patrimoine naturel visible en voiture, mais bien plus impressionnant à bord de ce train. L’obscurité des tunnels, suivie de la beauté naturelle du Haut-Jura.
À Morez, on s’arrêterait bien visiter le musée de la Lunette, mais voilà que le train repart en direction de Saint-Claude.
Saint-Claude : des pipes et des diamants
Depuis toujours, j’entends que Saint-Claude est loin d’être une destination de rêve, à tel point que je n’y avais jamais mis les pieds. Et pourtant…
Dans cette ville, possibilité de visiter le musée de l’abbaye, avec une partie archéologie dans les sous-sols et une très belle collection d’œuvres d’art moderne et contemporain. Ne manquez pas non plus la cathédrale Saint-Pierre-Saint-Paul-et-Saint-André, à proximité immédiate du musée de la pipe et du diamant. Si vous faites la ligne des Hirondelles librement et si le temps vous le permet, n’hésitez pas aussi à partir randonner dans les alentours.
Pourquoi les hirondelles ?
Lorsque les habitants de Morez voyaient les ouvriers travailler à la construction des viaducs de cette ligne ferroviaire, ils avaient l’impression de les voir tutoyer les hirondelles. C’est du moins ce que dit la légende…
De plus en plus de touristes…
La grande région accueille de plus en plus de touristes. Patrick Ayache nous le confirme ; « Notre objectif, c’était de retrouver en 2021, après covid, les chiffres de 2019 ; et on aurait été bien content de les retrouver. Mais en fait, on est largement au-dessus. C’est le résultat d’un travail et d’un engouement aussi. […] Dans le Jura, il y a des touristes étrangers en nombre important. Les étrangers dans les montagnes du Jura représentent 46% de la fréquentation en 2022. […] Il existe une forte appétence aujourd’hui pour un tourisme de nature et aussi un tourisme authentique, original ».
En parallèle, Gérôme Fassenet, président du comité départemental du tourisme du Jura, confie que « le Jura est le premier département de BFC en matière de fréquentation touristique (en termes de lits) ».
« Redonner des points de vue »
Pour Isabelle Heurtier, présidente de la Communauté de communes Haut-Jura Saint-Claude, la ligne des Hirondelles est « un produit phare, insolite, réputé. […] C’est un très beau produit publicitaire qui valorise notre territoire », tout en étant un moyen responsable de découvrir le Jura. Par conséquent, il « est essentiel de préserver cette ligne ».
De son côté, Patrick Ayache ajoute : « Il y a bien une question sur l’avenir de cette ligne. Personne ne nie le caractère incontournable de cette ligne », après avoir indiqué : « On soutient évidemment très largement ce type d’initiatives, avec la particularité qu’on est là sur une ligne régulière. Ce ne sont pas des petits trains touristiques, ce sont des TER de la région, qui empruntent le réseau SNCF. Donc, on est à la fois sur un circuit touristique, avec des enjeux touristiques, mais en même temps, sur une ligne où il y a des enjeux de mobilité domicile-travail qui sont tout aussi importants. »
Les différents acteurs ayant conscience des difficultés, la région devenant de plus en plus touristique et la ligne des Hirondelles étant un beau résumé du Jura (lire édito), nous avons bon espoir d’en fêter les 30 ans !