Ils seront jugés sept ans après les faits

L’audience devait durer deux jours. Dix prévenus étaient convoqués à 8 h 30 pour s’expliquer dans une affaire de stupéfiants. A l’heure dite, seuls trois individus étaient présents et un avocat. Autant dire que le renvoi de l’affaire ne faisait pas un pli…

0
541

Les conseils ont jugé qu’ils n’avaient pas été avisés suffisamment en amont (NDLR le 15 décembre 2022 pour le 31 janvier 2023). Un avocat a contesté l’ordonnance devant la chambre d’instruction, qui n’a pas encore statué.
Sans évoquer le fond, les juges réunis en formation collégiale ont statué sur les mesures de sûreté mises en place pour les dix prévenus dans une affaire de stupéfiants. Dans la plupart des cas : obligation de pointage au commissariat ou à la gendarmerie jusqu’à deux fois par semaine pour l’un, plus souvent une fois par semaine ou une fois par mois, interdiction de sortir du territoire, obligation de soins, interdiction de rencontrer les autres prévenus… La plupart ont déjà effectué jusqu’à un an et demi de prison pour les faits qui leur sont reprochés.

Le « Lédonien de service »

Le « Lédonien de service », le seul habitant du département dans cette affaire, travaille, doit se marier cet été. « Ancien gros consommateur de cannabis », il « souhaite montrer qu’il est sorti de ce dossier ancien ». En effet, l’affaire toujours pas jugée date de 2016. Son conseil, Me Gonin, demande que les mesures de sûreté soient simplifiées car son client a scrupuleusement respecté ses obligations. « Il encourt vingt ans de prison, réagit le ministère public. Je ne vois aucune raison d’alléger ses mesures de sûreté. » « L’intérêt n’est pas de l’emprisonner pendant vingt ans, il a purgé sa peine (NDLR en préventive), il doit mener sa vie, il est approprié que son contrôle judiciaire soit allégé, répond l’avocat. Cela allégera aussi le travail au commissariat. Il ira au Maroc pour se marier, pas pour ramener des stupéfiants. »
Le deuxième prévenu n’est « pas contre un allègement de son obligation de pointage ». Il doit signer deux fois par semaine. « Vous n’avez jamais consommé de drogue mais vous en avez vendu énormément », rappelle le ministère public. Le procureur répète qu’il a été condamné à huit ans de prison dans sa dernière affaire à Lyon. Il demande le maintien de ses obligations. « Cela ne me dérange pas d’attendre trente minutes à la gendarmerie deux fois par semaine pour une signature », répond posément le prévenu.
Le troisième individu a également un casier chargé, mais aussi un très beau discours. « Ce que nous avons fait est une perte de temps pour nous, pour vous, je sais que nous avons fait du mal aux citoyens. » Plein d’émotions, il s’inquiète d’aller en prison. « Ne pas voir ma fille grandir me fait mal au cœur. J’ai très peur de ne pas voir mon fils naître. » La présidente le coupe : « Comme on ne va pas vous juger aujourd’hui, vous verrez votre fils naitre ». Autre ombre au tableau, la magistrate rappelle qu’il s’est évadé de prison. « J’ai vu la porte ouverte et je suis parti. » Le ministère public félicite le prévenu pour son « discours de repentance ». « Il m’a semblé voir quelques accents de sincérité. Pour autant, je trouve que le mot évasion apparaît trop souvent dans votre carrière de délinquant. »
« Je suis très conscient de ce que j’ai fait et je vais assumer complètement », conclut le prévenu.

Des efforts « récompensés »

Les sept autres convoqués sont absents. Beaucoup ont des enfants, trouvé du travail, essaient de changer même si certains ne respectent pas leurs obligations, voire ont de nouveau été emprisonnés. Pour deux d’entre eux, le tribunal ne sait pas ce qu’ils sont devenus. « Pour les prévenus qui ne nous ont pas fait grâce de leur présence et de venir donner des explications sur leur situation », le procureur requiert le maintien des mesures de sûreté.
Il sera entendu par le tribunal. Les efforts des trois présents sont « récompensés ». IIs ne doivent toujours pas entrer en contact. Pour le premier, lui reste aussi l’obligation de se soigner ; pour le troisième, l’interdiction de venir dans le Jura. L’affaire sera jugée début juillet. A Me Gonin qui transmettait les contraintes de ses confrères, la juge a coupé : « Des avocats hors département ont pris l’habitude de nous envoyer leurs plannings. Il est de l’intérêt des prévenus que cette affaire soit jugée. On se dit que les 4 et 5 juillet sont le moins embarrassant pour les conseils ». Deux heures plus tard, chacun s’en est retourné vaquer à ses occupations.