Chauffage au bois : quel impact sur la qualité de l’air ?

45% des émissions de particules fines (PM2,5), dans l'atmosphère proviennent du secteur résidentiel en Bourgogne-Franche-Comté. En automne et en hiver, cette proportion peut augmenter localement de manière significative.

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De quel bois je me chauffe ?

Avec des températures extérieures (enfin) redescendues, le chauffage fait son grand retour. Parmi les nombreuses possibilités d’installations, le bois est une ressource énergétique qui présente de nombreux avantages du point de vue technique comme économique et aujourd’hui, environ 7 millions de ménages se chauffent au bois en France, soit près de 1 ménage sur 4.
Cependant, l’utilisation du bois pour le chauffage est à l’origine d’émissions polluantes dans l’air ambiant et peut contribuer, dans certaines zones (notamment celles de reliefs comme la notre), aux épisodes de pollution atmosphérique. Pour limiter cet impact, il existe des bonnes pratiques simples et efficaces pour maîtriser la combustion de bois de son installation.

Qu’est-ce qu’une combustion ?

Le phénomène du feu est généralement représenté par ce que l’on nomme le « triangle du feu », dont les 3 côtés symbolisent les 3 éléments indispensables pour déclencher une combustion. Il y a d’abord le combustible (charbon, bois, papier, essence, gazole, butane, propane, huile de cuisson, …), puis le comburant (oxygène de l’air) et enfin, l’énergie d’activation (chaleur, flamme, étincelle).

Les éléments chimiques

Une combustion est une transformation chimique au cours de laquelle une substance brûle. Cette transformation est entretenue par un mécanisme entre le combustible et le comburant. Dans le cas de la combustion du bois, matière organique, les atomes de carbone (C) se combinent avec les atomes d’oxygène (O), dans une réaction qui libère de l’énergie sous forme de chaleur et de lumière (flammes).
Si la combustion est « complète », la totalité du combustible est consommée et la quantité d’énergie produite est maximale. Ainsi, une combustion de bois réalisée dans les meilleures conditions dégage de la vapeur d’eau (H2O) et du dioxyde de carbone (CO2). Une combustion complète dégage beaucoup d’énergie et produit donc une flamme très chaude : elle est bleue (exemple de la cuisson au gaz).
Si la combustion est « incomplète », par exemple si l’apport en oxygène est insuffisant, d’autres produits de la combustion se forment : des imbrûlés (suies), des Composés Organiques Volatils (COV), du monoxyde de carbone (CO)…
Une combustion incomplète dégage moins d’énergie et la flamme qu’elle produit est donc moins chaude : elle est jaune (exemple du chauffage au bois).
La disparition de l’un de ces éléments, combustible ou comburant, entraîne l’extinction du feu.
Dans le cadre du chauffage domestique, les mauvaises conditions de combustion (cas de la combustion « incomplète ») sont surtout le fait de températures insuffisamment élevées et de gaz produits ne séjournant pas assez longtemps dans le foyer.

Quels produits se dégagent de la combustion du bois ?

Dans des conditions optimales, la combustion du bois rejette uniquement du dioxyde de carbone (CO2) ainsi que de la vapeur d’eau (H2O). Or les polluants de l’air issus de la combustion du bois changent en fonction du rendement de l’appareil et de la qualité de la combustion. En outre, le chauffage au bois domestique réalisé peut être à l’origine d’émissions de gaz et de résidus solides :
– Particules fines (en moyenne, près de 30% des émissions de PM10 et 45% de PM2,5 imputées au secteur résidentiel en Bourgogne-Franche-Comté en 2020) de différentes origines : particules de cendres issues du foyer, de poussières de bois non brûlées ou encore de charbon et entraînées par les fumées ; particules directement émises lors de la pyrolyse du bois : sels (KCl, NaCl, K2SO4), oxydes métalliques, suies, hydrocarbures lourds condensés, goudrons…
– Oxydes d’azote (près de 5% des émissions de NOx dans l’air ambiant attribuées au secteur résidentiel), en lien avec l’oxydation de l’azote naturellement présent dans l’air.
– Composés Organiques Volatils (près de 48% des émissions dues au secteur résidentiel), à savoir des hydrocarbures formés durant les étapes d’oxydation du carbone, dont le Benzène.
Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP), formés durant le cycle d’oxydation du carbone en CO2.
Dioxyde de soufre (SO2) (34% des émissions attribuables au secteur résidentiel), provenant de l’oxydation du soufre du bois. Cependant la teneur en soufre dans le bois est assez faible et la majorité du soufre reste dans les cendres, notamment sous forme de sulfate de potassium (K2SO4).
Monoxyde de carbone (CO), formé lors de l’oxydation du carbone qui constitue le bois, et d’autant problématique pour la qualité de l’air intérieur.
Acide chlorhydrique (HCl), la teneur en chlore (Cl) du bois étant très faible, la majeure partie des résidus de chlore se retrouvent dans les cendres (sous forme de chlorure de sodium (NaCl) ou de chlorure de potassium (KCl).
A certaines périodes de l’année et dans certaines zones peu ventilées, ces émissions de polluants peuvent contribuer significativement aux épisodes de pollution atmosphérique.

 

Le bois, une énergie vraiment renouvelable ?

La combustion du bois est peu émettrice de dioxyde de carbone (CO2), principal gaz à effet de serre. Avec l’hypothèse que le carbone émis à la combustion est compensé par du CO2 capté lors de la croissance des arbres, la combustion du bois émet 11 fois moins de CO2 que celle du fioul, 5 fois moins que celle du gaz et 4 fois moins que l’électricité
(source : « Bilan environnemental du chauffage domestique au bois », BioIS, 2005).

Les spécificités techniques de l’installation sont déterminantes…

Toutes les installations de chauffage au bois ne se valent pas. Leurs performances énergétiques diffèrent selon le type d’appareil. Les appareils récents émettent beaucoup moins de polluants, notamment de particules fines. En outre, remplacer un vieil appareil de chauffage au bois peut permettre d’améliorer le confort, consommer moins de combustible et diminuer les émissions de polluants dans l’air.
Les poêles à bûches (acier ou fonte) ont un rendement assez élevé à régime normal (70 à 85 %), plus faible au ralenti. Leur autonomie est de quelques heures et leur inertie thermique est relativement limitée.
Les poêles à granulés (acier ou fonte) ont un meilleur rendement (supérieur à 85 %). Leur autonomie est de 12 à 72 heures grâce à l’alimentation automatique en granulés.
Les poêles de masse ou à accumulation (fonte et matériaux réfractaires) ont des rendements de 80 à 90% ainsi qu’une bonne autonomie et bénéficient d’une inertie thermique importante.

Cheminée ouverte : à éviter !

Le rendement d’une cheminée ouverte est en moyenne de 15 %, cela signifie que quand une bûche brûle dans une cheminée ouverte, 85 % de l’énergie qu’elle fournit part dans les fumées. La combustion du bois est très peu efficace dans ce type d’installation, et génère des émissions importantes de polluants qui contribuent à la pollution de l’air extérieur.
Le dimensionnement, l’emplacement et le raccordement de l’appareil sont également à considérer. Les appareils cités ci-dessus sont conçus pour fonctionner à puissance maximale. Un appareil sous-dimensionné ne procurera pas le confort thermique attendu et s’usera plus facilement compte-tenu d’une utilisation à plein régime, tandis qu’un appareil surdimensionné, fonctionnant plus souvent au ralenti, générera davantage de pollution et se corrodera plus rapidement.

Les bons gestes

– Isoler son logement pour réduire ses besoins en chauffage
– Éviter les cheminées à foyer ouvert, préférer un insert ou un poêle à bois labellisé « Flamme Verte »
– Ne pas surcharger son appareil (outre les risques d’incendie, la combustion sera incomplète et une importante fumée sera émise)
– Régler le tirage pour obtenir la meilleure combustion possible (la vitre ne doit pas s’encrasser). Ouvrir toutes les entrées d’air à l’allumage ou lors du rechargement, réduire les entrées d’air quand le feu a bien pris, sans jamais les fermer complètement.
– Nettoyer l’appareil et vider le cendrier fréquemment
– Faire entretenir régulièrement l’installation et ramoner le conduit de fumée au moins 2 fois par an par un professionnel (selon l’ADEME, 1mm de suie dans le conduit de fumée, c’est 10% de consommation de bois en plus)

…comme la qualité du combustible !

Le chauffage au bois a ses revers si la combustion n’est pas bonne : consommation plus importante de bois, fortes émissions de polluants, diminution du confort… Pour éviter cela, posséder un appareil moderne et performant n’est pas la seule condition à respecter : le combustible utilisé ou la gestion du feu ont leur importance. L’utilisation d’un combustible bien sec, de qualité et sans produits chimiques permet d’obtenir un bon rendement de l’appareil tout en limitant les émissions polluantes.

Comment choisir le bon combustible ?

Choisir un bois sec (le bois humide brûle moins bien et dégage beaucoup de fumée), le taux d’humidité ne doit pas dépasser 20 % pour les bûches, 30% pour les plaquettes et 10% pour les granulés et les briquettes.
Choisir un bois dont l’essence est adaptée au chauffage (privilégier les bois de feuillus durs : chêne, hêtre, charme… les bois tendres de bouleau ou de peuplier sont plutôt à utiliser à l’allumage, les résineux se consument trop vite et encrassent les conduits).
Utiliser des bûches de la longueur préconisée par le fabricant (surtout pas plus longues).
Quand cela est possible, choisir un bois certifié (« NF Bois de chauffage », «NF Granulés biocombustibles », « NF Granulés biocombustibles – Agro haute performance », «Din plus » ou « EN plus »…)
Les combustibles bois porteurs de mentions PEFC et FSC proviennent en outre de forêts gérées durablement.

L’allumage par le haut, une technique vertueuse

Les phases de combustion les plus émettrices de polluants sont l’allumage et, dans une moindre mesure, la fin de la combustion (appelée « régime de braises »), d’après l’étude Peren2bois, associant de nombreux partenaires scientifiques dont l’INERIS et l’ADEME.

La plupart du temps, l’allumage du feu est effectué du bas vers le haut : le feu est mis à du papier journal placé sous une pyramide d’éléments organisée avec les plus petits en bas et les plus gros en haut. Les petits éléments enflamment les moyens qui enflamment à leur tour les plus gros. En outre, cette technique produit surtout de la fumée dans les premières minutes après l’allumage, ce qui entrave la montée en température du foyer, condition sine qua non pour que la combustion se déroule bien.

La technique d’allumage par le haut, ou allumage inversé, permettrait une réduction de 30 à 50% des émissions polluantes sur un cycle complet. Simple à mettre en œuvre, elle consiste à mettre les bûches de bois en bas et le bois d’allumage en haut, avec un allume-feu. La combustion se fait alors progressivement du haut vers le bas et le foyer atteint rapidement une température idéale. Les gaz générés par la combustion se retrouvent pris dans les flammes et servent de combustibles à leur tour.

Cette technique convient parfaitement au poêle à bois et à la cheminée à bois, qui sont toujours équipés d’un système d’évacuation des gaz résiduels par le haut. De cette façon, les gaz générés par la combustion sont étouffés dans les flammes et finissent à leur tour en combustibles. Certes un peu plus long que l’allumage classique, ce type d’allumage est moins polluant que la méthode traditionnelle, mais également plus efficace énergétiquement, donc plus économique. Par ailleurs, étant donné que pas ou peu de petits combustibles (papier journal) sont utilisés, la production de cendre est réduite et l’encrassement de l’appareil est limité.

Une vitre qui s’encrasse vite, des braises importantes, des parois qui goudronnent, tous ces signes indiquent une mauvaise combustion et une pollution élevée. Une vitre propre, une cendre grise très fine et en faible quantité témoignent d’une combustion parfaite et peu émissive.

La bonne méthode :

– Garder un lit de cendres des restes du feu précédent
– Ouvrir toutes les arrivées d’air de l’appareil
– Empiler les bûches en mettant les plus gros diamètres en bas, les plus petits en haut et en les croisant
– Ne pas surcharger le foyer et espacer les bûches pour que l’air circule
– Poser un cube d’allumage sur le dessus
– Allumer le cube et fermer la porte du foyer
– Utiliser des bûches de bois sèches (avec un taux d’humidité inférieur à 15 %).
Et (normalement), c’est parti !

(*source : ADEME – Colloque R&D Chauffage domestique au bois Édition 2023)