Rubrique. Grands Mots Grands Remèdes : A poil

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Gérard Bouvier
Docteur Gérard Bouvier

Edgar Faure, maire de Port-Lesney, puis député du Jura avant de devenir Président du Conseil des ministres dans les années 50 avait un cheveu sur la langue, métaphore poilue pour dire qu’il zozotait. Il était très méticuleux, jusqu’à couper les cheveux en quatre. Mais c’était un travailleur. Il n’a jamais dit : « Je préfère avoir un cheveu sur la langue qu’un poil dans la main ». Mais il aurait pu le dire si ses multiples mandats lui en avaient laissé le temps.(1)

Il dirigea notre Assemblée nationale pendant cinq ans avec un talent malicieux. Il en fallait devant cette assemblée, où si souvent l’on se crêpe le chignon (2), où l’on s’invective à rebrousse-poil, où rarement l’on se caresse dans le sens du poil.

Aujourd’hui je m’intéresse au poil et à quelques-unes de nos expressions souvent tirées par les cheveux (3). C’est que le cheveu jadis cantonné à tomber dans la soupe au plus mauvais moment, devient omniprésent dans notre culture moderne. Difficile d’échapper aux heures du repas aux publicités où la chevelure s’ébroue en larges volutes de colorations successives. Ne cherchez pas, c’est parce que vous le valez bien.

Le poil n’est pas seulement un filament de kératine rivé longtemps à son bulbe. C’est un marqueur de société.

Depuis Samson l’importance du poil ne s’est jamais démentie. Il tenait sa force de ses longues mèches et quand Dalila le trahit et les coupe sa vengeance est terrible et sous son étreinte les colonnes du temple s’écroulent pile-poil sur la foule (4).

Dans l’Histoire, le poil a été symbole de pouvoir chez le mérovingiens, symbole de rébellion chez les hippies. Pendant la Révolution et à la Libération on a tondu pour humilier et châtier.

Le poil par sa présence est un artifice de beauté, de séduction et d’identité.
Et par son absence on peut ajouter d’un ton sûr qu’il est signe de calvitie.

Notes pouvant être utiles pour la lisibilité de ce texte

(1)- Edgar Faure fut à 21 ans le plus jeune avocat de France c’est dire que s’il avait un cheveu sur la langue, il n’avait pas sa langue dans sa poche. On lui doit de nombreuses citations qui égayèrent la vie politique pendant trois décennies. On cite toujours : « Ça n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ». Mais on lui en doit bien d’autres : « Oui, le peuple français est le plus intelligent de la terre. Voilà pourquoi, sans doute, il ne réfléchit pas ». Ou encore : « Ceux qui parlent derrière moi, mon cul les contemple ». Il était du parti radical !

Voilà des pensées qui méritent bien son passage sur le fauteuil N° 18 à l’Académie Française et aussi que plusieurs lycées et collèges comtois portent son nom.

(2)- Brassens dans sa chanson Hécatombe nous met sur la voie de ce que peut être un crépage de chignon :

“Au marché de Brive-la-Gaillarde
À propos de bottes d’oignons,
Quelques douzaines de gaillardes
Se crêpaient un jour le chignon.”

Au XIIème siècle le chäegnon, de catena la chaine, désignait la nuque. La nuque du cou comme préfèrent dire les vieux comtois. Probablement parce que c’est là qu’on attachait les chaines des prisonniers.

Comme on appelait aussi tignon un paquet de cheveux relevés sur la nuque tout ça fit à l’usage un chignon très présentable.
Le crépage consistait à apprêter les cheveux avec un peigne en leur donnant du gonflant.

(3)- Tiré par les cheveux est une expression qui -à vrai dire- l’est bien tout autant elle-même ! Mais ne renonçons pas…

Certains linguistes pensent qu’il faut faire le lien avec un supplice ancien où l’on baladait les torturés attachés par les cheveux à la croupe d’un cheval dans le but sordide de leur faire avouer tout et son contraire pour en tirer profit. L’expression est datée de 1636.

(4)- L’histoire tragique de Samson et Dalila est un drame que raconte la Bible dans le Livre des Juges.

Au XIème siècle avant J.C. le peuple d’Israël est sous la domination des Philistins.
Un ange aborde une femme stérile et lui promet un enfant s’il est voué à Dieu et à la condition que le rasoir épargne sa tête.

On l’appela Samson. Il montre dès sa jeunesse une force extraordinaire qu’il dépense assez vite en divers massacres mémorables pour les survivants. Un jour il tue mille ennemis avec une mâchoire d’âne. Un autre jour il met le feu aux récoltes avec des torches attachées à la queue de 300 renards. Il y aurait pourtant mieux à faire me dit la Marie-Madeleine.

Il tombe amoureux de Dalila. Contre une grosse somme d’argent cette séductrice fatale vend le secret de la force de Samson. Ce qui lui donne tant de forces, ça n’est pas le Red Bull, c’est sa longue chevelure. Dalila la traitresse, le rasera pendant son sommeil. Dès lors, les Philistins tenaient Samson à leur merci. Ils lui crevèrent les yeux et l’humilièrent de différentes manières.

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Un jour que les Philistins s’amusaient en public de Samson en le faisant tourner en bourrique, il entra en prière.

Puis il prit son courage à deux mains et avec les deux autres saisissant de toutes ses forces deux colonnes du temple il les fit s’écrouler sur la foule. Il y eu des morts par milliers.
C’est la Marie-Madeleine qui détient la conclusion : ça leur fera les pieds dit-elle sans une once d’empathie.