Serais-je plus fragile que j’en ai l’air ? Il m’arrive de me poser la question quand je constate avec dépit que j’ai été berné, que l’on m’a fait prendre des vessies pour des lanternes, que je me suis fait rouler dans la farine ou qu’on m’a mené en bateau. C’est surtout prendre des vessies pour des lanternes qui est douloureux. L’expression remonte au XIIIème siècle et l’on disait : « vendre vecies por lanternes ».
C’était avant ce 22 octobre 1879, où Thomas Edison a réussi le premier test d’ampoule électrique dotée d’un filament incandescent autorisant désormais à jeter à fiche perdre les vessies à bougies désuètes et devenues sans fondement.
Être berné est décevant. Mais consolons-nous car en 1508 selon les éminents linguistes, berner signifiait se moquer d’un concitoyen selon un procédé très codifié. On faisait sauter le moqué sur une couverture tendue entre plusieurs moqueurs. Et l’on ignorait qu’on venait d’inventer le trampoline. Il y eut de nombreuses bosses, foulures et épistaxis -sans parler des culs par-dessus tête- et les berneurs et berneuses durent trouver d’autres techniques plus épurées pour leurs bernements. Et ces mots de 1660 tombèrent dans l’oubli où ils croupissent encore.
Rouler quelqu’un au sens de l’abuser date de 1834. On a ajouté dans la farine parce que les comédiens de l’époque s’enduisaient le visage de farine pour tromper impunément les spectateurs en se planquant derrière ce maquillage de fortune mais très bon marché.
Il arrive (souvent) qu’on nous mène en bateau. Ne nous plaignons pas car chez les slaves on est « mené par le nez » et je préfère les agréments de la marine que les tourments de la narine.
Mener quelqu’un en bateau nous vient de la stratégie maritime du XVIIème siècle qui consistait à diriger un navire dans une fausse direction pour mieux piéger la flotte adverse.
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