Il y a des randonnées qui laissent des traces longtemps après le retour. Celle qui part des Planches-près-Arbois en fait partie. Un itinéraire comme on les aime, où chaque pas semble dialoguer avec la nature, avec la mémoire des lieux, avec quelque chose de plus grand que soi. Dans cette vallée encaissée, à peine sortie du sommeil matinal, l’air a ce parfum frais des forêts jurassiennes, et les premières pierres du village annoncent une échappée authentique, loin du vacarme du monde.
Dès les premiers mètres, un grondement doux résonne à travers les feuillages. La cascade des Tufs est là, à peine cachée, dévoilant sa chevelure d’eau sur la roche claire. Elle s’offre au regard avec cette générosité sauvage qui fait immédiatement taire les bavardages. On la regarde comme on écouterait une confidence. Puis vient la source de la Cuisance, limpide, vivante, racontant à sa manière l’histoire millénaire d’une terre que l’eau n’a cessé de sculpter.
Le sentier s’enfonce ensuite dans l’épaisseur tranquille du sous-bois. Peu à peu, on grimpe, sans hâte, jusqu’au mont Dénon. À droite, un discret passage s’ouvre. Un petit promontoire caché par les arbres attend les curieux. Là, suspendu entre ciel et pierre, le cirque du Fer à Cheval se dévoile, tout en courbes puissantes et en silences profonds. C’est un moment simple, mais rare, de ceux où l’on se surprend à retenir son souffle, comme si la beauté exigeait le respect.
Le chemin continue, bordant les falaises, suivant la crête comme on suivrait un fil invisible. La vue se déploie, peu à peu, jusqu’à embrasser toute la reculée des Planches. On s’arrête souvent, non pas par fatigue, mais parce que le paysage impose la pause. À la croix de pierre, on lève les yeux vers l’horizon. Puis vient La Châtelaine, nichée là-haut, entre passé et solitude. Ses belvédères offrent chacun une lecture différente du relief : l’un rassurant et aménagé, l’autre plus brut, traversé par les ruines d’un ancien château que la nature a presque avalé.
Et puis la descente. Douce, rassurante, comme un retour au calme après l’émotion. Un pré, une combe, le chant d’un oiseau qu’on ne connaît pas. Le chemin rejoint une petite route qui mène à la roche du Feu, dernier perchoir, dernier souffle suspendu au-dessus des bois. On s’y arrête longtemps, les yeux ouverts, le cœur un peu agrandi.

Enfin, le GR59 ramène doucement vers le village. La lumière a changé, les muscles sont un peu tendus, mais l’esprit, lui, est léger. Cette randonnée, c’est plus qu’un itinéraire. C’est une parenthèse précieuse, un moment hors du temps, une conversation silencieuse avec la pierre, l’eau, et le ciel du Jura. Et à quelques virages seulement d’Arbois, c’est un luxe d’évasion à portée de chaussures.