Rubrique. Grands mots, grands remèdes : La paille et la poutre

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De tout temps, elle vilipendait ceux qui avait été pris les doigts dans le pot de confiture (1). Ils devaient à jamais être jetés loin de la vie politique sans espoir de retour… On sait aujourd’hui que ses mots dépassaient sa pensée puisque, s’agissant de son propre cas, la foudre, désormais, se doit de devenir miel (2). Dans les discours de nos politiques, il y a loin du pareil au même. Et le coq à l’âne nous égare bien plus que l’âne au logis.
La parabole de la paille et de la poutre a été prononcée par Jésus-Christ dans son sermon sur la montagne nous dit Saint Matthieu. C’est dans son sermon dans la plaine, nous dit Saint Luc. Dieu reconnaitra les siens.
« Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? » questionne la parabole.
La Fontaine s’étonne aussi : « Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous, Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes  On se voit d’un autre œil qu’on ne voit son prochain .» (3)
Cette erreur est universelle. On la retrouve sous des formes voisines chez nos voisins. Ainsi les arabes disent « le chameau ne voit pas sa bosse », les bulgares racontent que « le tesson se moque de l’ébréché », au Mexique on prétend que « l’âne se gausse des grandes oreilles ». En Hongrie, c’est « le hibou qui s’amuse de la grosse tête du moineau », alors qu’en Belgique, les Wallons assurent mordicus (4) que « les corbeaux crient noir cul à la pie. »
Mais laissons à la Marie-Madeleine le dernier mot : « Moi j’dis : celui qu’est tout dépenaillé et qu’on lui voit la raie des fesses ne devrait jamais se moquer des rapponses de son voisin » (5).
C’est bien vrai.

Notes pour un éclairage supplémentaire :

(1)- Être pris la main dans le pot de confiture comme être pris la main dans le sac sont des métaphores équivalentes qui expriment ce que le droit appelle plus crûment : le flagrant délit. L’expression n’est pas datée mais elle remonte à l’essor de nos comptoirs en Asie et en Amérique aux XVIème siècle. C’est à cette époque que l’on vit débarquer en Europe de nombreux fruits exotiques. Beaucoup suivirent la route de la Soie : l’orange de Chine, l’abricot du Moyen-Orient… Mais il y avait aussi l’ananas d’Amérique.
Le trajet était long. À peine arrivés, ils étaient déjà en putréfaction.
Ce sont les Hollandais qui eurent l’idée de confire ces fruits dans du sucre. Cuits dans du sirop de sucre de canne ou dans du miel on sauva ceux qui ressemblaient encore un peu à quelque chose. C’était pour une élite…
Mais les voyages se raccourcirent et Napoléon I -er encouragea l’extraction du sucre de betterave. Dès lors, la confiture se démocratisa au point que dans chaque démocratie nos politiques purent se faire prendre avec les doigts dans le pot de confiture.

(2)- Peut-être l’aurez-vous reconnue sans qu’il soit besoin d’un portrait-robot. Pour ceux qui hésiteraient voici un indice. C’est un vers de la chanson : Les Gars de la Marine : « Voilà les gars de la marine, Quand on est dans les cols bleus On n »a
jamais froid aux yeux… ».

(3)- Cette fable de 1668 est intitulée « La Besace » et La Fontaine termine ainsi :
…Le Fabricateur souverain,
Nous créa Besaciers tous de même manière…
Il fit pour nos défauts la poche de derrière
Et celle de devant pour les défauts d’autrui

(4)- Mordicus n’est pas un centurion romain satellisé, une fois de plus, par Obélix. C’est un adverbe latin qui a trouvé sa place dans notre langage familier depuis le XVIIème siècle. Il traduit l’obstination de celui qui a mordu à ne pas en démordre et à conserver sa proie. Il semble a priori que ce terme ad-hoc est entré in extremis dans le vade-mecum de la vox populi. On l’y retrouve désormais, stricto sensu, urbi et orbi (et vice-versa). D’abord persona non grata et soumis à un veto, il s’est imposé in fine intramuros, manu militari. Évoluera-t-on grosso modo et a minima vers un statu quo ou deviendra-t-il le nec plus ultra de nos forum ad vitam æternam ? Alea jacta est !

(5)- La rap(p)onse est au comtois ce que le rapiéçage est aux rattraits. C’est un régionalisme typique de notre terroir qui nous fait bien vite repérer ! Ainsi si votre biaude est grebie de rapponses n’espérer vous faire passer pour un breton !
Cette corde, récupérée Dieu sait où par son père… était si pleine de raponses qu’elle ressemblait à une véritable corde à nœuds. André Nicoulin, Le Dessus du Mont, 1979.
De re-, a-, pondre. Poser à nouveau les pièces côte à côte. Réassembler.