Jura. Le chef de cuisine a remplacé le chef de gare

Au long de la ligne des Hirondelles, les trains circulent et s'arrêtent toujours à La-Chaux-des-Crotenay. La gare qui était désaffectée a retrouvé des couleurs en se transformant en restaurant. On peut donc même y aller en train.

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Départ d’un train en gare de La-Chaux-des-Crotenay.
Béatrice Denis et Samuel Petit derrière l’ancien guichet de la gare.
Une relique : l’ancien composteur de la gare.
Une relique : l’ancien composteur de la gare.
Le restaurant accueille des touristes, des habitants des environs, des amoureux des trains, des anciens habitués de la gare du temps où ils venaient prendre la « Micheline ».

Les fromages fermiers du GAEC Valentin à Foncine-le-Haut.

L’amateur de trains est prêt à soulever des montagnes (de rails) pour  vivre des aventures, même près de chez lui. Aussi, quand la bonne nouvelle se répand de l’ouverture d’un restaurant dans la gare de La-Chaux-des-Crotenay, et que l’on peut y aller en train, autant dire que ça attise l’envie. L’endroit se situe à l’écart du village au lieu-dit Pont-de-la-Chaux, célèbre pour son carrefour qui envoie vers le Grandvaux, les lacs ou Champagnole. La Lemme coule par-là, le bâtiment de l’hôtel des Lacs fait office de borne, ou de phare (1).

Le premier plaisir est donc de s’y transporter en train. Un voyage agréable, malgré les désagréments de deux changements – surtout au retour quand le tronçon Champagnole-Mouchard se pratique en bus. Donc, arrivée à 12h36, à table à 12h37 ! Nous sommes chez Béatrice Denis, qui vous accueille, et Samuel Petit qui s’active en salle. Comme disait l’autre : comment en est-on arrivé là ?

De l’air, de l’air !

Installés du côté de Lille, Béatrice Denis œuvrait du côté de l’éducation nationale, Samuel Petit était cuisinier. « On cherchait un projet à monter ensemble » confie Béatrice, de préférence dans un coin tranquille, avec du bon air. A la recherche d’un producteur de coulis et de sirops, Samuel arrive un jour aux P’tits Bonheurs, juste en face de la gare. La gare fermée tisonne la curiosité. Les chercheurs d’air sont proches du but. A l’époque, la SNCF lance l’opération 1001 Gares, rebaptisée Place de la gare (1). Il s’agit de redonner vie à des gares fermées tout en restant propriétaire des lieux. Contact est pris, l’affaire est faite. Même si le projet commence par l’installation d’un… food truck. « C’était pour habituer les gens à revenir vers la gare » explique Samuel.

Le 1er avril 2024, un lundi de Pâques, c’est l’ouverture. Qu’est devenu l’intérieur de l’ancienne gare ? Tournicoti, Tournicotons, les premiers clients découvrent un lieu particulièrement harmonieux où se glissent quelques symboles de jadis. « Nous avons surtout voulu garder la structure du guichet qui sépare la cuisine de la salle » détaille Béatrice. On y passait des billets, on y passe désormais des plats.

Quelques objets rescapés des héroïques temps ferroviaires restent ici et là, comme l’ancien composteur. « Des clients nous apportent parfois des objets. Nous n’avons pas voulu non plus en faire un musée » précise Béatrice. On remarque le mobilier, notamment les tables, nées d’un double hasard. Les pieds ont été récupérés chez un restaurateur du Grandvaux qui cherchait à s’en débarrasser. Pour les plateaux des tables, c’est comme un conte fée. « Le bois a été scié dans un orme coupé en 1948 par mon grand-père et qui dormait depuis chez mon père ». Voilà qui infuse déjà de la patine du temps dans l’atmosphère colorée et boisée du lieu.

Naissance des bouliches

Côté cuisine, Samuel Petit propose une bonne humeur qui va bien au lieu. Un menu du jour et une carte ou font cause commune les saveurs du pays, les classiques, une jolie touche nordiste et des échappées sur les cuisines du monde. Côté nordiste, en fonction des changements de la carte, vous irez juger le welsh – un Himalaya calorique -, la carbonade, le waterzoï ou le pierrot cominois. Le cuisinier se joue des noms et des origines. Les truites de la pisciculture des Rivières, du côté de Morez, se glissent dans le fish and ship. Il y a aussi les bouliches, du comté râpé mélangé avec du blanc d’œuf battu, le tout soufflé à la friteuse. Nées à La-Chaux-des-Crotenay, les bouliches feront-elles boules de neige ?

La maison se fourni dans les environs pour certains produits. Dans le panier, il y a donc les P’tits bonheurs, les glaces de Plaisirs fromajura à La Chaumusse, les fromages fermiers du GAEC Valentin à Foncine-le-Haut, les vins de Crinquand-Overnoy (Pupillin) et du domaine de la Pinte (Arbois), les bières La Franche de La Ferté, les limonades d’Essentiel’Hop à Boissia. Le café vient du torréfacteur Café clandestin, installé dans la gare de Poligny. Il a aussi bénéficié du programme Place de la gare.

Le lieu est comme naturellement appelé à connaître une jolie destinée, dans un secteur très touristique déjà repéré, par exemple, selon Béatrice, par les adeptes de L’Echappée jurassienne dont le parcours passe tout près. Sur le parcours de la ligne des Hirondelles, le jour où il y aura un vrai projet, l’endroit renforcera sûrement la félicité. Conclusion : un bon endroit pour se garer.

Jean-Claude Barbeaux

-La Gare de la Chaux.

Menu le midi du lundi au vendredi (16 euros). Carte le vendredi soir, dimanche midi et soir. Fermé le dimanche.

Téléphone : 03 63 86 15 69

Suivre sur la page Facebook : La Gare de chaux.

 

(1) L’hôtel fut longtemps le fief de la famille Monnier. Après une période de fermeture, il a été repris.

(2) Place de la Gare :

https://placedelagare.sncf

 

Les P’tits bonheurs, c’est juste à côté

 

 

L’histoire se prolonge de l’autre côté de la voie. Les gares campagnardes se composaient de la gare proprement dite et d’une halle à marchandises ou étaient stockées les produits transportés par les trains. A La-Chaux-des-Crotenay, cette halle existe toujours. C’est désormais le domaine des P’tits Bonheurs, animés par Arnaud et Émilie Jacquin. Ils cherchaient à retrouver l’atmosphère du « haut », ils reprennent en 2020 cette ferme spécialisée dans les plantes aromatiques et les petits fruits. L’établissement avait été créé par Sylvie et Lulu.

Plantes et fruits sont cultivés sur deux hectares, production complétée par les cueillettes dans la nature environnante. Les récoltes sont transformées sur place. Il y a de quoi remplir son cabas sur place dans la boutique. Au programme : confitures, sirops, coulis, gelées, vinaigres, infusions… Il s’y mêle des saveurs de mûre, de cramaillotte, de framboise, de gratte-cul, de sapin, de gentiane et d’autres. Parmi les produits originaux figurent de plantes sèches nécessaires aux vignerons bio ou en biodynamie.

Il reste un produit malin à évoquer. Arnaud et Émilie Jacquin proposent du sel. « Nous récupérons de l’eau salée à Salins-les-Bains, nous nous occupons ensuite de l’évaporation et du conditionnement ». Le sel est proposé nature ou aromatisé avec les plantes de la maison. Conclusion : ça ne manque pas de sel…

-Les P’tits bonheurs, Pont-de-la-Chaux à La-Chaux-des-Crotenay.

Tel : 06 74 88 86 37 et 06 08 58 99 58
Courriel : auxptitsbonheursjura@outlook.com