C’est au cœur de la forêt d’Izeure, à proximité de Brazey-en-plaine et de l’Abbaye Notre-Dame de Cîteaux, que se noue et se dénoue l’intrigue.
« Une fiction construite autour de faits authentiques » souligne l’auteur dolois, qui évoque avec pudeur l’écriture de cet ouvrage, tant ce processus l’a émotionnellement remué (et parfois malmené).
« Je suis parti d’un visage en photo, le reste est arrivé ensuite ».
Avec « Une vie de riens » (le s à riens est important car il évoque l’évaporation progressive des certitudes du personnage principal), Michel Brignot est remonté jusqu’aux derniers mois de l’Occupation. Enquêtant sur place, recueillant des archives, des documentations historiques, des précieux témoignages (dont la fille du maire de l’époque, âgée de 94 ans, rencontrée par hasard sur le seuil de sa maison), il a peu à peu construit, ou plutôt reconstruit ce qui lui faisait défaut depuis trop longtemps.
« Comment peut-on mal vivre l’absence de gens que l’on n’a pas connu ? » s’interroge-t-il.
« Tous mes amis allaient en vacances chez leurs grand-parents. Pas nous ». Silence.
En quête de vérité et de résilience
« Cette femme m’a toujours manqué, j’ai toujours été persuadé qu’elle avait été une victime collatérale des rumeurs, des fantasmes, des malheureuses circonstances de l’époque. Mais aussi de ses doutes, de ses émotions, de sa condition.
En l’inventant, elle m’a tenu compagnie pendant presque 3 ans. Je ne voulais en faire ni une sainte ni une martyre. Je sais juste qu’elle était charmante, généreuse, douce. La vraie grand-mère comme on l’imagine ».
L’histoire va s’emballer, et la réalité rattraper la fiction, lorsqu’un jour en rencontrant un chasseur, Michel parvient à se faire indiquer le lieu-dit dans la forêt de Cîteaux.
Alors, avec des cartes d’état-major de l’époque, en zoomant, en retravaillant, en superposant plusieurs cartes, il identifie la coupe en question, et le lieu précis du drame.
« J’y suis allé en septembre pour m’inspirer des conditions réelles. Une fin d’après-midi, un 11 septembre, après mes consultations.
Je voulais appeler le livre « Le lierre et le muguet », car le sol était envahi de feuilles de ces deux plantes. Puis je me suis ravisé ».
Cette visite lui était indispensable pour finir le livre. Mais arrivé sur place, plusieurs sentiments s’entremêlent :
« J’ai ressenti d’abord de l’impuissance. Je me suis dit que l’on n’est vraiment pas grand chose. Mais vite un deuxième a surgi : un sentiment de désolation, de gâchis, d’absurdité.
A quoi ça rime la guerre ?
Je suis conscient que ce que j’évoque ici, presque chaque famille l’a vécu que ce soit en France ou ailleurs. Mais cette période de la Libération, suivie de l’épuration a été terrible.
Beaucoup n’ont toujours pas tourné la page… »
Un ouvrage exceptionnellement poignant, qui nous invite à relativiser les modestes voire futiles turpitudes de notre époque…
« Une vie de riens », éditions Complicités. Prix 21 euros.
Disponibles en librairie et sur internet.