Trois questions à Fabrice Schlegel

Alors que plusieurs rassemblements semblent se reformer autour de certains rond-points jurassiens, rencontre avec l'initiateur du mouvement des gilets jaunes.

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"Où passent les 1100 milliards d'euros pris, chaque année, dans les poches des contribuables et autres entreprises ?" s'interroge Fabrice Schlegel.

La première journée de manifestation du jeudi 19 janvier a été particulièrement suivie, en France comme dans le Jura. Celle prévue le mardi 31 janvier pourrait-elle élargir ce mouvement de mécontentement ?
Malgré une reforme injuste et inopportune, je ne crois pas en la propension des Français à se rebeller véritablement. La période Covid avec ses confinements, pass sanitaire ou autres couvre-feux, l’a démontré. Aussi, ce mouvement est principalement mené par des organisations syndicales qui ne représentent qu’une petite minorité des salariés, muées par des revendications souvent excessives (32H/semaine, augmentation du Smic de 30%, retraite à 60 ans …).
Nous pouvons malheureusement constater que depuis 40 ans, tout ce que touchent les syndicats, se transforme irrémédiablement en plomb. Enfin, cela coûte cher de faire la grève, en cette période d’hyper inflation, cela devient un luxe que de perdre une journée de salaire. Surtout pour dénoncer un texte que notre gouvernement fera passer à l’assemblée, amendé ou non.

On commence à voir réapparaitre quelques rassemblements de gilets jaunes à certains rond-points du département… Toi qui as initié ce mouvement en novembre 2018 et qui en a été l’un des leaders nationaux, qu’en penses-tu ?
Je pense que le mouvement des gilets jaunes est mort en janvier 2019, date du phagocytage par l’extrême-gauche. Il est devenu une caricature, qui n’apportera plus rien à la société. Je rappelle toutefois, qu’en 2018, des milliers de personnes se sont rangées derrière moi, pour défendre des revendications légitimes : plus de pouvoir d’achat, moins d’impôts et taxes, une dépense publique plus réfléchie.
Il s’agissait de penser à ceux qui n’avaient pas assez, et non faire les poches de ceux qui  »avaient trop »…

Retraites, inflation, pouvoir d’achat, dégradation des services publics… Comment sortir du marasme économique et social dans lequel notre pays semble irrémédiablement englué ?
Vaste question, à laquelle nos éminents énarques n’arrivent, manifestement, pas à répondre. Il me semble que les problèmes évoqués dans la question, engendrent des réponses distinctes.
En ce qui concerne les retraites, peut-être que si nous alignons tous les régimes de retraite, sur un départ à 62 ans, ne serait-il pas nécessaire de passer la majorité des salariés à 64 ans ? Serait-il normal qu’un ouvrier du bâtiment parte en retraite à 64 ans, alors que certains salariés SNCF continueront à partir à 54 ans ? Je ne le crois pas.
Concernant l’inflation, il est plus juste de parler de stagflation. C’est-à-dire une inflation importante, qui n’est pas corrélée à une forte croissance. Malheureusement les réponses que l’on apporte habituellement à l’inflation, sont exactement à l’opposé de celles qui permettraient de juguler cette récession.
Il est plus qu’urgent de désindexer le prix de l’électricité à celui du gaz. Nous nous devons de sortir de cette folie européenne, qui consiste à racheter sa propre électricité, à 10 fois le prix de revient. Chaque produit consommé entraîne un coût énergétique induit : cette explosion du prix de l’électricité, est en partie responsable de l’hyper-inflation générale. Du pain aux pellets, en passant par les matériaux de construction, tout demande beaucoup d’énergie.
D’une manière générale, je remarque que nous sommes inféodés à une Europe qui ne satisfait personne à part nos politiques. En effet, nous avons constaté son inefficience en matière de santé lors de la crise Covid, en matière économique avec une Europe en crise, en matière de défense avec une réponse disparâte en Ukraine….
Arrêtons de subir, que la France insuffle une nouvelle politique !
Quant à nos services publics : de plus en plus d’impôts, de plus en plus de taxes, de plus en plus de dépenses…et dans le même temps, de moins en moins de services publics. Où passent les 1100 milliards d’euros pris, chaque année, dans les poches des contribuables et autres entreprises ?
Que nos politiques répondent à cette question simple, et nous aurons considérablement avancé…

« Je pense que le mouvement des gilets jaunes est mort en janvier 2019, date du phagocytage par l’extrême-gauche. Il est devenu une caricature, qui n’apportera plus rien à la société » estime Fabrice Schlegel.