Pas une seule prise de paroles de nos experts en politique, de nos dirigeants, sans que l’on nous exhorte à « prendre nos responsabilités » ! Pire ! Nos responsables de tous bords s’invitent entre eux à prendre leurs responsabilités. C’est le serpent qui se mord la queue dans un spectacle permanent et gratuit qui nous coûte cher au bout du compte alors même qu’il ne nous fait plus rire pour deux sous. (1) (2)
Mais que peut bien vouloir dire « prendre ses responsabilités » ? Ne vous approcher pas trop : c’est une formule creuse et l’on risque à tout moment de tomber dedans et de se retrouver les quatre fers en l’air (3). Plusieurs ex-premiers ministres empilés en culs-de-bassefosse en sont un témoignage.
Cette injonction ne veut pas dire grand-chose et c’est ce qui fait son succès puisqu’il est décisif aujourd’hui de parler pour ne rien dire. Les lecteurs assidus de ma chronique hebdomadaire savent que je m’y emploie avec obstination.
Il nous faut approfondir la sentence pour tenter de lui trouver un sens.
La Marie-Madeleine me dit : « -Ils sont rigolos mais ils ne nous disent pas où il faut les prendre nos responsabilités. Déjà qu’on a tous nos commerces qu’ont fermé. Et pas mieux à qui il faut les prendre. Et une fois qu’on les aura prises, on les met où et à qui faudra-t-il les rendre… au bout du compte… ».
Marie-Madeleine je n’ai pas la réponse…
Mais peut-être pourriez -vous donner le change en tournant autour du pot pour noyer le poisson en brouillant les pistes ? (4)
Prendre ses responsabilités ! Cette admonestation est une injonction paradoxale, un transfert de charge : soyez autonome en faisant comme on vous dit (5). Donner clairement votre avis en suivant le mien. Et n’oubliez pas : si tout va mal c’est que vous l’aurez bien cherché ! À vous de voir où vous avez fauté… (6).
Notes pouvant être utiles pour compléter ce texte.
(1)- La Marie-Madeleine est persuadée qu’un serpent n’a pas plus de queue qu’une baguette de tambour, une pelote de ficelle ou un jour sans pain. Mais elle est dans l’erreur car le serpent est bien à la queue comme tout le monde. Vue de face et surtout quand l’herbe est haute, préciser où commence la queue est assez difficile et 67 % des Français ne sauraient le dire avant la fin du compte à rebours. Pourtant les ophiologues diplômés sont catégoriques : la queue du serpent commence précisément là où finit son tronc. On ne saurait être plus clair. Et la queue se termine là où il n’y a plus de serpent du tout.
(2)- Le sou est une monnaie qui fut en service depuis 781 sous le règne de Charlemagne. Le sou valait 12 deniers et 1 vingtième de livre. L’expression « ça ne nous fait pas rire pour deux sous » signifiait donc « ça ne nous fait pas rire pour 24 deniers » qui ne vaut guère mieux.
Ce système monétaire a duré plus de mille ans. Il a disparu le 18 germinal an III. On avait gagné un système monétaire décimal mais on avait perdu le calendrier…
(3)- Aujourd’hui -et grâce à la généralisation de la bipédie- on ne risque plus, Dieu soit loué, de se retrouver les quatre fers en l’air. L’expression est réservée aux chevaux dont les sabots sont ferrés. Mais, si vous me permettez un conseil, pourquoi ne pas plutôt prendre une gamelle. Le bruit métallique de la chute est impressionnant mais en général sans conséquences graves du type pronostic vital réservé ou saignement de nez.
(4)- Tourner autour du pot ou brouiller les pistes est à la portée de tout un chacun pour peu qu’il s’en donne la peine. Noyer le poisson est beaucoup plus compliqué. Faites-vous aider d’amis en qui vous avez confiance. Je n’ai pas trouvé de tuto sur YouTube.
(5)- Les injonctions paradoxales sont très casse-pieds. Il s’agit de faire une demande qui n’est pas réalisable. « -Sois naturel ! ». Difficile ! Se forcer au naturel et le voilà qui s’en va au galop…
(6)- Pour que nous accordions notre confiance à ceux qui nous gouvernent on nous expliquent à longueur de temps que tout va de travers. Nous vivons une crise économique, une dette abyssale, un système de santé en PLS… L’éducation est en ruine, les dealers sont partout et les retraites sont ingérables… Nos assemblées ne peuvent plus prendre les décisions que l’urgence exige avant que les désordres écologiques nous emportent. Il est donc venu le temps de prendre nos responsabilités.























