Quatre ans après

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C’était il y a presque quatre ans. Une partie de la France se soulevait, par le biais d’un mouvement protestataire inédit. Les actions étaient spectaculaires, les conséquences sensibles pour l’économie.
Le litre de gasoil se situait en moyenne à 1,53 euros. Un tarif « totalement » inacceptable à l’époque, mais devenu dérisoire depuis. L’étincelle suffira pourtant à mettre le feu aux poudres.
Le monde entier avait les yeux rivés sur nous. La France allait rejouer 1789 en version 21ème siècle, avec vidéos en direct et rassemblements dévoilés à la dernière minute sur les réseaux sociaux.
On pensait alors qu’une véritable espérance collective avait émergé, que cette fois-ci, nos élites avaient vraiment eu peur (ce fut effectivement le cas), qu’elles avaient sincèrement assimilé le message d’un peuple mécontent, usé, révolté, face aux abus et diverses injustices sociales qu’il lui fallait endurer. Prêt à tout, y compris parfois au pire, pour y mettre un terme.
C’était sans compter sur l’appétence de la discorde, sur l’individualisme, sur ce réflexe de toujours vouloir tirer la couverture à soi, de prétendre détenir « la » vérité.
Car si chacun forge nécessairement sa propre opinion en fonction de son parcours, de son milieu ou de sa condition, on a surtout oublié que l’on ne percevait du monde que ce que l’on peut en observer depuis la place que l’on occupe…
C’est précisément car ce mouvement était protéiforme, qu’il était efficace et porteur : on ne savait pas par quel bout fallait-il l’empoigner. Mais ce fut aussi son défaut fatal !
Qu’il ne parvienne à graver dans le marbre une ligne de conduite claire, qu’il porte devant les médias un discours à idéologie variable, qu’il compte dans ses rangs plusieurs porte-paroles d’obédiences politiques différentes (pour ne pas dire divergentes) qui n’ont pas voulu ou n’ont pas su s’accorder, bien qu’alimentés d’un même idéal consistant à dire « stop » ! A exprimer, avec plus ou moins de talent oratoire, ce cri de détresse et de colère : « Nous voulons vivre dignement une vie que nous avons choisie… ».
Majoritaires pourtant étaient ceux à subir l’oppression de l’indignité, à soutenir cette démarche contestataire, y compris pour ceux qui n’étaient pas franchement dans le besoin.
Majoritaires sont encore aujourd’hui tous ceux qui, jour après jour, ressentent cette sorte de dissonance, de dissociation existentielle face à un système implacable, de plus en plus mal conçu, de plus en plus étriqué, où ils ne trouvent pas ou plus leur place. La fracture est indéniable. Pour bon nombre, elle est même devenue incurable.
Résultat : quatre ans après, rien n’a changé. Au contraire, le tableau s’est même assombri.
Le litre de gasoil flirte désormais avec les deux euros et encore, lorsque l’on parvient à en trouver…
Malgré les grands débats, les cahiers de doléances et autres promesses du gouvernement, joindre les deux bouts est toujours aussi difficile sinon plus, les hôpitaux sont toujours dans une situation aussi dramatique sinon plus, les forces de sécurité toujours débordées et surmenées sinon plus, les gares et les trains se vident toujours de leur présence humaine, les services publics ne sont accessibles plus que par internet ou « serveur vocal » (il devient quasi-impossible d’obtenir un interlocuteur humain au téléphone), l’éducation et les collectivités territoriales rognent leur budget en assumant seulement l’indispensable, et encore…! Bref, le fossé s’est creusé davantage.
Jusqu’où et jusqu’à quand faudra-t-il courber l’échine avant de se réveiller ?