Rubrique. Coin Lecture d’Isa : La disparue du cinéma, de Laurence Mouillet

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Coin Lecture d'Isa
Coin lecture Isa

Dans ce récit hypnotique, Laurence Mouillet nous plonge dans l’ombre d’un crime qui, bien plus que de marquer une ville, déchire les âmes et façonne les mémoires à jamais.

Éditions Médiapop.

Strasbourg, 1995. Carole Prin, ouvreuse de cinéma, disparaît alors qu’elle s’apprête à donner naissance à son premier enfant. Elle n’a laissé aucune trace. On la cherche, on s’inquiète, on espère. Pendant quatre ans, son compagnon joue au veuf éploré, noie les soupçons sous des larmes de façade. Mais il ment. Il l’a tuée. Elle et leur enfant à naître.

Loin d’être un polar sur un fait divers sordide, ce récit s’attaque davantage à la manière dont un crime laisse des fissures dans les âmes qui en sont témoins. Claire, étudiante, double fictionnel de l’autrice, a tout juste 20 ans au moment des faits. Elle travaille comme caissière dans ce même cinéma. Elle est l’une de ces silhouettes collatérales sur lesquelles l’onde du crime s’est déposée. L’homme qui se posait en victime, son collègue est un assassin. Elle a partagé les mêmes salles de cinéma que lui, encaissé les mêmes tickets, échangé les mêmes banalités. Mais elle a senti. Quelque chose clochait. Ce malaise insidieux, cette méfiance instinctive que l’enquête finira par confirmer.

Dans ces pages empreintes de tension, l’écriture ciselée et hypnotique enserre le lecteur dans un étau invisible. Pas de sensationnalisme, pas de reconstitution macabre, mais une immersion dans une mémoire marquée par l’effroi. Laurence Mouillet restitue l’époque avec une précision troublante : les nuits au rythme du projecteur, les illusions d’une jeunesse suspendue entre cinéma et réalité, les amours éphémères qui s’effacent comme des génériques de fin. Et au milieu, le crime, cette ombre omniprésente qui hante jusqu’à s’infiltrer dans les rêves, et à transformer le sommeil en piège. Car Claire ne dort plus. Carole revient la hanter, avec son enfant disparu.

Avec une finesse rare, l’autrice échappe au pathos et à l’effroi facile. Bien plus qu’un simple récit de meurtres, ce récit est une méditation sur la mémoire, cette force invisible qui, souvent sans bruit, façonne nos existences.

Par cette nécessité de raconter, en redonnant vie à l’absence et en préservant le souvenir comme un dernier souffle gravé à jamais, l’autrice a permis aux mots de devenir les gardiens d’une mémoire précieuse.

Isa sur Insta : lodyssee_des_mots