Rubrique. Grands Mots, Grands Remèdes,…Rodomont

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Gérard Bouvier

Il n’est guère d’homme politique qui ne soit, un jour ou l’autre, accusé de quelque
rodomontade.
La vie politique est semée d’embûches (1) et elle expose aux critiques. De ceux qui
sont plus à gauche, de ceux qui sont plus à droite, de ceux qui pataugent en plein
milieu. Mais aucun ne perd de vue que prochainement s’ouvrira la succession.
Cette rodomontade est un belle occasion de se pencher sur la plaisante histoire des
mots.
La rodomone date de 1527. C’est l’utilisation, comme nom commun, du nom de
l’italien Rodomonte (2). C’était le roi d’Alger, un roi belliqueux et célèbre pour sa
bravoure. Hélas entachée d’un doigt d’arrogance et d’une louche d’insolence.
Autrement dit ce Rodomonte était un effronté plein de morgue. Morgue qui l’habitera
jusqu’à sa mort.
Je ne dis pas ça par jalousie ni par esprit de vengeance envers celui qui fut le chef
de l’armée sarrasine qui assiégea Charlemagne à Paris.
La rodomone de 1527 fut très vite remplacée, dès 1573, par son équivalent masculin
le rodomont car déjà à l’époque, on veillait à ne pas offenser la susceptibilité
féminine. Cette attention délicate ne devait jamais plus nous quitter…
Le rodomont italien fit long feu. Il fut remplacé dès 1630 par le matamore espagnol
de même sens mais avec une pratique du flamenco au déhanché plus sensuel que
la simple pizza (3).
Il nous resta les rodomontades. Datées de 1587 nous les utilisons encore aujourd’hui
faute de disposer de matamorades.
N’oubliez jamais ce conseil : il faut faire avec ce qu’on a.
Mais si vous êtes pris au dépourvu plutôt que de croupir dans le besoin avec une
vague tristesse dans le regard, il vous reste encore le fanfaron (4) et ses
fanfaronnades.

Notes pour mieux appréhender le texte et le faire sans appréhension :

(1)- L’embûche est un mot dérivé de la grande famille issue du latin populaire
« buska », bois, bosquet. On y trouve le bûcheron apparu parmi nos mots en 1550.
Et bien sûr la bûche qui ne fut de Noël que lorsqu’apparut la tradition de la faire se
consumer dans la cheminée tout au long de la veillée qui précédait la messe de
minuit, à partir de 1690. Ils étaient à l’origine busche et buscheron jusqu’au XVIème
siècle quand tous nos mots en voyelle suivie d’un « s » : rostir, costelette et donc
busche cachèrent sous un accent circonflexe la honte d’avoir perdu leur « s »
devenant rôtir, côtelette et bûche.
L’embûche tire son origine du verbe embuschier (1150) qui signifiait se tapir dans les
bois pour guetter et pour surprendre l’ennemi en lui tendant une embuscade. S’il
n’avait pas réussi à vous débusquer… Les conflits et la criminalité devenus monnaie
courante ont banalisé ce fait de guerre au point qu’aujourd’hui tout le monde
trébuche sur des embûches un jour ou l’autre.

(2)- Il s’appelait Rodomonte. Ce nom sans élégance est celui d’un roi d’Alger qui
vivait bien avant les événements. C’est Boiardo un poète italien qui nous le raconte.
Son œuvre s’étend de 1476 à 1492. C’était avant le traitement de texte avec dictée
vocale. Rodomont était courageux, certes. Tous ceux qui ne l’ont pas connu mais en
ont entendu parlé en conviennent. C’était un brave. Mais il n’est de cuirasse sans
défaut. Rodomont était fier, insolent, arrogant, hautain. Il se vantait en toutes
occasions de ses actes de bravoure qu’aujourd’hui beaucoup mettent en doute.
Fût-il un précurseur ? Il y eut ensuite Tartarin de Tarascon, les fanfarons… Et les
matamores qui regardaient les jouvencelles avec une mortelle insistance.
Et aussi les farauds, les hâbleurs, les bravaches, les fiers-à-bras, les m’as-tu-vu.
De nos jours tout ce beau monde fait salon chez les mythos. À boire des bières.
Pauvre France.

(3)- Selon le linguiste Alain Rey, le mot pizza est attesté primitivement dès 997 au
sens de fouace, galette en latin médiéval dans un document d’archive de la
cathédrale de Gaeta. Il apparait en 1535 en napolitain dans un ouvrage de
Benedetto Di Falco. Il est spécialisé dans son sens actuel depuis 1570.
On trouve tout ça dans Wikipédia mais à quoi bon se casser la tête puisqu’on le
trouve aussi dans l’Hebdo en note (3) ?

(4)- Le Mont Faron fait partie des Monts Toulonnais. C’est un sommet calcaire qui
domine la ville de Toulon et culmine à 584 mètres ce qui n’est pas beaucoup mais
notez bien qu’on est là au-dessus du niveau de la mer.
Les fanfarons n’ont rien à voir avec le Mont Faron sinon je vous l’aurais signifié
d’emblée pour vous éviter une perte de temps.
Le mot est hérité de l’espagnol mais il aurait une source arabe dont je ne vous dirai
rien car je ne maitrise pas cette langue et il faut savoir parfois rester à sa place.