Les pérégrinations d’un gorille au Gabon

Le champagnolais Pascal Bejeannin a guidé son œuvre à travers la jungle dans le cadre de son projet artistico-humanitaire mondial.

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Pascal Bejeannin (à droite), installant son gorille dans un village gabonais. Crédit : Marika Godin

Que d’aventures pour Mekhan Mui ! Un gorille plus vrai que nature, tout droit sorti de l’atelier de Pascal Bejeannin, sculpteur champagnolais qui n’en est pas à son coup d’essai. Dans le cadre d’un vaste projet ‘L’art témoin du monde’, ses magnifiques sculptures en acier recyclé voyagent en effet de par le globe pour sensibiliser les populations locales à la protection de l’environnement, entre autres. Après l’emblématique ours polaire veillant sur le Groenland, une tortue explorant les profondeurs du lac des Rousses, est venu le temps d’une autre espèce symbolisant la jungle africaine : le gorille du Gabon. « Ça s’est passé comme prévu…avec plein d’imprévus » relate avec humour l’artiste aventurier au retour de ses trois semaines d’expédition : depuis Libreville, le but du ‘jeu’ consistait à rallier Franceville via 1.500 kilomètres de piste défoncée par des camions « roulant comme des fous », avec des escales dans la jungle épaisse. « On en a bavé » confie l’artiste, pour transporter à dos d’homme son bébé de 120 kg au milieu de ses congénères de chair et d’os. Après des journées harassantes (10 heures de marche), des distributions de bakchich en pagaille, des rencontres avec des éléphants, des buffles, des quantités de singes et une panthère, le gorille est arrivé dans un centre de recherches à Franceville où il restera exposé durant un an. Mais comme le disait Robert Louis Stevenson « L’important, ce n’est pas la destination, c’est le voyage ».

Un « Arbre de paix » au Kurdistan

Une vraie philosophie de vie pour Pascal Bejeannin, puisque cette aventure a surtout servi de prétexte pour aller à la rencontre des populations locales en brisant le clivage noirs/blancs. « D’habitude, le noir est l’ami du blanc car il a de l’argent » confie t-il, mais ici le gorille a brisé la glace pour nouer des vrais échanges avec des Gabonnais…y compris des pygmées. Un tribu « méprisée » selon le champagnolais : « l’État par exemple ne leur donne pas la possibilité d’édifier des clôtures électrifiées contre les éléphants -très protégés comme les gorilles – qui piétinent leurs cultures. On trouve donc un peu partout des villages « fantômes », abandonnés par leurs habitants partis rejoindre les villes ». Étrange paradoxe dans ce pays aux 13 parcs nationaux alimentant l’éco-tourisme… Une dimension humanitaire de « L’art témoin du monde » qu’on comprend mieux lorsqu’on sait que Pascal Bejeannin a aussi été casque bleu et logisticien de Médecins sans frontières dans d’autres vies.

Prochaine étape : la traversée de l’Afrique vers l’Est, mais d’ici là le champagnolais se rendra  fin décembre au Kurdistan, pour y édifier fin décembre un « Arbre de paix » à partir d’armes utilisées dans cette région en guerre…

SH

Une escale en pleine jungle « à la dure » pour installer le gorille du Jura au milieu de ses congénères en chair et en os. Crédit : Marika Godin

Son Excellence pygmée

Parmi les anecdotes glanées durant cette expédition, celle du chef pygmée qui se prend pour un Dieu vaut son pesant de cacahuètes : « Nous avons passé une nuit dans un village dont le chef un peu louche se faisait appeler ‘Son Excellence’. Pour l’approcher, il fallait tourner autour d’un arbre, accomplir une sorte de rituel et les femmes du village se prosternaient devant lui » raconte Pascal Bejeannin. Mais ce n’est pas aux vieux singes qu’on apprend à faire la grimace, surtout à lui qui passa de nombreuses années à convoyer de l’aide médicale dans des pays en guerre…