Région. La guerre scolaire prend-elle une nouvelle tournure en Bourgogne Franche-Comté ?

Mireille Beyssere, Directrice de l’Enseignement Catholique en Franche-Comté, ne veut pas y croire. Pourtant, elle ne décolère pas depuis le 9 juillet face à la position incompréhensible de la Région de refuser la gratuité du transport scolaire à certains élèves de l’enseignement privé...

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©David Cesbron

La Directrice de l’enseignement catholique a été alertée par de nombreux parents, ayant inscrit ou réinscrit leur enfant rentrant en 6ème, au service de transport scolaire de la Région. Le formulaire en ligne leur indiquait la non prise en charge du transport scolaire par la Région !

Une première rencontre infructueuse le 9 juillet

Les trois directions diocésaines de Bourgogne Franche-Comté, les Organismes de Gestion de l’Enseignement Catholique (OGEC) et les représentants des parents d’élèves de l’APPEL ont été reçus par Michel Neugnot, vice-président du conseil régional en charge des transports. Ce dernier leur a fait une fin de non-recevoir, justifiant l’absence de prise en charge éventuelle « liée à l’harmonisation nécessaire du transport scolaire faisant suite au transfert de compétences des départements à la Région en 2017 »

Un coût de près d’un million d’euros au niveau de la Franche-Comté !

« Le coût du transport scolaire est une charge importante pour la collectivité régionale » concède Mireille Besseyre. L’exécutif régional a acté la gratuité du transport scolaire pour l’ensemble des élèves résidant et étudiant dans la Région. Cette décision « politique » doit s’appliquer à tous les établissements d’enseignement publics ou privés sous contrat.

Elle rappelle au passage que la charge financière pour les parents souhaitant scolariser leurs enfants dans l’enseignement privé, est parfois lourde entre la contribution scolaire et les frais de cantine « Contrairement à l’enseignement public, la cantine est à la charge exclusive des familles ». Mireille Besseyre s’insurge d’autant plus contre cette mesure discriminatoire que de nombreux établissements privés de l’enseignement catholique participent au maintien de l’éducation en proximité dans les zones rurales…
Elle souligne également que des parents aux revenus modestes font le choix de l’enseignement privé sous contrat !

Mireille Besseyre admet tout à fait ce besoin d’harmonisation. Celle-ci conteste cependant l’absence de concertation en amont de la décision « Comment peut-on mettre des centaines de parents d’élèves confrontés à l’absence d’un service de transport scolaire à quelques semaines de la rentrée ? Comment imaginer que les OGEC puissent prendre ce surcoût en charge sans qu’il soit budgété ? Comment aussi contraindre certains parents à financer le transport scolaire de leurs enfants ?»

S’agit-il d’une position idéologique de la Région ?

Michel Neugnot s’en défend. Ce sont toutes les régions qui sont concernées. Le vice-président du conseil régional cite en exemple la région AURA (Auvergne Rhône-Alpes) où les parents participent financièrement au transport scolaire en fonction de leurs revenus (public et privé).
Toutefois, on peut douter de la neutralité de la Région BFC à la lecture d’un récent propos de Michel Neugnot « Il était anormal de mettre des moyens publics pour un transport ne desservant que des établissements privés » !

« Je ne négocie pas par voie de presse »

Sollicité, Michel Neugnot refuse d’apporter des éléments de réponse, privilégiant « les négociations en cours entre l’enseignement catholique et les services de la Région ».
En creux, Michel Neugnot admet qu’il n’y a pas eu de négociation en amont de la rentrée scolaire. Une réunion entre les parties est prévue le 6 septembre qui devra aboutir à un accord ne mettant pas en péril, ni le budget des OGEC, ni le pouvoir d’achat des familles concernées.

 

Un doute juridique ?

 

La Loi pose le principe de la liberté de l’enseignement, de même que la sectorisation ne s’applique pas à l’enseignement privé sous contrat.
Pourtant, le règlement intérieur des Transports scolaires de BFC précise « la prise en charge des élèves scolarisés dans un établissement privé sous contrat avec l’Etat est assurée à condition que la commune de l’établissement privé fréquenté soit la même que celle de l’établissement public de référence… l’établissement public de référence étant l’établissement public scolaire dans lequel aurait été scolarisé l’élève en application du code de l’éducation, s’il n’avait pas été inscrit dans un établissement privé sous contrat. »
En l’absence d’établissement public de référence, les familles qui choisissent l’enseignement privé devraient donc prendre en charge la totalité du transport scolaire…Cela pourrait signifier que dans certains territoires ruraux, la liberté de l’enseignement est limitée au secteur scolaire public !

Marie-Guite Dufay décide de différer d’un an l’harmonisation des règlements

La Région a finalement réagi ce mercredi 28 août en indiquant via un communiqué de presse :
« Ces derniers mois, la Région a initié un travail d’harmonisation des règles d’accès aux transports scolaires pour l’ensemble des élèves de Bourgogne-Franche-Comté.
Cette évolution vise à mettre fin aux inégalités de traitement provoquées par la multitude de règlements à l’œuvre dans les différents départements de la Région, tout en maintenant la gratuité totale des transports scolaires sur le territoire, dans les secteurs où la Région est compétente.
Ainsi, le nouveau règlement des transports scolaires a conduit à des avancées notables, permettant notamment, à la rentrée, à tous les internes inscrits dans des établissements publics comme privés, de bénéficier de la gratuité des transports sur les lignes existantes du réseau régional ».
Et de préciser concernant l’enseignement privé :
« Des discussions visant à harmoniser la contribution des Organismes de Gestion de l’Enseignement Catholique au financement du transport scolaire, ont été entamées pendant la période estivale. Des points de difficulté subsistant dans certains départements, la Présidente de Région, Marie-Guite Dufay, prend la décision de maintenir les services et les conditions d’accès à ceux-ci pour l’année scolaire 2024-2025, afin de laisser le temps aux négociations avec les établissements d’enseignement catholique de se dérouler dans les meilleures conditions.
Tous les élèves, y compris ceux nouvellement inscrits au transport pour la rentrée 2024-2025, pourront donc être transportés gratuitement sur les réseaux de transport Mobigo existants : circuits scolaires, lignes régulières ou train ».

Yves Quemeneur (avec C.K)