Voilà que la protection du “patrimoine sensoriel des campagnes” est définitivement entrée dans le code de l’environnement.
Tout d’abord, il me tient à cœur d’adresser un grand coup de chapeau au collaborateur ministériel (probablement d’origine rurale) à l’initiative de cette formulation : poétique, bucolique, luxuriante. « Patrimoine sensoriel » : c’est exactement ce que j’aurais écrit à sa place. Sauf que je n’ai ni son salaire, ni ses contraintes… Bref, passons.
Voyez-vous, cela me conforte, de penser qu’au sein des inaccessibles tours d’ivoire parisiennes, subsistent encore quelques âmes sensibles à l’intensité, l’effervescence des sens, l’exaltation émotionnelle que peut parfois révéler notre ordinaire quotidien campagnard, loin du béton, de la grisaille et des malencontreuses solitudes parallèles, noyant leur morne destinée dans les grandes métropoles de l’Hexagone.
Mais qu’il aura fallu en parcourir du chemin, pour qu’enfin nos élites daignent s’éclairer de bon sens et accepter l’évidence du principe de réalité qui, de fait, devrait s’imposer naturellement.
Or, il a fallu légiférer. En passer par une adoption définitive du Parlement, pour que Maurice le coq de l’île d’Oléron (paix à son âme), les grenouilles de Dordogne, les cigales de Provence (il ne manque plus que Winnie l’ourson, Porcinet, Bourriquet, Tigrou et l’on se croirait presque dans un célèbre dessin animé des années 80) ainsi que l’ensemble de leurs attributs connexes peuplant notre authentique ruralité (comme les cloches des vaches ou des églises) s’arrogent tout à coup droit de présence, droit d’existence.
Le problème, c’est que depuis quelques années déjà (mais encore davantage depuis que les confinements et les autres mesures restrictives du même acabit ont démontré aux urbains que leur choix de vie n’est probablement pas le plus épanouissant qui soit), nos campagnes voient s’installer sur leurs terres, des citadins dont les mécanismes de pensée sont articulés autour d’absolues certitudes. Lesquelles provoquent bien souvent dans leur sillage d’incohérentes intolérances à ce qu’ils ne connaissent pas, leur échappe, les offusque, les effraie, et donc… les dérangent…
C’est pourquoi trop nombreux ont été ces litiges prêtant parfois à sourire, tant ils sont absurdes, mais polluant malencontreusement des tribunaux déjà suffisamment encombrés par les “affaires courantes” qu’ils ne parviennent pas à traiter convenablement, faute de temps et de moyens. Mais tout ça, c’était avant !
Désormais notre belle et vraie nature peut s’exprimer pleinement, puisque juridiquement protégée comme “patrimoine de nos campagnes”.
Espérons simplement, qu’à l’heure où les privations d’espace, de grand air et de verdure n’ont jamais été aussi néfastes pour le moral d’une majorité de Français, la reconnaissance du patrimoine sensoriel de nos campagnes, nous amène à prendre conscience du bien-fondé de son absolue nécessité.
L’ensemble de ses ressources, de ses structurations, de ses codes, ces immuables repères. Mais aussi et surtout, via la quiétude des sentiments naturels, le fondamental (ré)équilibrage psychique qu’il peut nous apporter…