Vers 1470, s’installe à Paris le premier atelier d’imprimerie dirigé par Guillaume Fichet et Johann Heynlin. Ce fut un odieux bouleversement. Les copistes parisiens, les maitres de l’Université, les libraires étaient aux cents coups (1).
Les imprimés se déversèrent dans Paris et naquit une panique devant tant de livres. On entendit beaucoup de virulents reproches. Et pas qu’à Paris. En Italie, en 1481, Squarciafico dans un pamphlet dénonce le livre imprimé qui « tombe en les mains d’illettrés ». Passons sur l’étonnant reproche fait aux illettrés de vouloir lire, ne gardons que le trouble panique provoqué par la venue de cet intrus qui bouleversa le monde des copistes (2). En Allemagne, Johannes Trithemius adresse en 1494, aux moines de son temps un « Éloge des scribes manuels » pour défendre leurs copies manuscrites. C’est un imprimé ! Nul n’est parfait et aussi c’est bien pratique…
Les reproches sont nombreux : « Un écrit sur parchemin peut se conserver mille ans ; combien de temps durera un livre imprimé sur papier ? ». Et des textes sacrés ou des textes savants sur un support si périssable et reproduit par une machinerie… on n’est plus très loin du blasphème.
Bien d’autres griefs sont opposés à cette nouvelle technique si dérangeante : oui ! L’imprimerie aide à la diffusion des écrits mais elle supprime l’effort intellectuel lié à la copie et elle risque de transformer moines et copistes en lecteurs passifs moins impliqués et gagnés par la paresse. Le travail sacré s’efface devant la machine. L’abondance de livres rend moins studieux, tue la mémoire et affaiblit l’esprit en le rendant paresseux.
Cinq cent cinquante ans plus tard, les détracteurs de l’Intelligence artificielle n’ont pas mieux dit (3).
Notes pouvant être utiles pour la lisibilité de ce texte
(1)– L’humanité en a connu des bouleversements sociétaux ! Pas étonnant qu’elle ait parfois mauvaise mine !
Il y a d’abord eu l’arrivée du langage articulé il y a 70 000 ans. C’était le b.a.-ba mais mine de rien il fallait le faire et ce fut très utile pour constituer des groupes échangeant des idées. Et même des idées abstraites parfois !
Au Néolithique, apparition de l’agriculture. Tant mieux, on va pouvoir se poser en villages et c’est la fin des errances pour trouver son manger. Nous sommes en 10 000 avant J.C.
Vers -3 500, on doit compter les stocks et vendre le surplus. C’est l’invention de l’écriture qui est encore utilisée de nos jours. Mais les claviers ont remplacé les tablettes d’argile.
Vers 1450, on invente l’imprimerie. Désormais le savoir devient une industrie. Un inconvénient majeur mais bientôt surmonté : il faut apprendre à lire.
À partir du XVIIIème siècle c’est la révolution industrielle. C’est l’exode rural pour aller produire en ville le plus de choses possible avant l’invention des poubelles en novembre 1883 par le préfet de Paris du même nom. Les rues de Paris libérées de leurs détritus laisseront enfin la voie libre aux crottes de chiens.
Plus récemment nous avons connu, pour les plus attentifs d’entre nous, la révolution numérique et la révolution de l’Intelligence Artificielle qui mérite majuscules pour ne pas la fâcher si jamais nous devions un jour devenir ses esclaves.
(2)– Même si l’on entend encore dans certaines classes « -M’dame, Kévin il fait rien qu’à copier ! », il faut reconnaitre que les copistes sont en voie de disparitions. Ils étaient nombreux aux Moyen-Âge. C’était des moines qui, à la lumière vacillante des chandelles, grattaient à la plume d’oie des parchemins en peau de chèvre ou de mouton. Après Thanksgiving, quand les oies étaient devenues plus rares, on utilisait des plumes en roseau. Moi, je préfère l’oie -quitte à stocker des plumes- mais c’est chacun qui voit.
Le copiste était bien épaulé. Outre le scribe, très appliqué sur son bureau incliné, il y avait le rubricateur qui colorait en rouge les titres ou les initiales, l’enlumineur qui faisait des enluminures, le correcteur qui faisait des corrections et le relieur.
L’arrivée de Word et de PowerPoint a mis tout ça cul par-dessus tête non sans engendrer un certain malaise dans les monastères et abbayes.
Beaucoup se sont reconvertis dans les bières trappistes, les liqueurs et spiritueux, les fromages, la confiture, les savons ou l’encens et les baumes.
(3)– C’est un des grands reproches que l’on fait à l’intelligence artificielle. Beaucoup pensent qu’elle risque de faire de nos enfants et des parents de nos enfants des assistés, partisans du moindre effort, en perte de créativité. Ça n’est pas un avis partagé par tous. Bien au contraire, Laurent Alexandre et Olivier Babeau dans leur livre au titre provocateur « Ne faites plus d’études » corrigent aussitôt dans leur sous-titre : « Apprendre autrement à l’ère de l’IA » et répètent à l’envi que « l’IA n’est pas destiné aux grosses feignasses » mais bien au contraire nécessitera un effort intellectuel différent mais intense.























