Beaucoup d’entreprises sont en difficulté, mais comme souvent dans le monde des affaires, l’omerta prévaut. Par crainte d’être mal vues par leurs clients ou leurs fournisseurs, plusieurs entreprises ont décliné nos propositions d’interviews. La parqueterie Janod à Doucier (39) a eu plus de courage pour dénoncer l’explosion de sa facture énergétique. D’après un conseiller de l’entreprise, « notre contrat de fourniture énergétique avec Engie se terminait fin mars 2022, mais celle-ci nous a fait des propositions de renouvellement à un tarif 3 à 5 fois plus élevé. La meilleure proposition étant à 160.000 € par an, contre 40.000 € par an auparavant ». Il faut dire que l’entreprise spécialisée dans les parquets de qualité consomme environ 110 kW par an pour son séchoir à bois entre autres, un séchoir qui tourne davantage depuis que les scieries ont modifié leurs process. Face à ce coup de bambou inimaginable, l’entreprise Janod a réussi à changer de fournisseur sur le fil : un nouveau contrat signé « le 30 mars dans l’après-midi, alors que celui d’Engie se terminait le 1er avril ». « On a été au bord de l’explosion » (au bord de la rupture énergétique) confie notre source : un gros coup de pression qui s’est ajouté au manque de matière première. « Avant, nous arrivions à commander un camion de 25.000 € de chêne, aujourd’hui cela se limite à 5 à 6.000 €, il est très difficile de grouper nos commandes ».
« Une année de factures en un trimestre »
Pour s’adapter, et comme de nombreuses autres entreprises, Janod a du réviser à la baisse la durée de ses devis : 15 jours seulement, qui reflètent le manque total de visibilité des chefs d’entreprises. « Avant, les scieries nous prévenaient qu’il y aurait une augmentation de X % à partir de telle date, aujourd’hui on sait juste qu’il y aura une hausse, sans connaître du tout son montant ». L’entreprise a aussi du faire face à des annulations de commande de particuliers, mais travaille heureusement et pour plus de 70% avec des professionnels. Face à ce contexte inédit, difficile de trouver la bonne parade… Selon Daniel Lepré, Directeur du développement des entreprises et de la transformation numérique à la CCI du Jura, la flambée des énergies a surpris nombre d’industriels. » Des hausses très très fortes, dès l’invasion russe en Ukraine », sans aucun délai de carence. En un trimestre, de nombreuses entreprises ont payé l’équivalent d’une année entière de consommation, en particulier dans la plasturgie, la métallurgie, le travail du bois, etc. L’autre écueil concerne la hausse considérable des intrants (par exemple le polypropylène dont le prix aurait été « multiplié par trois »). Comment renégocier des gros contrats signés un an ou plus avant ce boom inflationniste ? Et comment répercuter une hausse des prix sur des clients tels que la grande distribution ou les collectivités locales (marchés publics) par exemple ? Des questions qui restent prégnantes…
La rédaction
Des mesures d’ajustement
Selon le gouvernement, des mesures complémentaires sont entrés en vigueur début avril. Tous les consommateurs d’énergie professionnels ont bénéficié entre autres, à compter du 1er avril, d’un relèvement exceptionnel du volume d’électricité vendu à un prix règlementé, représentatif des coûts du parc nucléaire historique. En complément des 100 TWh disponibles pour tout consommateur à 42€/MWh, 20TWh additionnels sont disponibles, jusqu’au 31 décembre 2022, à un prix de 46.2€/MWh. Ces volumes viennent en déduction des volumes acquis à prix de marché sur la facture des entreprises. Le gouvernement conseille donc à celles-ci de « vérifiez auprès de votre fournisseur que votre contrat répercute pleinement le bénéfice de ce mécanisme pour votre situation. Selon votre profil de consommation et les termes de votre contrat de fourniture, la baisse peut aller jusqu’à 15 à 25€/MWh HT sur votre facture ».