L’invitée de la semaine : Alba Meulier

Après avoir fui Lons, elle revient debout. Comme elle est sortie du procès avec quatre autres femmes, reconnues victimes de viols par leur moniteur d’équitation. Elle l’avait épousé et a choisi de raconter son histoire pour que d’autres langues se délient et ça marche.

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Après plusieurs interviews, elle témoigne toujours sous pseudo, mais ose montrer son visage.

Pourquoi raconter votre histoire ?
Mon journal intime, commencé quand j’ai déposé plainte en 2016, n’avait pas vocation à être un livre. C’était une thérapie. Je me confiais dans ces pages jusqu’au procès en janvier 2021. Je me suis arrêtée au verdict et je me suis demandée ce que j’allais en faire. Les avis étaient partagés. Je me suis dit que le combat n’était pas terminé. Il fallait sensibiliser, aller plus loin.

Cela a été facile de le publier ?
J’avais écrit des livres pour Nathan. Une de ses salariées m’a donné cinq noms d’éditeurs. Un m’a rappelée tout de suite.

Quels sont les premiers retours ?
En termes d’écriture, mon livre est facile à lire. Difficile en termes d’émotion. Les très proches de moi ont dû faire des pauses. Des personnes ne comprenaient pas pourquoi je me suis mariée avec cet homme et m’ont dit avoir compris, après cette lecture, la manipulation, l’emprise, comment une femme se construit dans ces conditions, ce qui se passe dans la tête d’une adolescente… Dans l’ensemble, les retours sont positifs.

Est-ce pour vous une manière de vous justifier ?
Pas du tout puisque cela n’avait pas été écrit pour être publié. C’était très intime. Nous étions cinq victimes, nous avons été entendues et reconnues. L’utilisation des pseudos dans le livre a vocation à protéger nos vies personnelles et aussi le coupable car la justice a fait son travail. Ce n’est plus lui qu’on juge, mais tous les autres.

Est-ce aussi démontrer qu’on peut se reconstruire après une telle épreuve ?
Oui, mais je veux aussi montrer qu’être violée avec emprise à un âge charnière fait mourir, disjoncter, d’où le titre de mon livre « Dissociée ». C’est à l’âge adulte que l’on se prend le choc de l’ouverture de la boîte de Pandore. Encore aujourd’hui, ce n’est pas facile. Je donne l’impression d’être forte, mais je suis aussi très tourmentée. La seule manière de s’en sortir est de parler, mais il y a aussi des déflagrations. Je suis en thérapie perpétuellement. Mon corps est marqué. L’après-procès a été très difficile. J’ai été à l’initiative de la plainte et j’ai tenu bon. Quand j’ai lancé l’affaire en tant qu’ex-femme, on m’a traitée de jalouse. J’ai perdu beaucoup d’amis, j’ai fui Lons, je me suis reconstruite ailleurs. D’autres subissent encore des regards inquisiteurs. Mais au procès, nous n’avons pas été remises en cause. La légitimité, on l’a eue. L’idée est de prévenir, sensibiliser les enfants et les parents.

De plus en plus d’histoires comme la vôtre sont dénoncées dans le milieu sportif. Comment a réagi votre fédération ?
Elle a été absente alors que ses représentants étaient au courant avant le procès. Je les ai contactés, sans rancœur, au moment de la sortie de mon livre. J’ai eu la responsable juridique qui me l’a demandé. Je n’ai pas eu de nouvelles pendant plusieurs mois et quand j’ai rappelé, elle m’a dit qu’elle travaillait sur un gros dossier. Elle ne m’a pas rappelée. Ils auraient dû être partie civile à nos côtés au procès.

Comment faire évoluer cela ?
J’ai plein d’idées pour que cela change. Il faut mettre en place des interventions pendant les formations, faire des conférences dans les centres hippiques… Quand une personne parle, toutes les langues se délient. Beaucoup de victimes m’écrivent. Je suis sollicitée par M6.

Est-ce que les autres victimes approuvent votre démarche ?
Elles sont toutes à mes côtés. Une viendra avec moi à la dédicace. J’ai voulu tout dénoncer sans les prévenir, sans qu’on puisse me dissuader. Elles m’ont dit merci parce qu’il fallait parler.

Avez-vous toujours la passion de l’équitation ?
La passion que j’avais en tant qu’adolescente a disparu. Elle a disparu au fur et à mesure de mon histoire avec lui. J’aime toujours les chevaux, je suis contente d’en voir dans les prés. J’ai essayé de remonter à cheval, mais des sensations remontent. C’est mort. J’ai perdu dix ans de ma vie et ça en fait partie.

« Dissociée », éditions de L’Onde, 137 pages, 15 euros. Dédicace ce samedi 17 septembre, de 14 h à 18 h, à la librairie Guivelle, à Lons-le-Saunier.