Rubrique. Grands mots, grands remèdes : Après la quotité

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Nous étions restés plantés entre Maquereau et Quotité. Ces deux mots étaient les bornes du Tome 3, en 2011, du dictionnaire de l’Académie française (1). Depuis nous survivions avec l’espoir d’une nouvelle édition tant il était impensable de ne pas dépasser la Quotité alors même qu’on parle de retourner sur la Lune.

C’est fait ! La 9-ème édition du Dictionnaire de l’Académie vient de proposer un Tome 4 apportant toutes précisions entre R- et Zzz. Il était temps : 321 millions de locuteurs de notre langue battaient semelle ignorant leurs droits sur les mots de R à Z dont ils usent chaque jour pour leurs conversations ordinaires.

Et que dire aux 132 millions d’apprenants du français pour qui le rab et le zut restaient d’usage osé et peut-être prohibé ? (2)
La parution du Tome 4 devance de deux jours, « Un cow-boy sous pression », le dernier Lucky Lucke (3) et de quelques heures « Chroniques Rustiques », la compilation de ces rubriques publiées par Hebdo 39. (4)

L’Académie en profite pour une judicieuse révision de sa précédente édition. Ce sont 21 000 entrées nouvelles, mais on n’a rien sans rien me dit la Marie-Madeleine (5) et il nous faudra déplorer la disparition de quelques vieux mots hors d’usage. Il faut bien partir un jour et puis Zut on ne peut pas toujours faire du rab, ajoute-t-elle alors même qu’elle n’a pas encore lu le Tome 4 qui traine toujours sur sa commode…

Nous allons perdre apercevante et babillement mais aussi -plus grave- polypeux et processionnellement tous partis l’un derrière l’autre à la queue leu-leu. Il y a pire : ç’en est fini d’Œdipe, rayé sans complexe (6), et de Morphée, parti pour un sommeil éternel.
Mais il y a aussi des nouveaux ! Zadiste, végétalien, télétravail, rendent compte de nos nouvelles prouesses. Et homophobe qui mérite à lui seul ma prochaine rubrique.

Notes pour éclaircir les idées :

(1)- Terminer un travail si long et pointilleux sur le Q en dit long de l’acharnement de
nos Académiciens. Ils ont repris leur ouvrage par le RA- avec le Z en point de mire et
c’est tant mieux. Faute d’avoir le rab, j’allais leur rabâcher qu’ils nous devaient un
rabais. Mais nous nous sommes rabibochés. S’ils renoncent au coup de rabot, il n’y a
plus lieu de les rabrouer.

(2)- Nous attendions zut avec une impatience non dissimulée. C’est que nous nous
exclamons en zut avec bien des bénéfices depuis deux cents ans, au début, sous la
forme z’ut. Le dépit, la colère, l’envie de mettre un terme à une conversation mal emmanchée, on rendu le zut indispensable et l’on se demande comment survivaient nos ancêtres sans ce zut. Probablement utilisaient-ils le mot de Cambronne. Lors de l’appel du 18 juin des anglais : « Braves français, rendez-vous ! » Pierre Cambronne répondit (dit-
on) ce mot de cinq lettres qui entrait dans l’Histoire à Waterloo ce 18 juin 1815.
En 1875, Charles Cros présida un cercle de poètes disparus qui publia l’Album
zutique où l’on disait zut ! à tout. Rimbaud et Verlaine s’y illustrèrent.

(3)- Un nouvel album bien éloigné des Grandes Plaines du Far-West et où Lucky
Luke se mêle d’un conflit social dans l’Industrie de la bière pour réconcilier patrons et
ouvriers brasseurs. « Bin ! Manquait plus ! » commente sobrement la Marie-
Madeleine. Mais qu’en pensent Rantanplan et Jolly Jumper ?

(4)- Les Chroniques Rustiques rassemblent une cinquantaine des rubriques parues
entre mai 23 et mai 24. Il fallait les rassembler. Il eut été dommage qu’elles se
perdent.

(5)- On n’a rien sans rien : pas de petit bénéfice sans contrepartie, effort ou sacrifice.
Cette formule un peu déprimante date -nous disent les historiens du langage- du
7/11/1877 dans le journal L’Événement. Ça n’a guère d’intérêt, je vous l’accorde,
mais c’était pour innocenter La Fontaine.

(6)- Avant qu’il n’ait eu des complexes, Œdipe avait résolu l’énigme du Sphinx.
« Quel être a quatre pattes le matin, deux à midi et trois le soir ? ». C’était la question
du Super Banco mais Œdipe sut répondre que c’était l’homme. Quand il est enfant il
marche à quatre pattes, adulte il se tient sur ses deux jambes, et dans la soirée de
sa vie il s’aide d’une canne. Cette brillante réponse aurait dû faire d’Œdipe le Saint Patron des blagues de papillotes.

Si je vous raconte ça c’est pour ne plus avoir assez de place pour aborder le
« complexe d’Œdipe » qui est une histoire assez dégoutante où un petit garçon en
âge de maternelle développe un désir sexuel intense pour sa propre mère.
Et là encore la Marie-Madeleine ajoute : « Bin ! Manquait plus ! »