Champagnole : un gorille chez les pygmées africains

La sculpture de Pascal Bejeannin s’apprête à vivre un périple équatorial de plusieurs années. Une aventure humanitaire, humaine et artistique.

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Le gorille prendra sa place au coeur de la forêt africaine. Crédit photo : Mize en boîte Cédric Bejeannin.

Ours polaire au Groenland, gorille en Afrique, tortue luth aux Galapagos… Art’Situ, le projet humanitaire, écologique, sociétal de l’aventureux sculpteur Pascal Bejeannin poursuit son chemin. Après les tribulations de son ours polaire en acier recyclé au Groenland, c’est désormais à son gorille d’une centaine de kilos d’entamer un long périple en Afrique équatoriale. Selon l’artiste champagnolais, Maghan Mui (le nom de ce gorille signifiant « Au revoir camarade en dialecte fang), devrait commencer son voyage au Gabon début août avant de traverser les deux Congos, l’Ouganda, puis le Kenya. Des pays où l’espèce ne serait plus menacée selon l’aventurier (sauf en RDC -République démocratique du Congo- en proie à une guerre civile), mais des pays où vit une ethnie méprisée : les pygmées d’Afrique (mesurant entre 1 mètre à 1,50 mètre à leur taille adulte). L’occasion pour Pascal Bejeannin et son équipe de mettre un coup de projecteur sur ces hommes « contraints de quitter leurs forêts pour commercer avec les gabonais, mais en même temps pris pour des sous-hommes à tel point qu’il leur est difficile d’avoir des papiers, d’aller à l’école, etc. ». L’ex-logisticien pour MSF n’a pas perdu sa fibre humanitaire, car durant ses multiples missions en Afrique et ailleurs, il a pu constater que  « l’homme est un loup pour l’homme ». Ainsi en RDC, des factions armées se livrent joyeusement aux pillages, aux meurtres et aux viols : « Nous profiterons de notre voyage en Afrique pour rencontrer Denis Mukwege, gynécologue surnommé  l’homme qui répare les femmes’ » car dans ce pays les viols collectifs sont considérés comme une arme de guerre et les mutilations génitales ne sont pas en reste…

« Soyez imprudents »

Ici comme ailleurs, le passage du gorille « made in Champagnole » servira de catalyseur pour évoquer les réalités humaines, écologiques et sociales de la région. Un documentaire réalisé pour Mizeenboite par Cédric Bejeannin (qui n’est autre que le frère de Pascal) mettra celles-ci en lumière pour rapporter dans le Jura et en France des éléments de réflexion, destinées avant tout aux jeunes générations. « Nous irons dans les écoles et les collèges » qui le souhaitent pour ouvrir le débat sur le monde explique Pascal Bejeannin. Une démarche pédagogique doublée d’un message fort : « J’étais moins bon que vous à l’école, mais j’ai accompli mes rêves : si tu as un rêve, fais qu’il devienne réalité ! La vie ne se passe pas sur les réseaux sociaux. Il faut être imprudent pour oser, et en même temps ne pas compter sur autrui (ou l’Etat) pour se relever en cas d’échec ». Ce n’est pas son gorille qui dira le contraire : après avoir été exposé pendant plusieurs semaines à Libreville, Maghan Mui partira sur certaines pistes défoncées ou sur un radeau à la rencontre des populations locales et de l’avenir de l’homme. Une belle aventure humaine et simiesque à suivre au cours des prochaines années.

L.R.

Contact : www.art-situ.com/Facebook Art’ Situ/ 06 84 52 86 87

Pascal Bejeannin exposera son gorille chez les pygmées du Gabon. Photo illustration.

Les pygmées, rois de la jungle

Pascal Bejeannin a déjà connu des situations rocambolesques avec ces peuplades dans les années 2005-2007, alors qu’il était logisticien chez MSF : outre le fait d’avoir été affublé d’un « garde du corps » d’environ 1 mètre de haut, il se souvient d’une chasse épique dans la jungle : « J’ai chassé le singe à leurs côtés. Mais tandis qu’ils se faufilaient avec aisance dans la forêt, je peinais à les suivre. Et tandis que j’arrivais essoufflé à l’affût, ils me regardaient d’un air de dire : il ne peut pas faire moins de bruit, celui-là ! ». Moins cocasse, il se souvient également « d’un pygmée chargé de nettoyer pendant des mois l’hôpital où sa femme avait reçu des soins avant de décéder ». Un paiement en nature montrant la précarité de cette ethnie.