20 à 30% : de l’avis d’avocats fiscalistes, c’est le surplus que devraient vous coûter des commandes réalisées sur les mastodontes du Net à compter du 1e juillet. Ou plus précisément celles provenant de pays hors UE, Asie et Chine en tête. Car depuis de nombreuses années, ces pays violent allègrement les lois prévalant en France et en Europe concernant le versement de la TVA : des fraudes massives, dont les montants astronomiques se chiffrent en milliards d’euros (lire encadré). Il faut dire que le système est bien huilé : les plateformes géantes du Net hébergent des myriades de vendeurs tiers (e-commerçants), domiciliés en Chine en particulier. Pas moins de 43.188 selon une enquête diligentée par les services fiscaux en 2019, alors qu’ils n’étaient que 6.619 deux ans plus tôt ! Il faut dire que cette vente directe -sans passer par des distributeurs et des magasins plus sélectifs- était tout bénéfice pour eux. En effet, la majorité de ces vendeurs expédiaient jusqu’alors leurs petits produits en tant « qu’échantillon, pièce détachée ou cadeau » d’une valeur commerciale de moins de 22 euros…ce qui leur permettait ainsi d’échapper à la TVA. Comme c’est le vendeur qui déclarait seul cette valeur et que les contrôles étaient rares, facile de frauder et de proposer des tarifs imbattables par rapport aux commerçants européens, en particulier les commerces physiques. C’est ainsi qu’un smartphone par exemple, pouvait être proposé d’entrée de jeu à -20 % par rapport au même produit vendu en France… Une distorsion de concurrence que les services fiscaux français avaient repérée dès 2019 : selon eux, près de 98% des vendeurs chinois opérant sur ces ‘marketplace’ n’étaient tout simplement pas immatriculés à la TVA en France, hormis les plus gros d’entre eux.
Une concurrence plus loyale avec les commerces physiques
De quoi faire un peu tache et obliger l’Europe à réagir, même tardivement. D’où une directive supprimant la fameuse franchise de TVA pour les biens d’une valeur inférieure à 22 euros, et une taxation à la TVA (20%) de tous les produits expédiés par envois « express » en avion. Des règles étendues à tout le fret aérien à compter du 1e mars 2023, et même à tous les produits importés par bateau, route ou rail à l’horizon 2024. En outre, l’Union Européenne a programmé l’instauration du Import Control System 2 (ICS 2), qui permettra en théorie de collecter plus de données sur les marchandises avant qu’elles ne franchissent nos frontières. Et les sanctions dans tout cela ? Dans un premier temps, des plateformes comme Amazon indiquent que les vendeurs tiers ne remplissant pas leurs obligations légales et fiscales seront rappelées à l’ordre, voire retirées de leur Marketplace. Plus incitatif, depuis janvier dernier, les plateformes doivent s’acquitter de la TVA auprès de la France pour le compte de leurs vendeurs tiers : de quoi faire enfin le ménage. Il était temps, car de l’aveu même d’Amazon, au moins 58% des produits sont commercialisés par des vendeurs tiers. Mais Rue du Commerce, Cdiscount et compagnie réservent eux aussi une large place aux produits ‘étrangers’. Au final, la concurrence devrait donc être plus loyale entre e-commerce et commerces physiques, entre commerces français et internationaux. Mais les prix cassés seront moins avantageux pour le consommateur, tandis que les délais de livraison devraient s’allonger du fait des nouvelles formalités. De quoi changer de paradigme ? L’avenir le dira…
Stéphane Hovaere
Des fraudes par milliards
Sept milliards d’euros. C’est la coquette somme estimée sur laquelle l’Union Européenne s’assoit chaque année du fait de cette fraude à la TVA. Une estimation évaluée à un milliard d’euros pour la France. De quoi voir rouge…comme la couleur du drapeau de l’Empire du Milieu.