Quel constat général peut-on faire sur la situation actuelle ?
Au temps de mon père, sur une décennie, il n’y avait qu’une année catastrophique, alors que nous, on en vit plusieurs d’affilée. Cette année est particulièrement désastreuse pour nos 45 hectares de vignes et nos 17 vignerons du Caveau des Byards. Depuis octobre 2023, il pleut continuellement, ce qui permet au mildiou de se propager plus rapidement. Ce champignon touche tout le monde, notamment les vignerons en agriculture biologique, avec qui nous ne travaillons pas directement mais qui sont nos confrères. De plus, le gel a touché 98 % des vignes à Le Vernois et jusqu’à 100 % dans le sud du Revermont. Toute la filière est impactée par cette saison dévastatrice.
Quel bilan peut-on dresser des vendanges de cette année ?
Les vendanges de 2024 ont été particulièrement affectées. Nous avons eu 10 jours de vendanges cette année, au lieu de 5 semaines l’année dernière. À Le Vernois, nous avons récolté une tonne de raisins alors que nous avions 8 hectares de vignes au départ. Au total, par rapport à l’année dernière, nous avons récolté seulement ¼ des volumes habituels. Tous les types de vin sont concernés par cette pénurie : nous n’avons pas de raisins pour le vin de paille, le crémant manquera par rapport à la demande, et le vin blanc sera plus rare, tout comme le vin rouge.
Quelles sont les perspectives pour les vignerons après cette saison catastrophique ?
L’État et le Conseil départemental pourraient mettre en place des mesures pour accompagner les vignerons durement touchés. Il y a des risques de faillites, notamment pour les jeunes vignerons qui ont récemment investi, mais on ne va pas laisser la situation s’aggraver. Au sein de la coopérative, nous allons essayer de leur faire des avances de trésorerie et les aider à valoriser leur travail. C’est l’avantage du collectif par rapport à l’indépendant. Nous avons aussi une assurance climatique, prise en charge à hauteur de 65 % par l’État. Cependant, le calcul des indemnités est basé sur la moyenne des 5 dernières années, et l’année 2021 n’a pas été glorieuse non plus, en partie à cause du gel. Nous croisons les doigts pour l’année prochaine et restons optimistes : après une année de gel, il y a généralement une bonne récolte l’année suivante.
Quelles seront les répercussions sur les clients ?
Cette situation représente une perte sèche directe pour nous. Certes, il y aura une légère augmentation des prix, mais pas de manière excessive. Nous anticipons déjà que notre réseau de clientèle pourrait se tourner vers la concurrence en raison de la diminution de nos offres. Pour autant, nous maintenons le stock car l’année dernière a été une belle année. Et nous allons continuer les dégustations, participer à différents salons et faire vivre le tourisme. On est toujours dans un travail continu de fidélisation.
Quelles précautions peuvent être prises pour faire face au gel ?
Il existe des solutions électriques, comme le câble chauffant, qui ont été évoquées, mais elles représentent un investissement hors de prix. Il y a également l’idée de créer des plants de raisins plus résistants, mais cela prendra au moins 10 à 15 ans à mettre en place, car il s’agit de repartir de zéro. De plus, c’est l’INAO qui gère les appellations contrôlées.
Une nouvelle génération qui privilégie la bière au vin et qui reste attentive aux prix… Comment remédier à la baisse d’intérêt pour le vin en France ?
Nous avons la chance que le vin du Jura soit un vin de niche, au goût bien particulier. Nous sommes confiants pour l’avenir. Nos vins jurassiens sont uniques et ils peuvent même séduire les amateurs de bière. Pour y parvenir, on ouvre nos portes, on organise des dégustations, on est présents lors de salons et d’événements, notamment à la Percée du Vin Jaune.
B.B