Édito. Tonton Jean-Pierre

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Lors du réveillon de Noël, ça allait encore. Il se tenait à peu près, car il y avait les enfants à table, ce qui nous épargnait ses réflexions grivoises et salaces. Mais lors de la nuit de la Saint-Sylvestre… Tonton Jean-Pierre a encore fait des siennes !

Il faut dire que depuis le début d’après-midi, nous regardions sur le petit écran les festivités de la nouvelle année débuter à Wellington, Tokyo, Sofia… Le problème, c’est qu’à chaque feu d’artifice, tonton Jean-Pierre débouchait une bouteille ! Alors forcément, puisque les breuvages s’enchainaient au rythme des fuseaux horaires, arrivé minuit dans l’Hexagone, il y avait déjà du mal de fait…

Or, comme un malheur n’arrive jamais seul, mal nous en a pris de parler politique.
Et tonton Jean-Pierre d’ironiser (légitimement) sur le piètre spectacle tragicomique livré par nos dirigeants actuels, en concluant, « saoul mais digne » comme il dit, et presque avec philosophie que « tout fout l’camp ». Le souci avec tonton Jean-Pierre, c’est qu’une fois que la première pièce est insérée dans la machine, il n’est plus possible de le stopper. Il n’est pas méchant, mais il ne peut pas s’empêcher d’être excessif et caricatural.

« Toi qui es journaliste, tu le vois bien que ça ne va pas ! On paye toujours plus, pour avoir toujours moins. Tu l’écris même dans tes éditos » s’indignait-il en me montrant du doigt.
Par réflexe diplomatique, j’essayais donc de tempérer, de jouer la montre, je tentais de justifier que tout n’est pas aussi simple, que le raccourci est parfois facile, qu’il existe des nuances. Mais cela ne faisait que remonter le coucou.

« Et puis tous ceux qui touchent des aides sociales, on devrait les envoyer nettoyer nos forêts ou curer les fossés, il y a en a du boulot à faire dans nos campagnes ! » maugréait-il.
Finalement, l’incendie s’éteignait de lui-même, tonton Jean-Pierre tournait de l’œil, et s’écroulait sur le canapé. Je décidai alors, symboliquement, de contempler ce nouveau jour de la nouvelle année éclore.

Ainsi, comme l’écrit si justement Michel Houellebecq dans « Sérotonine », « Le matin du premier janvier se leva, comme tous les matins du monde, sur nos existences problématiques ». Encore éberlué de ce nouvel an fini en eau de boudin, je repensais à la citation d’Edgar Faure, pendant qu’un soleil pâle naissait : « L’immobilisme est en marche, et rien ne pourra l’arrêter ». Finalement, il ne croyait pas si bien dire…
Ceci étant, bonne année quand même !