Édito. Grands Mots Grands Remèdes : Encore des mots

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Docteur Gérard Bouvier
Docteur Gérard Bouvier

Comme chaque année vient de paraître la liste des mots nouveaux qui font leur entrée dans le Larousse et le Robert. Ils sont 150 à venir cohabiter avec les 65 000 locataires déjà dans la place. Dans le même temps où la Palme d’Or récompense les meilleurs films à Cannes, les mots nouveaux qui le méritent ont droit au Pissenlit d’honneur des couvertures Larousse (1).


Cette année, l’intelligence artificielle se taille la part du lion (2). Merci au Québec qui nous convainc d’adopter hypertrucage en lieu et place de deepfake. Le truquage désignait en 1872 le falsification des œuvres et objet d’art. Il s’est ensuite démocratisé au point qu’on a bientôt pu truquer toutes sortes de trucs. Heureusement on peut désormais débunker c’est-à-dire démontrer la fausseté d’un truc.

Dans la même domaine nous allons devoir désormais prompter. Et vite ! Car l’intelligence artificielle a promptement besoin que nous lui adressions des requêtes en langage naturel pour nous répondre doctement. C’est une première étape. Les prochains progrès seront d’obtenir des réponses alors même qu’on n’aura rien demandé. C’est ce qu’on observe déjà dans la téléphonie.

La dépathologisation était attendue de longue date (3). Ne plus considérer comme pathologiques et donc nécessitant des soins, les personnes LGBT ne va malheureusement pas être unanimement accepté sur la planète. Si vous êtes une tiktokeuse neuroatypique en periménopause et en précarité menstruelle, vous serez rassurée de savoir que vous entrez désormais dans le dictionnaire (4). N’en abusez pas tout de même…

Si vous êtes asexuel ne vous tournez pas vers le Chemsex (5). Ce serait une bordélisation et une dépense bien inutile. Si vous vivez cet état comme une dramédie, la pair-aidance peut être tentée (6).

Je vous souhaite bien du bon temps avec le cru 2026 de nos mots nouveaux.

Notes pour se faire une idée mieux documentée :

(1)- L’emblème des éditions Larousse date de 1890. C’est une femme soufflant sur les akènes d’un pissenlit accompagnée de la devise : « Je sème à tous vents ». Cette semeuse est due au dessinateur Eugène Grasset et elle nous est très familière sans avoir toutefois atteint la notoriété de l’emblème de la Vache qui rit. Dans un tout autre domaine je vous l’accorde.

(2)- Se tailler la part du lion c’est prendre la plus grosse part comme si l’on était le roi des animaux, alors que, pas du tout. L’expression nous vient d’une fable de La Fontaine « La génisse, la chèvre et la brebis en société avec le lion ». Je vous la fais courte : c’est l’histoire d’une chèvre qui prend un cerf dans ses filets. C’était au temps où les chèvres avaient des filets, naturellement. Elle décide de partager avec ses compagnons : une génisse, une brebis et un lion. Mais le lion -contre toute attente- décide de partager ce butin en quatre parts… et de s’octroyer, pour divers motifs dont certains contestables, les quatre parts. C’était évidemment très mal poli et justifiait que le poète en fit une fable.

(3)- Pathologie n’est pas le plus beau mot de notre vocabulaire. En termes d’élégance poétique ce mot arrive loin derrière estaminet, clafoutis ou rossignol. Celui qui a décidé de construire à partir de pathologie « dépathologisation » est de toute évidence un grand malade.

(4)- Nous avons-là des mots qui nous sont depuis longtemps indispensables. Surtout la précarité menstruelle qui d’ailleurs se marie bien avec la periménopause. De même, on jurerait que les tiktokeuses rencontrées dans la rue sont un peu neuroatypiques… Si ! Quand même souvent…

(5)- L’asexuel n’a aucune attirance pour le sexe. Vous pouvez lui apporter tout nu sur un plateau avec une prime de cent euros, il s’en fiche comme de sa première chemise. Une étude a montré qu’au Royaume-Uni environ 1 % de la population est asexuel. Aucune étude similaire n’a été réalisée chez nous faute de crédit. Les autres sont -souvent sans le savoir- allosexuelles. Ce qui confirme l’importance du téléphone dans nos sociétés modernes.

Le Chemsex est une pratique de la sexualité assistée par des produits chimiques assurant un durcissement longue conservation. C’est un peu comme le vélo électrique qui permet de grimper là ou d’autres ne sauraient s’aventurer. Donc, une sorte de sexe à pile.

(6)- Une dramédie est un mélange de drame et de comédie. Ce mot n’était pas nécessaire. Si vous regardez « le 20 heures » vous savez depuis longtemps à quoi vous en tenir.