Rencontre avec Pascal Chenier, président de l’association Protège ton pays

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Pascal Chenier.

Pascal Chenier, depuis quand, comment et pourquoi s’est crée « Protège ton pays » ?
Depuis octobre 2020, la publicité des actions et l’information diffusée contre le projet de parc éolien « des Rives de Saône », a fait prendre conscience du risque de l’éolien en région. Très vite nous avons été contactés par des personnes, simples citoyens ou élus, inquiétées d’être également impactées par d’autres projets. Nous en sommes arrivés à la conclusion que toutes les communes du Val de Saône et de la Plaine Jurassienne limitrophes étaient approchées par une nuée de développeurs de différentes sociétés avec une volonté d’opacité dans la démarche.
L’action individuelle n’étant pas considérée, il était donc nécessaire de se constituer en association afin d’avoir un statut juridique pour pouvoir interférer dans les projets, défendre nos droits et obliger à considérer les populations concernées, pas uniquement celles des communes d’implantation mais également celles des communes environnantes qui ne manqueront pas d’être impactées par la démesure des projets qui sont annoncés en région.
Le 27 février 2021, nous avons constitué l’association « Protège ton pays » déclarée en Préfecture de la Côte D’Or et inscrite au Journal Officiel de la République début mars. C’est une association de défense de l’environnement et du patrimoine, nous avons vocation à agir sur un large périmètre du siège situé à Franxault. Constituée au départ avec une trentaine de membres, PTP regroupe aujourd’hui environ 250 adhérents et une association d’environ 70 membres qui s’est rattachée.
Par ailleurs, nous sommes adhérents à la FED (1700 associations) et au CRECEP qui sont des fédérations de lutte au niveau National et Régional.
En clair, notre vocation consiste à informer bénévolement les populations des réalités de l’éolien mais aussi des enjeux climatiques, énergétiques et de l’urgence qui en découle. Nous sommes maintenant en capacité d’intervenir en exposition et/ou en débat en nous appuyant sur un support pédagogique que nous avons mis au point. Nous souhaitons élargir notre communication en travaillant le plus possible avec les communes et les EPCI. Si le besoin s’en fait sentir PTP s’autorise aussi l’opportunité d’ester en justice.

Actuellement, quels projets locaux vous préoccupent ? En quoi vous semblent-ils néfastes ?
Nourrir les populations, préserver la ressource en eau, la biodiversité, maintenir un équilibre environnemental et patrimonial qui sont les atouts de notre Pays, là est le rôle de la ruralité.
Il faut être clair, un projet est officiellement répertorié à partir du moment où il est présenté à l’autorisation Préfectorale ce qui neutralise toute action juridique en amont. Une fois déposé, il est étudié par les services de la Préfecture concernée. Ensuite une très courte enquête publique est lancée qui laisse tout juste un mois pour réagir, obtenir les études réalisées sur plusieurs années, les examiner etc…. Autant dire que la tâche est rendue quasi impossible dans le délai imparti. Prenez acte que les promoteurs attaquent presque systématiquement les décisions de refus préfectorales en justice.
Dès qu’une commune laisse s’implanter un mat de mesure, présenté comme étant une phase de « préfaisabilité », le processus est lancé et seul le refus du Préfet pourra stopper le projet, quelle que soit la position de la municipalité. Par contre la réglementation en vigueur rappellera la commune à ses obligations au moment du démantèlement. A ce sujet, l’insuffisance de la provision n’est pas niée. A notre demande d’intégration du coût réel du démantèlement dans son plan de financement initial, le développeur du Projet Des Rives de Saône répondra : « adressez-vous à vos Députés c’est eux qui font les lois ». (Une garantie qui s’élève de 50 000 à 80 000€ selon le type de machine pour un coût réel estimé à plus de 500 000€ par machine).
Nous parlons donc de projet en devenir mais bien réel et tous nous inquiètent. Si un seul prend forme ce sera au final un mitage complet de nos régions. Nous recensons actuellement près de 30 communes concernées entre la communauté de communes « des Rives de Saône » anciens cantons de Saint-Jean-de-Losne, et Seurre, celle d’Auxonne et de Jura Nord, et de toute la « plaine du finage ». Ce qui est commun à tous c’est que des plans d’implantations circulent bien avant que les populations soient informées. Sans nos interventions celles-ci seraient mises devant le fait accompli !

Concrètement que cela donnerait sur le terrain ?
Il s’agit d’un déploiement massif de machines qui culmineront entre 220m et 240m en bout de pales qui vont changer drastiquement, pour ne pas dire démolir, nos régions en les transformant brutalement en une immense zone industrielle visible à des kilomètres. Tout le tissu économique et social va être impacté. Qui aurait envie de venir habiter, vivre, séjourner, se détendre au milieu d’un tel environnement ? La démesure de ces projets impactera toutes les communes. Quel intérêt de visiter le clocher de la Collégiale de Dole pour se trouver nez à nez avec des éoliennes ? Ne pratiquons pas l’angélisme, la commune qui accepte l’éolien accepte de nuire à son voisin.
D’ailleurs, pourquoi de telles machines ? Notre région est quantifiée scientifiquement faiblement ventée. La mesure du mât installé à Grosbois les Tichey (21), n’a jamais atteint une force moyenne annuelle de 5m/s depuis 2018 (4,8m/s). Il est géographiquement improbable que le vent soit plus favorable à un autre endroit du périmètre concerné. Selon des données diffusées par France Energie Eolienne, une rentabilité énergétique s’obtient à partir d’une force moyenne de 12,5m/s. Ce n’est donc pas l’intérêt énergétique qui est recherché.
En palliatif nous sont proposées des machines qui vont culminer à 240m en dessus de pale. A part concevoir une machine qui fabrique du vent, il s’agit d’une logique incompréhensible. En revanche les impacts négatifs, aujourd’hui reconnus (syndrome éolien, bruits, visuel dégradant, valeur immobilière etc…), seront démultipliés d’autant plus que le tissu communal au maillage très serré ne permet pas un éloignement suffisant dans une région remarquablement plane. L’exposition des populations annoncée est sans précédent et effrayante.

Des précautions ne sont pas obligatoires dans ces domaines ?
Aucune étude géologique n’est obligatoire avant l’obtention de l’autorisation environnementale. Notre région repose sur un système aquifère complexe avec plusieurs nappes phréatiques dont la première est captable à environ 4 mètres de profondeur. Pour ancrer une seule machine il faudra sans doute creuser entre 5 et 7 mètres de profondeur sur 500 M2 pour couler un socle de près de 2000 t de béton renforcé de 80 t de ferraille, stabilisée par trois pieux béton d’1 mètre de diamètre sur 10 à 30 m de profondeur. Autant dire une destruction irréversible du sous-sol accompagnée d’une stérilisation en surface. Ajoutez à cela la destruction des habitats naturels de la biodiversité et la mortalité de l’avifaune générée systématiquement par la présence de ces machines et il devient alors très contestable d’associer ce concept à une démarche écologique au sens noble du terme.
Et même si l’éolien avait une réelle utilité, les choix d’implantation sont incompréhensibles. S’agissant d’activités industrielles, ces dégâts sont inévitables. Il faut compter une emprise de 5000 M2 par éolienne en zone rurale. Sur le portail gouvernemental qui traite de l’artificialisation des sols sont recensées 150 000 hectares de friches industrielles, soit une capacité d’accueil de 300 000 éoliennes. Il s’agit alors de zones adaptées qui bénéficient de l’existence des voies d’accès et des réseaux de distribution sur des terrains déjà artificialisés donc avec impact quasi inexistant sur la biodiversité, au plus près des besoins (inutile de rappeler qu’il se fait nuit en campagne quand la ville brille en continu). Les villes sont dotées d’un urbanisme étagé qui faciliterait sans doute l’acceptation, c’est en tout cas ce que disent les sondages qui indiquent que l’éolien est rejeté en ruralité alors qu’il est accepté en milieu urbain. Ces choix existent dans certains pays Européens.

L’éolien n’a-t-il réellement « aucun effet positif sur le réchauffement climatique » ?
Le réchauffement climatique causé par l’activité humaine est une réalité. La politique soutenue depuis plusieurs années est de baisser nos émissions de gaz à effet de serre GES de 5% par an jusqu’en 2050 pour espérer limiter le réchauffement à 2°c d’ici à 2100. (Nous n’y sommes parvenus qu’en 2020 en raison de la pandémie). On parle aussi de neutralité carbone qui consiste à ne pas émettre plus de CO2 que notre environnement est en mesure de capturer.
Pour tenter d’atteindre ces objectifs on procède à un transfert des usages à base de sources fossiles au profit d’usages électrifiés dont la production doit être décarbonée. Dans ce contexte, on doit donc s’appuyer sur un mode de production non seulement décarboné, mais également massif, pilotable et maîtrisable afin d’assurer la fourniture au moment des besoins tout en respectant l’environnement qui constitue notre potentiel de capture du CO2.
Si 26% des émissions de GES mondiales sont dues à la production électrique carbonée à 70%, la production électrique Française est décarbonée à 92% dont 70% de nucléaire, 12% d’hydroélectricité qui sont des productions pilotables, constantes et maîtrisables et 10% pour l’éolien et le solaire, qui sont des productions intermittentes soumises aux facteurs naturels aléatoires que sont le vent et le soleil. La France est donc le premier pays au monde à produire massivement une électricité décarbonée.

Avez-vous un dernier message à faire passer à nos lecteurs ?
Il est toujours douloureux de constater à quel point l’idéologie liée à la désinformation peut nous emmener sur de mauvais chemins. Localement, quelles que soient les fonctions tenues, même s’il est compréhensible de vouloir faire évoluer les finances locales, posons-nous les bonnes questions.
En acceptant le développement de l’éolien dans ma région est-ce que je fais socialement, énergétiquement et climatiquement, mieux ou moins bien ? Ces mêmes questions doivent se poser pour chaque particulier qui envisage la location de ses terrains. Le faire c’est rendre son voisin plus précaire.
Notre association se met à disposition des collectivités qui souhaite s’informer et informer leurs administrés.

« Notre vocation consiste à informer bénévolement les populations des réalités de l’éolien mais aussi des enjeux climatiques, énergétiques et de l’urgence qui en découle ».

Contact mail : ptp213971@gmail.com